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Alexandra Cousteau : « Nous avons besoin d'océans en bonne santé, pleins de vie »

"En Europe, nous avons tellement mal géré nos mers que la situation est catastrophique. La Méditerranée est morte, la Baltique aussi. "
Claire Sejournet
Claire Sejournet
Mis à jour le 25 février 2021
Petite-fille du Commandant, Alexandra Cousteau perpétue la saga familiale et parcourt le monde pour comprendre les enjeux de l'eau. Aujourd'hui, elle tire la sonnette d'alarme : les océans sont en train de mourir. Pourtant, ils sont indispensables à l'homme et à la planète.

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Femme engagée, Alexandra Cousteau est une amoureuse de la mer. Elle nous raconte son combat pour la survie des océans.
Que défend Blue Legacy, votre association ?
Mon travail à travers Blue Legacy est de permettre aux gens d'avoir accès à l'information qui les concerne en matière de qualité de l'eau près de chez eux grâce aux nouvelles technologies et à la diffusion de l'information publique. J'ai été positivement surprise par la transparence mise en place par le gouvernement Obama : grâce au système Open Data, les informations sur la qualité de l'eau et de l'air sont à disposition du public. Maintenant, il faut faire en sorte que les gens s'en saisissent, les comprennent et sachent ce qu'il se passe autour d'eux et ce qui peut nuire à leur santé, à celle de leurs enfants, à leur business. Lorsqu'ils prennent conscience de ce qu'il se passe près de chez eux, les gens se mobilisent.
Quelle mer vous inquiète le plus ?
En Europe, nous avons tellement mal géré nos mers que la situation est catastrophique. La Méditerranée est morte, la Baltique aussi. Peuvent-elles se régénérer ? Oui, mais pour l'instant rien ne va dans ce sens. La Méditerranée est belle en surface seulement : lorsque l'on regarde en dessous, ce n'est pas terrible. Le pire fléau, ce sont les industries de pêche en Italie, en Espagne, en France. Quant à la Baltique, son cas est intéressant car la profondeur moyenne y est de 60 mètres et l'embouchure est tellement petite qu'il faut 100 ans pour que l'eau circule. C'est très lent. Du coup, tout ce que l'on met dans la mer Baltique ou dans les rivières qui s'y jettent va y rester.
Dans quel état sont les océans aujourd'hui ?
Il y a un énorme souci lié au réchauffement climatique et à l'acidification des océans. Je rencontre de nombreux scientifiques qui étaient inquiets et qui maintenant ont vraiment peur. C'est terrifiant. Prenez l'acidification : elle va dissoudre la carapace des animaux comme le plancton, les crevettes, les crabes… Si on commence à détruire la base de la chaine alimentaire, la catastrophe peut aller très vite ! 
Quel est l'impact de la surpêche sur les océans ?
90 % des grands poissons ont disparu des océans : requins, thon, poissons espadons… Le taux de pêche diminue tous les ans depuis que je suis née, et j'ai 38 ans ! La biodiversité et l'abondance aide à l'adaptation. Si on n'a pas d'abondance, il n'y a pas de diversité. Les poissons sont malades à cause de pollution, ils sont en danger à cause de la surpêche, ils ne sont pas assez nombreux pour survivre à des chocs de température et de pH. Nous avons besoin d'océans en bonne santé, pleins de vie.
Vous travaillez aussi avec Oceana, une association qui se bat au niveau international pour la préservation des océans, la protection des écosystèmes marins et des espèces en danger. Quelle est votre action à ce niveau ?
Notre projet est très ambitieux, car face à l'urgence de la situation, il faut agir à un haut niveau. 9 pays sont responsables de 60 % de la pêche mondiale. Nous voulons donc faire pression sur certains de ces pays, comme le Brésil, le Pérou, les Etats-Unis ou l'Europe, pour influencer leur législation sur la pêche industrielle. S'ils optent pour une pêche plus responsable, cela peut avoir un impact positif énorme ! 
Agir sur les questions relatives à la pêche, est-ce seulement pour protéger les poissons ?
Non, pas du tout, il en va aussi de notre survie. Aujourd'hui, la pêche nourrit 450 millions de personnes autour du monde. En 2050, nous serons 10 milliards. Si les océans ne produisent pas autant de poissons qu'aujourd'hui, il y aura de plus en plus de personnes qui vont mourir de faim. On ne protège pas les poissons juste pour le plaisir, on les protège aussi pour nourrir nos enfants, aider au développement de l'économie des pays. Protéger les océans est positif pour l'homme et son activité.
Etes-vous aidée par le fait d'être une femme pour porter ces débats ?
Il n'y a pas beaucoup de femmes dans mon domaine. En aucun cas, cela a été un obstacle. C'est vrai que mes interlocuteurs appréciaient que je sois une femme, mais ce n'est pas ce qui a compté le plus. J'ai suivi les pas de mon grand-père tout en essayant de créer mon propre chemin.
Justement, votre nom de famille est un héritage facile à porter ?
C'est mon héritage, et j'en suis très fière. Tous les jours, je rencontre des gens qui me disent que les films de mon grand-père ont marqué leur enfance, qu'ils en ont des souvenirs très forts et positifs. Cela me rend très heureuse. Mon grand-père a ouvert une fenêtre sur 66 % de notre planète. Parfois, les gens pensent qu'avec mon nom de famille, j'ai grandi sur la Calypso ou que je connais par coeur le nom de tous les poissons de l'océan… C'est bien peu comme aspect négatif par rapport à tout le positif de cet héritage ! D'ailleurs, je veux le transmettre à ma fille. Elle m'a suivie en expédition dès l'âge de 2 mois. Aujourd'hui, à 3 ans, elle adore voyager et partir à l'aventure. 
Vous êtes écolo dans l'âme ?
Oui ! Je ne mange pas de poisson parce que je suis trop informée, du coup, nous sommes plutôt végétariens à la maison. Je fais le ménage au vinaigre et au citron car je ne veux pas de produits chimiques qui pourraient se retrouver sur nous ou dans les rivières. J'utilise les transports en commun, mais je voyage beaucoup en avion. Du coup, je participe à un programme de reboisement basé sur le calcul des émissions de CO2 de mes voyages. Nous mangeons bio, en soutenant les fermes autour de Berlin. Pour moi, ce n'est pas un sacrifice. Certes, cela peut être plus cher sur le coup, mais il y a toujours un prix à payer. Je préfère que ce soit là, en sachant que la nourriture que je mange à la maison respecte l'eau, soutient la communauté autour de nous et qu'elle assure une bonne santé pour ma famille. 
Quels sont vos vœux pour le monde en 2015 ?
J'aimerais qu'autour du monde, on commence à prendre le changement climatique plus au sérieux. En décembre prochain, il y aura la réunion internationale COP21 à Paris. Je voudrais tant que ce soit une réussite et que l'on arrive à se mettre d'accord pour réduire les émissions de carbone. Il faut être ambitieux et que les décisions qui y seront prises changent réellement quelque chose. Chaque fois que l'on voit le résultat de ces réunions, c'est déprimant, ils ne font rien !

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