J'étais chargée de recrutement et communication ressources humaines au sein de deux hôtels 4 étoiles à côté des parcs Disney à Paris. Un poste passionnant mêlant relationnel, juridique, rigueur et créativité mais comportant des enjeux et des responsabilités très importants qui n'étaient pas sans me procurer une bonne dose de stress.
Le contexte professionnel dans cette entreprise m'était devenu extrêmement pesant, mes attributions changeaient constamment, ma direction me demandait de faire du quantitatif plus que du qualitatif et pistait nos moindres faits et gestes.
Une ambiance exécrable au travail
Je travaillais en moyenne 45 à 50 heures par semaine sans que mes heures supplémentaires soient jamais payées. Sans parler du salaire qui était bien loin de la réelle valeur de mes compétences ainsi que de mes années d'études. En outre, je ne voyais aucune perspective d'évolution de carrière pour les trois prochaines années.
Une ambiance exécrable, les collègues qui vous tournent le dos sans que vous sachiez pourquoi, une direction en changement constant pratiquant ce que l'on peut qualifier maintenant avec le recul de "harcèlement moral", des licenciements qui pleuvent...
Je ne me sentais tout simplement plus à mon aise. J'avais l'impression de devoir réaliser des missions allant à l'encontre de mes propres valeurs. Je ressentais une énorme déception malgré tout l'engouement, l'investissement et l'envie que je mettais dans ce poste.
Jeune mariée pleine de projets...
Côté perso, avant le changement, je venais de me marier. J'étais donc plutôt dans un très bon état d'esprit avec plein de projets en tête. J'ai demandé une rupture conventionnelle du contrat de travail, qui a été acceptée, et je suis devenue une "demandeuse d'emploi" en recherche active.
J'ai cherché pendant 6 mois : je ne comptais même plus le nombre de CV envoyés ! J'ai passé des dizaines d'entretiens, en vain. Les sentiments qui prédominaient : la déception, la colère, la trahison, l'angoisse, bref, rien de glorieux !
Entre-temps, j'ai subi un gros bouleversement personnel : un divorce. J'étais anéantie. Je n'avais plus d'emploi, plus de mari, plus d'envies, je ne savais plus de quoi j'étais capable, j'avais perdu toute confiance en moi et dans les autres. J'étais perdue.
Je n'ai pas dormi pendant 5 mois, jusqu'au jour où j'ai réalisé, grâce à l'aide si précieuse et bienveillante de mes proches et de ma psychologue, que si je devais accomplir une chose qui me tenait à cœur, une chose que j'aurais toujours rêvé de faire, c'était maintenant ou jamais !
OK, j'étais seule, sans attaches, sans filet, fébrile et angoissée, mais je suis aussi une fille positive, drôle, créative, enjouée, communicative... Je l'avais oublié !
Devenir mon propre patron
Après une période de remise en question, je m'étais rendu compte que je ne supporterais plus le même rapport hiérarchique que j'avais connu jusque-là. Je n'avais plus envie de retomber dans un contexte d'entreprise standard, je voulais organiser moi-même ma propre vie professionnelle.
Je voulais décider et disposer de mon emploi du temps, de mes missions, de mes challenges, de mon avenir, sans attendre une ultime décision d'un patron. Et surtout, je voulais avoir une activité qui me passionne.
Les activités artistiques - danse, musique, dessin, chant - ont toujours été un moteur pour moi. Et comme je suis une personne très féminine, adorant la mode et l'art, en toute évidence, le maquillage s'est imposé.
On complimentait souvent ce que je pouvais faire à mon faible niveau. J'avais aussi réalisé quelques make-ups pour un photographe en tant qu'amateur auparavant, sans jamais me dire que je pouvais en faire mon métier. Et pourtant, si ! Pleine d'entrain à nouveau, de projets, d'envies, j'ai repris des études et suivi pendant 5 mois une formation intensive de maquilleur professionnel. J'ai fini première de ma promo !
Un changement difficile mais réussi
La transition n'a pas été si simple, ce serait trop facile ! Il a fallu que je prenne le statut d'auto-entrepreneur, que je construise mon propre réseau, que je prospecte, que j'accepte des prestations sans être payée pour commencer à me faire une petite place. Le milieu est quand même impitoyable !
Après ma formation, j'ai été embauchée en CDD par une marque de maquillage professionnel en tant que maquilleuse conseil dans un point de vente. Puis j'ai fait beaucoup d'intérim pour des marques de maquillage et de cosmétiques, parce qu'il faut bien remplir le frigo et payer les factures !
Si je devais résumer mon état d'esprit au moment du changement, c'était : si je dois être mal rémunérée, sans aucune perspective de carrière, salariée stressée et malheureuse après un bac + 5 et des années d'expérience, autant que le fruit de mes efforts et de mon investissement me soit entièrement retourné !
Aujourd'hui, je suis maquilleuse professionnelle. Je travaille pour un grand studio photo parisien, j'ai créé mon site Internet, Make Up Art By Jess, je réalise des prestations make-up pour de grandes marques comme YSL ou Dior, dans l'événementiel, etc. Le bouche-à-oreille commence à porter ses fruits.
C'est encore difficile, je ne gagne pas encore suffisamment bien ma vie et, après à peine 2 ans de "changement", j'arrive tout juste à m'organiser.
Plus heureuse que jamais aujourd'hui
Je savais qu'il fallait du temps et je suis prête à le prendre même si ça n'est pas sans me donner une petite boule au ventre - la peur. Mais cette peur est productive ! Elle me pousse à agir, elle est motivante.
Et si jamais, je dis bien "si jamais", je devais reprendre une activité plus conventionnelle par nécessité, pour x raisons, je possède un bagage professionnel confirmé derrière moi, j'ai d'autres compétences qui ne sont absolument pas incompatibles avec mon statut, je suis polyvalente et, aujourd'hui, il faut le voir comme un atout.
C'est vrai qu'on bosse le week-end et les jours fériés, il n'y a pas vraiment d'horaires, notre statut est bancal et n'est pas vraiment reconnu, on doit se débrouiller, mais aujourd'hui je me lève le matin en me disant simplement que je vais m'éclater toute la journée ! Ça n'a pas de prix.
Je suis apaisée, heureuse plus que jamais, je sais où je vais et j'ai plein de projets à concrétiser. On verra ce que le vie me réserve mais pour l'instant elle est là, la réussite de ce changement !
> Make Up Art By Jess, le site de Jessica : www.jessicagruner.com
> Retrouvez cette interview et une expérience de lecture optimisée avec votre magazine FemininBio de janvier 2014 sur iPad