La très sérieuse revue américaine American Journal of Clinical Nutrition, qui fait référence dans le domaine de la nutrition, a publié en juillet dernier une étude de la London School of Hygiene & Tropical Medicine, intitulée Nutritional Quality of organic food : a systematic review, autrement dit, Qualité nutritionnelle des aliments bio, examen systématique, financée par la UK Food Standards Agency, l’agence britannique responsable de la santé publique pour les questions alimentaires. Cette étude voulait combler le manque existant d’information sur les apports nutritionnels de l’alimentation bio par rapport à une alimentation non-bio.
On notera que l’étude des chercheurs n’est pas une analyse propre mais bien la compilation d’études antérieures. On peut donc montrer un certain scepticisme quant à une étude « scientifique » qui ne se base sur aucune expérience directe mais se contente de reprendre la littérature existante... Certes, le travail de ces scientifiques est reconnu comme le plus complet jamais réalisé sur le sujet, mais il laisse beaucoup à désirer.
La polémique a été déclenchée à cause d’une mauvaise communication autour de la publication de l’étude. Les informations ont été biaisées dès le départ car la question de la santé des consommateurs a été introduite dans le débat. Certes, celle-ci est liée à la nutrition, mais elle dépasse de loin le cadre de la composition des aliments ingérés, ce qui était à la base le sujet de l’étude. L’amalgame a été fait par les chercheurs eux-mêmes, puisque le Docteur Dangour, principal auteur du rapport explique à la Food Standart Agency que « l’étude indique qu’il n’y a actuellement aucune preuve pour encourager le choix d’aliments d’origine bio contre des aliments non-bio sur la base d’une supériorité nutritionnelle ». Or il ne devait pas s’agir pour les chercheurs de dire si c’était bien de consommer bio, mais de montrer objectivement s’il y a une différence entre une pomme bio et une pomme non-bio.
Surprise : une pomme est une pomme ! Qu’elle soit produite de manière bio ou conventionnelle, la pomme a des qualités propres qui permettent de la définir comme pomme et ces qualités sont principalement sa composition nutritionnelle. Il en va de même avec tous les fruits et légumes, et même les aliments d’une manière générale, puisque les scientifiques ont su établir des tables de composition nutritionnelle pour toutes les familles d’aliments. Alors qu’apporte cette étude ?
Pas grand-chose en réalité, puisque si elle s’intéresse à la qualité des produits bio par rapport aux produits non bio, elle passe totalement sous silence les pesticides et autres engrais chimiques de synthèse qui sont interdits dans l’agriculture bio. C’est sur ce sujet qu’il faudrait enquêter afin de savoir si la consommation de produits bio a une influence sur le développement de cancers ou autres maladies par rapport à une alimentation non-bio. Mais sur ce sujet, les recherches ne font pas légion.
On retrouve donc dans la presse française de ces derniers jours une confusion complète entre les notions de produit sain (non bourré de produits chimiques) et d’apports nutritionnels d’un produit (protéines, glucides, lipides, vitamines, etc.). D’où les réactions en chaînes des défenseurs du bio, qui se lèvent d’un seul homme pour contrecarrer ces attaques : en dehors de toute considération environnementale, on n’achète pas un fruit ou légume bio parce qu’il serait plus riche en fibre, mais parce qu’il ne contient pas de pesticides. Ce sur quoi les chercheurs n’ont pas travaillé. CQFD.
Pour aller plus loin
En français :
- Articles du Monde : Une étude britannique remet en cause les avantages de l'alimentation bio (31/07/2009) et Les défenseurs du bio rapellent son rôle écologique (04/08/2009)
- Article du Figaro : Les bénéfices du "bio" en question (30/07/2009)
- Un analyse de la désinformation des médias dans cette affaire : toutallantvert.com
En anglais :
- Présentation de l'étude par l'American Journal of Clinical Nutrition
- L'intégralité de l'étude polémique sur le site de la Food Standards Agency