Vous avez ce que l'on peut appeler un parcours atypique : directeur artistique puis formateur en changement de comportement alimentaire. Une prise de conscience dont votre livre est le résultat ?
Oui, en quelque sorte car mon parcours est un mélange de genres. J'ai eu l'idée d'utiliser la direction artistique pour la forme et l'ingénierie pédagogique pour le fond. Cette combinaison est rare, j'en ai profité pour la faire partager. Las de tous les aspects « intrusifs » du marketing, j'ai en effet souhaité transmettre mon énergie différemment… en harmonie avec mes valeurs.
Quel est votre objectif avec Visio•Food ?
J'ai souvent écrit en dédicace de livres que le meilleur moyen de lutter contre la malbouffe reste l'information. J'ai écrit des articles, dispensé des formations, des conférences, des tables rondes et j'ai toujours constaté que les illustrations imprégnaient mieux les gens. Je détaillerais donc l'objectif de Visio•Food de trois façons :
- Le but. Informer en utilisant un codage cognitif universel.
- L'objectif global. Faire en sorte que le consommateur se souvienne des aberrations que certaines illustrations dénoncent.
et enfin,
- L'objectif pédagogique (qui doit être un comportement observable, dit-on chez les formateurs). Déclencher un changement de comportement.
En d'autres termes, plus qu'un objectif, mon rêve serait de changer cette tendance qu'ont les consommateurs à avaler tout et n'importe quoi. L'Homme aime aller jusqu'à l'excès pour mieux se guérir et l'industrie agroalimentaire l'a bien compris. Elle investit nos demandes et anticipe nos modes de vie pour mettre à notre disposition des produits alimentaires transformés, sans grand intérêt nutritionnel.
Comment avez-vous organisé les rubriques de votre livre ? Faut-il le lire dans l’ordre proposé ou plutôt considérer chaque infographie comme une fiche pratique indépendante ?
J'ai fait quatre grands thèmes. Un premier sur l'écologie, pour tenter de sensibiliser sur l'urgente nécessité de s'intéresser à notre environnement. Un deuxième sur la consommation, pour afficher le reflet d'une société en pleine consommation expansive. Un troisième sur la santé, pour informer sur les dangers de la malbouffe. Un quatrième sur la cuisine, pour mettre à disposition des informations pratiques et utiles. J'ai donc mis en page quatre grands sujets que l'on découvre soit au fil d'une lecture linéaire soit comme des « fiches pratiques ». On me demande depuis, s’il existe des versions « poster » de chaque page, je suis donc en train de réfléchir à une solution pour les proposer.
La tâche semble immense pour rassembler toutes ces données chiffrées, quelle a été votre démarche?
La tâche est immense. Je m'en suis rendu compte à la moitié du livre !
J'ai eu plusieurs étapes de travail. J'ai dû trouver un sujet lié à l'alimentation et m'assurer de son intérêt pour le lecteur. Trouver un sujet qui peut s'illustrer et le mettre en page. Il m'est arrivé de recommencer deux ou trois fois une illustration qui ne me convenait pas, par exemple les grandes surfaces, les fruits et légumes ou les ANC d'une orange. Une bonne illustration doit vous interpeller immédiatement et je ne ressentais pas encore le petit truc « magique » qui permet l'appropriation. Au final, afin de garder le plus de pragmatisme possible, j'ai préféré faire contrôler les pages par des experts et ce n'était pas sans surprise. Bien au-delà de la simple correction, j'ai dû parfois faire des refontes complètes afin de prendre en compte chaque expertise. Je ne remercierais jamais assez, tous les professionnels qui m'ont aidé. Ils ont été formidables. Je ne citerais pas de noms ici de peur d'en oublier, mais ils sont tous mentionnés en pages de remerciements et en signature des sources.
Combien de temps de travail représente ce livre ?
Ce livre représente presque 10 ans de réflexion. J'ai toujours aimé les rangements graphiques de type « taxonomie ». J'ai tenté plusieurs esquisses sans aboutir à une solution viable.
Puis il y a deux ans, j'ai réuni une somme de données afin d'en parler à mon éditeur. Après son accord, j'ai mis moins d'un an pour le réaliser.
Vous avez fait préfacer chaque rubrique par un spécialiste très médiatisé. Pourquoi ces personnes en particulier ?
Merci de m'avoir posé la question, cela me permettra de les remercier encore. Ce n'est pas leur notoriété qui m'a interpellé, c'est leur expérience.
Par ordre alphabétique :
Yann-Arthus Bertrand, pour la rubrique « Ecolo »
J'ai découvert son travail avec des prises de vue de bestiaux. J'ai regardé ces photos des centaines de fois, elles sont magnifiques. J'ai eu ses posters « vues du ciel » accrochés au mur. J'ai baigné dans cet univers, cette pâte Yann Arthus Bertrand ! Son travail me fascine, il contribue à l'énergie que l'on se doit mettre si l'on veut laisser une « belle bleue » à nos enfants. Pour s'en convaincre, il suffit de s'inscrire à la newsletter de GoogPlanet, sa fondation.
Jean-Michel Cohen, pour la rubrique « Santé ».
J'avais déjà échangé des mails avec le Dr Cohen par l'intermédiaire de mon blog. C'est un personnage intègre qui sait se remettre en question. J'aime les gens qui assument leurs faits et gestes, ça les rend encore plus humains. Sa sympathie avait une place toute faite en préface. Il a accepté une minute après avoir décroché son téléphone et j'en suis ravi.
Marie-Jeanne Husset, pour la rubrique « Conso ».
Depuis que je lis le magazine « 60 millions de consommateurs », j'ai toujours apprécié les éditos de cette directrice de rédaction. Pour moi, elle incarne la consécration de toute une vie à la défense et l'information du consommateur. Quoi de plus naturel pour moi que de vouloir lui faire partager ma rubrique conso ?
Thierry Marx, pour la rubrique « Pratique » (en cuisine).
Une admiration profonde. Nous avons la cuisine en passion commune et une fascination pour la culture nippone. Lui faire partager cette aventure me tenait particulièrement à coeur et je n'ai pas été déçu par son accueil.
Une page de Visio•Food que vous-même trouvez étonnante ?
La page 13 : « Le triangle culinaire ». Elle représente le triangle culinaire de Claude Levi-Strauss. À une époque, axée sur l'identité culturelle et l'uniformisation des goûts, j'ai redécouvert à travers ce schéma toute la richesse de nos modes alimentaires. Un petit traité d'ethnologie culinaire concentré dans un seul triangle qui nous livre passionnément les raisons de nos choix en matière de goût du cru, du cuit ou du fermenté.
Mais aussi la page 68 : « Obésité et sous-alimentation ». Elle illustre l'aberration de nos modes de vie. D'un côté les régions ou la famine sévit et de l'autre celles où l'obésité s'est installé. Pire encore, grâce à l'illustration, on y découvre par superposition de couleurs que certaines régions sont victimes des deux fléaux. Pourra-t-on faire comprendre que l'alimentation bio (ou raisonnée) pourrait nourrir le monde et répondre à cette problématique ?