Les pédagogies alternatives dans l’école publique, ce ne devrait plus être une utopie !
Les plus de 15000 signataires d'un appel le demandent. Voir des extraits des commentaires des signataires
Cela fait des décennies que l’école est noyée dans les idéologies et les polémiques. Deux camps s’y sont affrontés constamment sur deux plans.
Sur le plan idéologique d’abord.
Pour les uns l’école publique est l’école de l’État qui doit former (formater ?) les citoyens dont la société que l’État défend a besoin. Ces finalités n’ont jamais été dissimulées depuis Guizot ou Jules Ferry jusqu’à nos jours. La chaîne industrielle scolaire, instaurée à la fin du XIXème siècle, où tous les enfants étaient logés à la même enseigne, aux mêmes moments, sous prétexte d’égalité républicaine, était et est toujours parfaitement conforme à des finalités étatiques, peu importe la valeur que chacun peut attribuer à ces finalités.
Pour les autres, en particulier pour un certain nombre d’enseignants dont Freinet après la boucherie de 1914-1918, l’école doit être le lieu de l’émancipation et de l’épanouissement des enfants. Le nombre de ceux qui lui assignent cette finalité croît de plus en plus, surtout chez les parents.
Sur le plan des apprentissages ensuite.
Pendant très longtemps l’école a été dans la conception de la transmission des savoirs (savoirs répertoriés, découpés, programmés, évalués et distribués simultanément et uniformément). Elle est bâtie sur le modèle du ratio-studiorum des Jésuites (1598) et des principes du taylorisme. Elle a un peu évolué en introduisant les "compétences" dans ses programmes, mais l’apprentissage dépend toujours des profs et de leurs méthodes. Il y a moins d’uniformité dans ces méthodes mais la même uniformité dans la simultanéité et les découpages. L’apprentissage se veut rationaliste.
Pour les pédagogies actives et depuis longtemps, l’enfant est auteur de ses apprentissages et se construit cognitivement et socialement dans l’interaction avec son environnement et l’interrelation dans des entités sociales dont la famille est le premier exemple. L’apprentissage est alors dans une approche systémique et est plus ou moins informel. Il se trouve que tous les apports des sciences neurobiologiques, cognitives, des dernières décennies confirment cette approche des processus réels d’apprentissage. C’est "comment les enfants apprennent et se construisent ?" qui est subversif !
Autrefois les parents ne se permettaient pas d’émettre la moindre opinion quant à ce qui se faisait à l’école, cela a bien changé ! Les deux camps ne sont plus constitués seulement d’enseignants.
Ces deux conceptions sont radicalement opposées. Elles induisent des organisations, des positions, des postures et des actions des enseignants totalement différentes, pour la seconde une implication importante des parents et d’autres rapports avec eux, une ouverture très large de l’école, etc. Elles ne se panachent pas l’une avec l’autre puisque leurs logiques comme leurs finalités ne sont pas les mêmes. Ce panachage est d’ailleurs un des problèmes de l’école dans des réformes qui n’arrivent ni à prendre un sens, ni à faire l’unanimité puisqu’il se situe dans un cadre qui est fait pour la première, pas pour la seconde.
La valeur des pédagogies actives est pourtant enfin officiellement admise (les ministres citent Freinet ou Montessori). Des enseignants peuvent bien, utiliser des méthodes actives ; mais s’ils le font isolément au milieu de collègues classiques, ils troublent la cohérence de l’ensemble, troublent des parents. Ils sont aussi soumis aux pressions d’une administration dont ils troublent le contrôle.
La transformation globale de l’école, dans un sens humaniste, n’est pas pour demain, même si on peut l’espérer, mais les enfants, eux, sont dans l’immédiat. On peut admettre qu’il y a le poids des représentations, celui des opinions qui ne se forgent pas sur des faits avérés ou qui ignorent les faits avérés (les fondements et l’efficience des pédagogies actives). Les batailles à propos des méthodes ne sont que des batailles d’opinion, des polémiques. Mais on peut admettre qu’enseignants, comme parents, comme les dirigeants, puissent être dans une incertitude quant à ce qu’il faudrait ce que l’école soit.
Il n’empêche qu’est acceptée la liberté pédagogique des enseignants… qu’ils ne peuvent pas exercer vraiment et complètement s’ils ne peuvent choisir un établissement où tous sont dans la même approche.
Il n’empêche que la liberté qui leur est accordée ne l’est pas aux parents dans l’école publique. Or, il est impossible aujourd’hui d’empêcher les parents de… penser, de s’informer, d’avoir des convictions, des aspirations pour leurs enfants. Il n’est plus possible de les empêcher d’être des citoyens qui peuvent critiquer et émettre des jugements, de vouloir faire des choix quant au présent et au devenir de leurs enfants. Et le nombre de ceux qui n’acceptent plus ce qu’est l’école en général croît de jour en jour. Les altercations, les incompréhensions, les ambiances tendues, voire "les affaires" continuent de se multiplier. Comment travailler ensemble, aller paisiblement vers la co-éducation quand il y a opposition de conception entre ceux que l’on voudrait être des partenaires ?
Il existe ce choix et est admis, mais ailleurs que dans l’école publique, et seulement pour les privilégiés qui peuvent mettre leurs enfants dans une école privée (école privée ultra-traditionnelle ou au contraire école alternative) quand ils la trouvent.
Il est encore impossible d’empêcher qu’il y ait des opinions et des convictions divergentes. Pas seulement à propos de la façon dont se réalisent les apprentissages, mais aussi dans le comment chacun voudrait que ses enfants soient à l’école : de plus en plus nombreux parents aspirent à ce que leurs enfants s’y épanouissent, y soient dans le bien-être. D’autres, encore nombreux, veulent qu’ils y soient soumis à la rigueur, à la compétition, pensant que c’est ainsi que leurs enfants tireront leur épingle du jeu. Education spartiate contre éducation athénienne. Cette divergence risque de durer encore longtemps ce d’autant qu’elle relève bien, elle, d’un choix plus ou moins inconscient de société. C’est l’impasse dans laquelle se trouve le service public de l’Education nationale.
Il suffirait que l’Education nationale informe sur ces deux approches, admette qu’elles existent. L’ignorance des parents, parfois des enseignants, est assez étonnante. Chacun en sait beaucoup plus sur la santé, l’alimentation, l’agriculture biologique, les pesticides… que sur les façons dont leurs enfants apprennent ou peuvent apprendre.
Il suffirait que, dans l’immédiat, le système éducatif offre le choix de l’une ou l’autre de ces approches à tous les parents et à tous les enseignants sur tout le territoire. Pourquoi ne pas faire confiance à l’appréciation des parents dont on ne peut mettre en doute leur souci du devenir de leurs enfants, quels qu’ils soient. C’est le temps, les constats qu’il permettra, qui, plus ou moins rapidement, fera aboutir enfin un consensus aujourd’hui impossible.
Ce que demandent et justifient les déjà plus de 15000 signataires de l’appel n’est que du bon sens.
Petit argumentaire pour dépasser les idées reçues sur les pédagogies alternatives dans l'école publique