Pouvez-vous présenter brièvement votre parcours personnel ?
Pendant 10 ans, j’ai travaillé sur le soutien aux jeunes porteurs de projets et sur le développement local solidaire. Aujourd’hui, je suis enseignante dans un collège ZEP. J’ai une fille qui a 12 ans, un fils qui a 8 ans et un tout petit qui a un peu plus d’un an. Lorsque j’étais en congé parental de mon second enfant, j’habitais à côté de Marseille et j’ai participé à la création de la 2nde Amap en France. J’y ai participé pendant 3 ans et lorsque je suis revenue dans le Tarn, près de Toulouse où il n’existait pas encore d’Amap, j’ai initié avec d’autres les premières Amap du Tarn. Elles sont aujourd’hui au nombre de 15. Et nous venons de nous regroupe en Réseau des Amap Tarn
Qu’est-ce qui vous a amenée à écrire un livre sur les Amap ?
Lorsque le directeur des Editions Dangles m’a contactée pour me proposer le projet, j’ai souhaité saisir l’occasion de retracer par écrit ce qu’est la grande aventure des Amap « de l’intérieur ». Les Amap sont avant tout des dynamiques citoyennes et je souhaitais mettre en avant le fait que les Amap sont un puissant levier de transformation personnelle.
Quelle est l’importance des Amap en France ?
Il existe environ 1 200 Amap qui concernent 60 000 familles. Mais ce chiffre est en augmentation constante car des Amap se créent tous les jours, par des gens très différents.
Malgré les chiffres encourageants, le système des Amap reste marginal. Que manque-t-il pour qu’il prenne réellement son essor ?
Les Amap n’ont pas vocation à devenir un fait majoritaire. Elles permettent à un certains nombre de citoyens de s’organiser pour consommer autrement et pour signaler au pouvoir public qu’il est grand temps de prendre la question de l’alimentation au sérieux. La disparition des terres agricoles, la fragilité de l’agriculture de proximité n’est pas seulement un drame pour les paysans : c’est en train de devenir le problème de chacun. Bien se nourrir et bien nourrir nos enfants, voilà une préoccupation grandissante pour tous. Il faut désormais que les collectivités territoriales s’impliquent et fassent face à leurs responsabilités.
Une éventuelle institutionnalisation du système ne risque-t-elle pas de le dénaturer ?
Les Amap ont toutes en commun de respecter la Charte des Amap rédigée par Alliance Provence qui est dépositaire du nom Amap. Mais chaque Amap est autonome, peut s’adapter au contexte local, peut tâtonner, se tromper, grandir et mûrir. Il n’y a pas à craindre une institutionnalisation du système car son dynamisme est trop fort et spontané pour être réellement cadré. En revanche, il est intéressant de pouvoir créer des espaces pour coordonner les Amap, échanger et faciliter la création de nouvelles Amap. C’est le cas aujourd’hui de MIRAMAP, le Mouvement inter régional des AMAP
Le retour à la terre et le respect de son rythme naturel qu’implique la participation à une Amap est-il le signe d’une prise de conscience de l’impact environnemental de notre mode de vie artificiel (tomates en hiver, oranges en été, …) ?
De plus en plus de gens se rendent compte que nous devons modifier nos comportements si nous voulons moins nuire à notre santé et à la planète. Le nombre croissant de cancers, d’allergies, l’augmentation de l’obésité met le doigt sur la mauvaise qualité d’une alimentation industrielle, transformée, hors sol et qui accumule pesticides et additifs. Dès lors, les solutions ne sont pas nombreuses : il faut encourager les agriculteurs à redevenir des fermiers en qui nous pouvons avoir confiance et qui vont pouvoir grâce à cette confiance, exercer le métier qu’ils ont choisi dans de bonnes conditions.
L’impact des Amap sur l’économie locale et son dynamisme est-il vérifiable et vérifié ?
Les Amap permettent d’abord à des paysans qui ont du mal à vivre de leur activité de maintenir leur activité en se sentant moins isolés et en ayant une sécurité financière indispensable pour pouvoir se projeter. Par ailleurs, de nombreuses Amap soutiennent des jeunes agriculteurs en installation. Certaines Amap s’engagent même dans une démarche d’appropriation collective de terres agricoles pour faciliter l’accès au foncier à des jeunes paysans. Autant dire que les Amap, au même titre que les circuits courts, permettent aux producteurs engagés dans une démarche de désentisification et de conversion écologique de leur production de trouver des filières d’écoulement où ils ne sont pas pris en otages comme dans la grande distribution.
Enfin, certaines Amap réfléchissent également aux moyens à mettre en ouvre pour permettre à des familles démunies d’avoir accès à des paniers de légumes via des partenariat avec des centres sociaux (en Rhône-Alpes principalement).
Adhérer à une AMAP implique de consommer local. Sans même penser aux fruits et légumes exotiques qui ne sont donc plus consommés, est-il réellement envisageable que la population d’un même pays n’ait pas la possibilité d’avoir accès aux fruits et légumes cultivés sur le territoire national sous prétexte qu’ils ne sont pas produits localement ?
Essayons de ne pas être » jusqu’au boutiste » dans nos raisonnements. Les Amap essayent d’encourager le retour à une agriculture vivrière ou la biodiversité ait toute sa place et de revenir des schémas de l’agriculture intensive qui a encourage la spécialisation des territoires et les monocultures qui sont dévastatrices pour l’environnement. Il ne s’agit pas d’interdire le fait qu’il y ait des échanges entre régions autour de productions locales spécifiques à certains types de terres, certains types de terroirs. En revanche, consommer local veut aussi dire refuser qu’on continue de surproduire certaines denrées alimentaires que nous, pays occidentaux, écoulons ensuite dans des pays en voie de développement selon des procédés de dumping économiques qui déstructurent et anéantissent les agricultures vivrières locales.
Pensez-vous que mettre le respect de la terre au cœur des préoccupations de consommation est le premier pas d’une redéfinition de la société dans le cadre de l’économie humaine ?
Je pense que nous devons nous respecter nous mêmes et les générations à venir et sérieusement nous poser la question de se qui nous nourrit, dans tous les sens du terme. Il s’agit d’arrêter de se remplir sans relâche, de remplir sans relâche nos caddies, nos armoires, nos maisons pour se demander de quelle énergie nous souhaitons bruler. Les Amap permettent, sur cet élément essentiel et intime de notre quotidien qu’en la nourriture de retrouver le sens de la mesure et aller vers une alimentation plus sobre mais plus vivante, plus savoureuse. C’est effectivement le premier pas vers un questionnement personnel plus large sur notre rapport à la terre, à l’économie, au territoire que nous habitons, à l’autre.
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