Ouvrir les débats par la projection du film Anaïs s’en va-t-en guerre, c’est donne le ton : la journée sera engagée. Le documentaire de Marion Gervais suit les débuts d’Anaïs Kerhoas, une jeune femme venue de la ville pour réaliser son rêve en Bretagne : cultiver et faire redécouvrir les plantes aromatiques et médicinales. Les débuts sont difficiles et le chemin couvert d’embûches. Mais sa détermination est sans faille : « Je ne suis pas sûre que ça marchera, mais je suis sûre que j’irai jusqu’au bout » dit-elle dans le film. Forte de sa ténacité et du soutien des personnes qui croient en son projet, Anaïs avance petit à petit jusqu’à pouvoir présenter ses premières productions et créations (des tisanes) en montant à la capitale. Et s’il y a des jours d’abattement, lorsqu’elle se souvient de ce qui l’a motivée à choisir cette voie, à savoir son amour pour les odeurs des plantes, elle garde confiance dans l’avenir.
La lumière revient dans la salle alors que le public applaudit chaudement. Sur scène montent Marion Gervais, la réalisatrice, et Philippe Desbrosses, fondateur de la Ferme Sainte Marthe (une de ses multiples casquettes), accompagnés par Anne-Sophie Novel, journaliste qui anime le débat. Les deux intervenants sont totalement admiratifs de l’exemple d’Anaïs, qui restera un exemple cité tout au long de la journée. « Elle a une énergie folle et le courage de mettre en œuvre son rêve », résume Philippe Desbrosses tandis que Marion Gervais parle d’une « princesse dans ses champs », autant que d’une « jeune fille révoltée ».
L’authenticité, une valeur fondamentale
Mais au-delà de l’exemple d’Anaïs Kerhoas, qui est un exemple parmi des milliers en France, ce dont il est question c’est le choix de sa vie et de la direction que l’on veut lui faire prendre. L’authencité est un mot clé de la journée. Au cours de la table-ronde sur le thème très actuel « Reconquête potagère et nouveaux paysans », on comprend bien que tous les projets dont il est question, des néo-paysans aux Jardins de Cocagne, sont portés par des personnes qui croient dur comme fer que l’on peut changer les choses, revaloriser le travail de la terre et le savoir spécifique qui l’entoure.
Jean-Guy Henckel, fondateur du Réseau Cocagne, rappelle ainsi l’importance du travail de la terre, qui « aide à retrouver de la dignité ». Les personnes qui viennent dans un jardin de Cocagne ont envie de se réinsérer et trouvent dans l’activité maraichère une activité qui a du sens et qui les valorise : les abonnés qui viennent chercher leur panier peuvent discuter avec eux, les féliciter et les remercier pour ce qu’ils font. Nourrir les hommes est une activité fondamentalement altruiste et reliante.
Que ce soit pour les néo-paysans, c’est-à-dire des personnes qui s’installent dans une activité agricole par choix et non par héritage, que pour les nouvelles générations d’enfants d’agriculteurs souhaitant quitter l’agriculture intensive, une des clés de la réussite réside dans la capacité à acquérir les bons savoirs pour développer l’activité. « Aujourd’hui, il manque une formation de paysans à paysans, pointe ainsi Marc Dufumier, agronome et enseignant-chercheur. Or, on peut surmonter les difficultés de l’installation par le collaboratif ». Partager son savoir ne revient pas à se tirer une balle dans le pied : rien ne peut être pris au pied de la lettre lorsque l’on travaille le vivant. Il faut toujours s’adapter, c’est la dynamique de l’intelligence collective.
Du vert en ville
Cette intelligence collective ne se trouve pas seulement à la campagne, même si elle est vitale dans ces régions pour les agriculteurs. Elle est aussi accessible aux citadins qui se nourrissent grâce au travail des paysans. Le retour de l’agriculture en ville marque d'ailleurs une évolution des esprits à plusieurs niveaux.
Pour Jacques Caplat, agronome et ethnologue, il est important d’insister sur le fait que nous assistons à un « retour » et non à une « arrivée » de l’agriculture en ville : « l’agriculture urbaine a toujours existé, assure-t-il. Il n’y avait pas de séparation brutale entre la ville et la campagne au Moyen-âge ». Ce mouvement est une chance, et est même fondamental, car il entraine « un rapport au monde différent : il permet de retrouver confiance dans le vivant ».
L’agriculture urbaine n’a pas vocation à rendre les villes autonomes à 100%, mais elle apporte de nombreux bienfaits à la qualité de vie urbaine, notamment en améliorant la qualité de l’air. Elle recrée également du lien social et aiguise l’attention des citadins à leur environnement direct autant qu'à la nature plus globalement. Marie Arnould, rédactrice en chef du magazine Les 4 saisons du jardin bio (Terre Vivante), raconte ainsi comment des enfants d’un quartier défavorisé de l’agglomération grenobloise viennent se servir dans les potagers partagés sans participer au projet, ce qui a à la fois un côté frustrant pour ceux qui sont impliqués dans le projet et un côté rassurant puisque cela montre que les enfants ont compris qu’il se passait quelque chose et qu’il s’agit de produits cosmestibles.
Reste que participer aux projets de jardins partagés ou de potagers urbains est encore plus enrichissant : « la ville nous rend consumériste de services, souligne Marie Arnould, les jardins partagés redonnent au contraire des responsabilités au citoyen ». Alors, à la ville ou à la campagne, êtes-vous prêts à participer au grand retour de l’agriculture bio, locale et sociale ?
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