En 1992, je présentais des émissions de consommation, je commençais à avoir fait le tour de la question quand, un jour Michel Cardoze a quitté tf1, une belle opportunité m'a été offerte. La façon dont la météo était traitée sur la chaine m'intéressait beaucoup : ce service est une émission à part entière rattachée à l'information. C'est donc un service complet, auquel on accorde beaucoup de crédit.
Par ailleurs, la géographie me passionnait. J'ai fait un stage chez Méto-France, Alain Gillot-Pétré a été mon guide pour décrypter les cartes et je me suis entrainée à présenter la météo sur le fameux fond bleu !
Très tôt vous avez sensibilisé le grand public aux problèmes environnementaux, quel a été le déclic pour en parler ?
Le déclic et la prise de conscience se sont faits en 2007 au Forum International de la Météo qui cette année-là se déroulait à Zagreb (Croatie). Le thème était le réchauffement climatique dont on parlait peu à l'époque. Ce type de rendez-vous réunit des climatologues, des prévisionnistes, des scientifiques. Et j'ai constaté rapidement que tous ces experts se sentaient perdus face au changement climatique. Des mesures prouvaient qu'il se passait quelque chose mais comment communiquer auprès du grand public ?
J'ai vite compris que le bulletin météo que je présentais était une formidable opportunité de prise de parole : il réunit 6 à 7 millions de téléspectateurs. J'avais envie de parler d'écologie en évoquant les bons gestes qu'on pouvait adopter au quotidien. Je souhaitais rester dans le concret et donner des solutions pratiques aux personnes (on se souvient effectivement des petits conseils du type "10 km/h en moins en voiture c'est 10 % d'économie d'énergie").
Pour dire des choses vraies qui soit scientifiquement irréprochables, je me suis entourée d'experts reconnus comme le climatologue Jean Jouzel,...
C'est vrai que j'ai été la première à parler d'écologie pratique et positive à l'antenne, l'Ademe m'a contactée (Michèle Pappalardo Présidente de l'Ademe de 2003 à 2008) enchantée de ce que je faisais. Un mois plus tard, l'Agence lançait la campagne "faisons vite ça chauffe !". En fait chacun travaillait de son côté à démocratiser l'écologie !
Dans votre livre, C'est bon pour la planète : pour un nouvel art de vivre, vous donnez des trucs et astuces pour une vie plus durable : l'écologie ça passe forcément par le quotidien ?
L'écologie passe par le quotidien, inévitablement. Mon livre commence par cette phrase "je ne suis pas écolo, je suis mère de famille" et c'est vrai on devrait tous être écolo naturellement.
Je souhaiterais citer Antoine de Saint-Exupéry : "on n'hérite pas de le terre de ses parents, on empreinte celle de ses enfants". Cette pensée a guidé mon livre et fait sens pour moi, elle est exactement ce que je pense de l'écologie car elle tient compte des générations futures.
L'écologie c'est avant tout beaucoup de bon sens, j'ai eu un compost à la campagne quand personne n'en avait ! Mais c'était avant tout car les éboueurs passaient une fois par semaine, le compost évitait les mauvaises odeurs qui se dégagent des poubelles ! C'est un exemple qui illustre parfaitement l'idée que je me fais de l'écologie !
Quels sont les 2, 3 gestes green qui vous font plaisir à faire ?
J'adore jardiner car j'ai besoin de contact avec la nature, bien-sûr je jardine sans engrais chimiques. Je fais même mon purin d'ortie !
Je suis particulièrement attentive aux gestes suivants :
- Bien éteindre la lumière quand on quitte une pièce;
- Avoir une conduite éco responsable;
- Ne pas surchauffer la maison;
- Ne pas laisser couler l'eau.
Que vous ont inspiré le Grenelle et puis Copenhague ?
Le Grenelle, c'était plein de bonnes intentions mais encore faut-il aller jusqu'au bout... On est malheureusement dans des économies de budgets mais pas d'énergie ! Mais le Grenelle a au moins eu le mérite d'avoir fait prendre conscience au grand public. Les citoyens comprennent également que dans économies d'énergie, il y a économies ! En cela, les maison HQE (Haute Qualité Environnement) peuvent séduire, par exemple.
Copenhague, en revanche, a été une expérience très décevante, les lobbies reprennent le dessus.
La présentatrice météo que vous êtes est-elle inquiète pour le climat ?
Les conséquences du réchauffement climatique me préoccupent beaucoup, en effet.
La main de l'homme contribue à accentuer le réchauffement, même si on est dans une phase de réchauffement climatique naturel comme on a pu le voir au cours des millénaires.
Il est alarmant de constater que les courbes des températures et du co2 du XXème siècle sont très proches. Les courbes sont très lentes de 1900 à 1980 par contre elles sont exponentielles de 1980 à 2000 !
Même si on doit rester prudent sur les cause du réchauffement climatique, on constate, impuissant, que nous avons de plus en plus d'années douces dans les décennies très proches et on bat des records facilement. Les zones humides sont de plus en plus humides et les tempêtes sont de plus en plus violentes.
Les conséquences qui me préoccupent particulièrement : du côté de l'Arctique, on observe la fonte totale de la banquise en été, ce qui est dramatique pour la faune.
Si on regarde les conséquences pour l'Homme, c'est tout aussi préoccupant, je pense notamment à la notion très récente des réfugiés écologiques.
Les Inuits, par exemple, sont plus que concernés, ils vivent sur le Permafrost (terre gelée normalement toute l'année) qui dégèle désormais l'été, ils ne peuvent donc plus construire leur maison sur ce type de sol et sont obligés de partir, en renonçant à leur culture.
Qu'est ce qui vous force à espérer ?
Les générations futures !
Récemment, j'ai rencontré une classe d'enfants de 8-10 ans qui venait à la préparation d'un bulletin météo. J'ai été ravie de constater qu'ils sont de plus en plus concernés et avertis sur les questions environnementales.
Il font attention aux gestes (fermer le robinet,...). Ils n'auront pas l'idée de ne pas le faire, c'est la grande différence entre eux et nous !
L'écologie rentre dans l'éducation, à l'école, elle est devenue incontournable.
On est incontestablement à un tournant : il y a 3 ans, j'ai senti de la part du grand public un besoin de savoir et une envie de faire, la crise est malheureusement passée par là et a ralenti un peu le mouvement écolo mais on va vers une évolution certaine et durable ! j'y crois !
Qu'est-ce que vous pensez du bio ?
Le bio, c'est bien encore trop peu accessible. Les produits sont 30 % plus chers même si ce marché s'est bien développé, que les prix baissent et ce en quelques années.
Je pense que le bio c'est aussi du bon sens, repensons à ce que faisaient nos grand-mères.
J'achète beaucoup sur les petits marchés que ce soit à Paris ou en province : ils ont des produits de qualité, de saison, en petite quantité, ils choisissent pour la plupart une agriculture raisonnée. Tout ceci avec un bon rapport qualité/prix.
Un endroit qui vous ressource ?
Je me ressource facilement dès lors que je suis en contact avec la nature. Montagne, campagne ou au bord de l'eau : tout me convient !
Mais Paris est une ville fabuleuse, quand je sors du travail, je prends les quais, je file devant la Tour Eiffel, c'est aussi une autre façon de me ressourcer.
Quand on pense à la Corse, au Pays Basque, au Nord : quel bonheur d'avoir une telle richesse de paysages dans un climat tempéré !
Vous semblez toujours positive, quel est votre secret ?
On me pose souvent cette question ! Je ne me force pas, mon métier me passionne, c'est une chance.
J'ai une vie équilibrée cela compte pour cultiver une attitude positive !
Je suis ravie de partir en vacances ou en déplacement mais tout aussi enchantée de rentrer et de retrouver mon travail, j'ai un tempérament mesuré qui fait de moi une personne heureuse.
C'est bon pour la planète : pour un nouvel art de vivre, chez Calmann-Lévy (2007).
Evelyne Dhéliat a été marraine des trophées de l'Ademe et marraine pour le Défi pour la Terre, de la Fondation Nicolas Hulot.