Elizabeth Laville est une spécialiste de la consommation responsable. Elle dénonce les excès des périodes de fête et nous engage à revenir à un mode de vie plus simple, sans pour autant nous priver.
Nous approchons de Noël... Cette fête est-elle devenue la fête de la consommation ?
Oui, évidemment. Aux Etats-Unis, on estime d’ailleurs que la quantité de déchets des ménages augmente de 25% au moment des fêtes. Pour beaucoup d’enseignes et de marchés, par exemple les jeux et jouets, Noël représente la moitié du chiffre d’affaires de l’année. La dernière étude de Deloitte annonce un budget moyen de Noël de 518 euros pour les Français, dont 303 euros pour les cadeaux. Naturellement ces budgets varient beaucoup selon les foyers. La fin d’année cristallise aussi le grand écart de notre société entre ceux qui en ont trop et ceux qui n'ont rien. Le second grand sujet du journal télévisé le soir du réveillon n'est-il pas assez systématiquement la solidarité et le Noël des plus pauvres ?
Lors des fêtes de Noël, il est attendu que chacun consomme, offre un cadeau encore plus beau que l'année passée... Est-il possible d'échapper à cette pression ?
Oui, car Noël est aussi et avant tout une fête de la famille. Elle offre des opportunités intéressantes de redécouvrir d’autres dimensions que la consommation matérielle : cuisiner ensemble, transmettre des traditions ou des recettes, partager un bon repas, passer du temps ensemble dans des activités sportives ou de loisir… Sur le site Mes courses pour la planète, nous proposons d’ailleurs des idées de cadeaux dématérialisés, du cours de cuisine au week-end sportif, en passant par la place de spectacle ou le massage. Nous avons aussi un certificat d’exemption de cadeaux, que vous pouvez donner à vos proches pour les exonérer de cette "obligation" de vous faire un cadeau. On peut apprécier de faire une partie d'échec ou de tennis !
Que faire des cadeaux que l'on reçoit et qui ne nous plaisent pas ?
Un tabou est tombé avec la crise, et les Français n’hésitent plus à revendre les cadeaux qui ne leur plaisent pas, notamment ceux qui viennent de la famille éloignée, des collègues… ou des beaux-parents ! L’an dernier, d'après une étude OpinionWay/PriceMinister-Rakuten, six Français sur dix étaient prêts à le faire alors qu’en 2011, ils n'étaient que 30% à avouer avoir l’avoir déjà fait ! C’est particulièrement le cas chez les jeunes, très décomplexés sur ces nouvelles pratiques et très à l’affût pour leurs achats de cadeaux de sites qui proposent des produits d’occasion qui sont parfois "comme neufs" : Amazon, eBay, PriceMinister, Viagogo, Leboncoin, Radins.com...
Pour vous, que serait un cadeau responsable ?
Il y a évidemment l’objet qualitatif, utile, durable, réparable et que l’on peut transmettre à ses enfants. Un beau stylo, par exemple. Ou une belle montre, idéalement fonctionnant sans pile… Ou un produit garanti à vie, comme on en trouve chez Eastpak ou Patagonia. Tout cela peut être acheté neuf mais aussi d’occasion. Et puis il y a tous les cadeaux dématérialisés, dont j’ai déjà parlé : les billets de spectacle, les coffrets cadeaux pour un séjour ou un massage, les cours de cuisine...
Enfin, un cadeau responsable serait un cadeau pensé avec attention pour la personne à qui on l’offre, en fonction de sa personnalité et de ses goûts, plutôt qu’une accumulation de cadeaux achetés en urgence au dernier moment, sans vraiment réfléchir… On peut aussi inciter les enfants, lorsqu’ils demandent un nouveau jouet, à en choisir un parmi ceux qu’ils n’utilisent plus pour le revendre ou le donner à des associations organisant des collectes pour les enfants défavorisés. Le cadeau responsable est aussi celui qui s’inscrit dans cette chaîne vertueuse d’un Noël plus circulaire…
Un Noël heureux sans consommer, c'est possible ?
L’enjeu n’est pas tellement de ne plus consommer mais de ne pas tomber dans le piège d’une consommation frénétique, qui atteint son paroxysme à Noël. Un Noël heureux, c’est sans doute un Noël où l’on remet la consommation à sa juste place, et où l’on réfléchit avant d’acheter pour se demander ce qui ferait vraiment plaisir à ceux que l’on aime… Ce n’est pas toujours une accumulation d’objets matériels.
Elisabeth Laville est l'auteure du livre Vers une consommation heureuse aux éditions Allary
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