C’est un fait bien connu : nous mangeons, globalement, de plus en plus de produits animaux (viande, poisson, fruits de mer, œufs, produits laitiers). La consommation de ces produits a augmenté de manière fulgurante depuis le début de l’humanité, et surtout depuis le siècle dernier, ayant doublé depuis 1960 . Paradoxalement, dans un monde de plus en plus carnivore, le nombre de végétariens et végétaliens augmente lui aussi, en tout cas dans les pays occidentaux .
Si de plus en plus de citoyens choisissent de se s’abstenir de chair animale à contre-courant de leur culture dominante, c’est que de bonnes, voire très bonnes raisons les y poussent. Ces raisons sont principalement :
- D’ordre éthique : "je refuse de contribuer à la souffrance animale"
- De santé : "je m’abstiens des graisses, polluants, additifs et autres substances malsaines contenues dans les produits animaux"
- Écologique : "je libère de vastes quantités de ressources nécessaires à la production de viande"
Mais ces considérations très pragmatiques, aussi importantes soient-elles, cachent souvent des motivations encore plus profondes que je qualifierais de philosophiques, voire spirituelles.
On devient souvent végétarien pour une ou plusieurs de ces raisons toutes rationnelles et puis on se rend compte qu’être végétarien, c’est aussi s’inscrire dans un certain mouvement d’idées et de valeurs. Être végétarien, c’est bien plus qu’un simple choix alimentaire. C’est même plus qu’un acte de militance concrète pour la planète (ce qui est déjà beaucoup). C’est aussi, au fond, une manière d’être et de penser, un symbole de dévouement à la vie, à la paix et à la non-violence. Bref, une source d’élévation spirituelle. A tel point qu’on parle de mouvance végétarienne et qu’on pourrait presque parler d’une véritable religion du végétarisme.
Tant qu’il y aura des abattoirs, il y aura des champs de bataille disait Tolstoï
Être végétarien : un acte humaniste et écologique
Car les végétariens partagent souvent des valeurs et une vision du monde communes. Certaines études ont montré que les végétariens sont naturellement portés vers des considérations altruistes telles que l’humanisme et l’écologie. Il est très révélateur, d’ailleurs, qu’un grand nombre des penseurs humanistes de l’histoire aient prôné le végétarisme comme la voie vers un monde meilleur. Parmi eux, Bouddha, Charles Darwin, Leonard De Vinci, Albert Einstein, Epicure, Gandhi, Théodore Monod, Platon, Pythagore, Jean Jacques Rousseau, George Sand, Albert Schweitzer, Socrate, Claude Lévi-Strauss, Henry David Thoreau, Léon Tolstoï, Voltaire...
"Aussi longtemps que les hommes massacreront des animaux, ils se tueront entre eux." affirmait Pythagore au sixième siècle avant notre ère. Vingt-cinq siècles plus tard, l’auteur Léon Tolstoï lançait sa célèbre prophétie : "Tant qu’il y aura des abattoirs, il y aura des champs de bataille". Le végétarisme en tant que philosophie n’a donc rien de nouveau. Mais dans notre monde en perte de valeurs fondamentales, les excès du consumérisme et de l’élevage industriel font que les arguments moraux et spirituels des "prophètes du végétarisme" trouvent d’autant plus d’écho aujourd’hui. Ou du moins le devraient-ils.
Le végétarisme permet d'être non violent envers les êtres vivants et envers soi-même
En fait, être végétarien est d’abord et surtout un choix spirituel pour une large part des peuples d’Asie. Les quelques centaines de millions de végétariens indiens le sont essentiellement par religion. La plupart des philosophies traditionnelles d’Asie, telles que l’hindouisme et le bouddhisme, font de l’ahimsa, c’est-à-dire la non-violence, l’un de leurs enseignements fondamentaux. L’Ahimsa s’entend comme la compassion envers toutes les créatures, qu’elles soient humaines ou non humaines.
Les Hindous comme les Bouddhistes pensent qu’en tuant ou en torturant les animaux, que ce soit directement ou indirectement, par exemple en consommant de la viande, nous compromettons notre karma et donc nos chances de vivre heureux après réincarnation.
La valeur que ces religions accordent aux animaux s’explique peut-être par la très forte présence de l’environnement naturel dans les sociétés où ces religions se sont développées. En Extrême-Orient, en Afrique et en Amérique du Sud, où les religions ont toujours été entourées de primates – miroirs flagrants des humains – les religions traditionnelles n’ont jamais vraiment tracé de démarcation entre les humains et les autres animaux.
Selon la philosophie répandue en Occident, par contraste, l’homme est le seul être sur Terre doté d’une âme. Cette vision est en partie basée sur la croyance que l’être humain a été créé à l’image d’un Dieu unique, qui lui a confié le rôle de gardien et dominateur de la nature. Cette perception a conditionné la relation des hommes avec les animaux non humains, et notamment la consommation de viande.
Les textes religieux laissent penser que nos ancêtres étaient végétariens
Pourtant, la compassion envers tous les êtres vivants se retrouve également parmi les principes fondateurs des religions occidentales. Jésus Christ comme Mahomet étaient d’ardents défenseurs de la non-violence, même si cet aspect de leurs enseignements n’est visiblement pas celui qui a le mieux traversé les âges et les diverses interprétations religieuses. Plusieurs sources indiquent que Jésus lui-même était végétarien. Dans toutes les religions, la consommation de viande est soumise à des rituels, pratiques ou interprétations variés – preuve que la viande n’est jamais considérée comme un aliment anodin.
Le judaïsme, le Christianisme et l’Islam se réfèrent à l’idéal biblique du jardin d’Eden où Adam et Eve étaient vraisemblablement végétaliens. "Voici, je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de toute la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d`arbre et portant de la semence : ce sera votre nourriture" (Génèse 1 : 29) dit Dieu à Adam peu après sa création.
Ce ne fut que 1600 ans plus tard, lorsque le monde fut enseveli sous le déluge puis reconstruit que Dieu changea ses injonctions envers l’humanité : "Tout ce qui se meut et qui a vie vous servira de nourriture: je vous donne tout cela comme l’herbe verte". (Génèse 9 : 3). Certains observateurs, comme le philosophe Francis Bacon, en ont conclu que le végétarisme marquerait le retour des hommes à la félicité du jardin d’Eden.
En m’abstenant de viande, je nourris ainsi ma conscience, mon bonheur, ma paix intérieure en priant pour qu’un jour, le végétarisme et la non-violence inspirent une nouvelle ère spirituelle.
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