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Denis Marquet : "L’éducation est un travail sur soi, il faut se laisser transformer par l’enfant"

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Un homme et une femme doivent sortir de la relation homme/femme amoureux pour devenir père et mère
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mains enfant couleur peinture Éduquer autrement
Anne Ghesquière
Anne Ghesquière
Mis à jour le 25 février 2021
Pas toujours simple d'y voir clair dans l'éducation qu'il faut donner à ses enfants. Denis Marquet, philosophe et thérapeute, nous donne les clefs d'une éducation qui mêle expérience, autorité et amour.

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Denis Marquet, philosophe et thérapeutePhilosophe et thérapeute, Denis Marquet s’est intéressé à l’éducation dans son livre Nos enfants sont des merveilles. Processus initiatique tant pour l’enfant que pour les parents, elle transforme la vie de ces derniers. Alors que l’éducation est en crise, Denis Marquet propose une nouvelle lecture de ces enjeux pour éveiller le bonheur des petits et des grands.



Comment un philosophe en vient-il à s’intéresser à l’éducation ? 



L’éducation est un grand thème philosophique. Platon en parlait déjà. La philosophie s’intéresse à la formation de l’être humain et à son accomplissement, à savoir l’accès à la sagesse. Il est intéressant de constater qu’aujourd’hui, les spécialistes de l’éducation sont souvent des thérapeutes. L’éducation est pensée en fonction des dysfonctionnements et la question est de savoir comment les éviter. On ne s’intéresse pas du tout à la santé humaine et à la santé psychique de l’enfant. C’est aberrant de penser l’éducation sans tenir compte de cette dernière.  



Vous dites "Le parent était au service non de l'enfant mais des objectifs de la société". L'éducation serait donc une tâche sociale ? 



Pendant longtemps, les parents étaient les serviteurs des valeurs sociales, qu’il s’agisse de faire des enfants de bons chrétiens à l’époque romaine ou de bons citoyens après la Révolution. Aujourd’hui, nous vivons dans une société qui n’est plus ancrée dans ses valeurs. Lorsqu’ils se tournent vers la société, les parents ne trouvent aucun élément pour savoir selon quelles valeurs élever leurs enfants. Cela peut être une opportunité, à condition d’accepter que le centre de l’éducation, c’est l’enfant lui-même et l’être unique qu’il est.



Pourquoi l’éducation est-elle selon vous fondée sur la transcendance ?



Il n’est pas possible d’éduquer sans transcendance. On ne peut pas se limiter à dire à un enfant "tu dois obéir". L’enfant doit sentir que ses parents aussi obéissent à un principe supérieur, sentir que c’est bon pour lui d’obéir. C’est la force de l’autorité : faire en sorte que quelqu’un obéisse car il sent que c’est bon pour lui. Si on contraint, ce n’est plus l’éducation, c’est un rapport de force et les parents finissent souvent par perdre dans ce cas. 



Ce serait donc l'autorité juste versus l'ancienne autorité ?



Tout à fait. Aujourd’hui, on ne peut plus se contenter d’interdire. L’autorité arbitraire, qui n’explique pas les règles, est un déni de l’être qu’est l’enfant et un manque de respect envers lui. L’enfant doit comprendre le bien-fondé de ce qu’on lui demande de faire et le faire parce qu’il le désire. 



Comment serait un adulte qui n’aurait pas eu dans son enfance des parents faisant preuve d’autorité ?



Un enfant qui grandit sans autorité n’apprend pas à s’opposer à ses pulsions. Il est anesthésié par sa recherche du confort immédiat. De ce fait, il n’est pas libre car il n’est pas capable d’interroger ses vrais désirs par rapport à ses pulsions et il ne vit pas l’accomplissement dans l’effort. Au contraire, un enfant victime de trop d’autorité devient un adulte tyrannique. Prenons le cas du nourrisson : il est dans un état de dépendance totale, c’est une frustration intolérable. Il faut être très attentif à ses besoins pour le rassurer, il apprend ainsi à accepter ces frustrations. 



Quelles sont les bases du bonheur d'éduquer ?



Les parents doivent être conscients que l’éducation est un travail sur soi car il faut se laisser transformer par l’enfant. Ensuite, la tâche des parents est de ne pas susciter de conditionnement. Ils doivent porter un regard vierge sur un être nouveau, qui ne sait rien, ne répète rien et ne ressemble qu’à lui-même. Les parents doivent respecter cet être aimé et désiré. C’est la base essentielle pour qu’un enfant se construise sans perdre sa vérité. 



Pourquoi l’éducation se base-t-elle sur l’impermanence ? 



Chaque enfant est unique, on ne peut pas répéter une méthode d’éducation. Chaque parent doit apprendre à sentir et ressentir avec chacun de ses enfants. Si le ressenti est juste, les actions seront justes. Ce qui est vrai quelque part à un moment donné ne l’est pas ailleurs à un autre moment. Cette impermanence fait que l’éducation est pour moi incompatible avec le statut d’expert. 



Ne doit-on rien attendre de ses enfants ? 



Il y a une grande différence entre le père et la mère. L’archétype de la mère est l’accueil inconditionnel, autrement dit "Qui que tu sois, je t’accueille". Le père par contre, dira "Qui que tu sois, deviens-le". C’est de l’exigence, mais sans attente. Dans tous les cas, les parents veulent voir le mystère s’exprimer. 


Comment se détacher de la dépendance ? 



Je ne suis pas sûr qu’il y ait une dépendance par rapport à ses enfants. C’est plutôt l’inverse à la naissance. La dépendance des parents envers les enfants est secondaire, et je pense qu’elle concerne surtout la mère puisque l’enfant dépend entièrement d’elle au début de sa vie. Elle peut donc avoir un sentiment de puissance. Mais il s’affaiblit au fur et à mesure que l’enfant s’autonomise. Il y aura un problème si la mère ne l’accepte pas. 



Qu'est-ce qu'un couple parental ?



Le couple parental est différent du couple amoureux. Face à leur enfant, un homme et une femme doivent sortir de la relation homme/femme amoureux pour devenir père et mère. C’est un mythe de croire qu’un enfant est heureux si ses parents sont amoureux. Un couple parental, même divorcé, est solide s’il est uni par le désir du bien de l’enfant. 



Quels sont les piliers de l'éducation ?



La confiance et le respect. Le respect, c’est la conscience de la limite entre soi et l’autre. Tous les comportements d’une personne en découlent. L’enfant ne naît pas avec cette conscience, il faut la lui transmettre et cela passe par le respect par les parents de leur enfant. Le père a plus facilement conscience de cette limite car sa sphère n’entre pas en contact avec celle de l’enfant, alors que pendant 9 mois, l’enfant a été en sa mère. Les pères ont donc un rôle essentiel à jouer. La confiance naît du respect. Elle est nécessaire à l’éducation car c’est parce qu’il a confiance qu’un enfant acceptera l’autorité et fera de son plein gré ce qu’on lui demande. La confiance rend l’autorité naturelle.

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