Sodas lights, chewing-gums, bonbons, vitamines, jus de fruits... Présent dans plus de 6000 produits, dont 500 issus de l'industrie pharmaceutique, l'aspartame est omniprésent dans notre quotidien.
Dans un communiqué du 10 décembre 2013, l'EFSA conclu que la consommation d'aspartame, additif alimentaire au fort pouvoir sucrant, ne présentait pas de risque au niveau actuellement autorisé en Europe.
"L’aspartame et ses produits de dégradation sont sûrs pour la consommation humaine aux niveaux actuels d’exposition, a conclu l’EFSA dans sa première évaluation complète des risques associés à cet édulcorant. Pour réaliser son évaluation des risques, l’EFSA a entrepris un examen rigoureux de toutes les recherches scientifiques disponibles sur l’aspartame et ses produits de dégradation, en tenant compte tant des études menées chez l’animal que chez l’homme."
Pourtant l'aspartame est très controversé et a déjà fait l'objet de nombreuses études mettant en doute son innocuité. Dans son livre « Les additifs alimentaires », éd. Jouvence, Marie-Laure André évoque notamment les effets secondaires inquiétants constatés lors d'une consommation régulière d'aspartame (maux de tête, nausées, ballonnement...), l'aggravation de maladies telles que la sclérose en plaque ou le diabète*, ou encore la corrélation entre la consommation d'aspartame et un risque accru de cancer **
D'après le Dr Souvet, la première question à se poser est : est ce que les édulcorants, aspartame en tête, diminuent le risque de diabète ou d'obésité ? La réponse est NON. Ils n'apportent rien en terme de santé.
Quel est le rôle de l'EFSA, et ses parties prenantes ?
Dr Pierre Souvet : En collaboration avec les autorités nationales et en consultation avec les parties prenantes, l'EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) fournit des avis scientifiques et communique sur les risques relatifs à la sécurité des aliments. A une époque, des conflits d'intérêts ont eu lieu à l'intérieur de l'EFSA qui ont pu mettre à mal son intégrité, mais j'ose penser que les choses se sont améliorées depuis. En France, nous avons l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire), une autorité dont nous suivons également les travaux avec intérêt
Dans l'avis publié par l'EFSA sur l'aspartame, il est mentionné une DJA de 40mg/kg de poids/jour qui ne poserait pas de problème. Est-ce une mesure acceptable de la consommation réelle ?
Dr Pierre Souvet : Le problème, c’est que cette DJA est la même pour tout le monde alors que certaines populations comme les femmes enceintes ou les enfants sont plus vulnérables que la population générale.
De plus, la DJA est calculée pour un seul polluant alors que nous sommes exposés à plusieurs polluants en même temps. Les effets de ces expositions simultanées sont difficiles à évaluer, c’est ce qu’on appelle "l’effet cocktail".
Enfin cette dose avait été définie dans les années 70 par des experts non indépendants, ce qui permet d'émettre des doutes sur sa justesse.
Des études précédentes pointaient plusieurs problèmes dus à l'aspartame : des effets secondaires importants, l'aggravation de maladies comme la sclérose en plaques, un risque accru de cancer. Faut-il suivre un principe de précaution ?
Dr Pierre Souvet : Toutes les précédentes études ont été « édulcorées » par l'EFSA, la vigilance reste donc de mise. D’autant plus que l’aspartame n’a aucun intérêt nutritionnel et que les bénéfices sur le diabète et l’obésité n’ont pas été prouvé. Heureusement, on peut l’éviter, contrairement à d’autres types de pollutions comme la pollution de l’air extérieur. Sur les emballages alimentaires, il est mentionné sous le nom de code E951.
De plus, une étude récente a été publiée indiquant que l'envie de sucre persiste après avoir ingéré un édulcorant. En effet le cerveau ne reçoit pas le même message qu'avec le vrai sucre. Ce phénomène provoque chez certains une augmentation de la consommation de sucre par la suite.
Finalement l'EFSA tente d'invalider les études déjà publiées sur l'aspartame au lieu de prouver que l'aspartame n'est pas dangereux. Pourquoi ce mode opératoire ?
Dr Pierre Souvet : Invalider les études prouvant le risque est une technique assez fréquemment utilisée. L'avis de l'EFSA oublie une chose majeure c'est le moment d'ingestion de ces produits. On parle d'une moyenne pour toute la population, or certaines catégories de personnes sont plus fragiles que d'autres : les enfants, les femmes enceintes par exemple. Egalement le fait d'être associé à d'autres produits n'est pas mesuré.
Quel conseil donneriez-vous aux femmes enceintes et aux enfants en ce qui concerne leur consommation d'aspartame ?
Dr Pierre Souvet : De l’éviter car l’aspartame n’a aucun intérêt nutritionnel ni pour eux, ni pour la population générale. On peut consommer du sucre, mais là aussi en petite quantité.
Que penser des alternatives à l'aspartame ?
Dr Pierre Souvet :Trop peu d’études ont été réalisées sur ces alternatives pour évaluer leur dangerosité ou innocuité donc, les consommer avec précaution.
Le sucralose :
En 2013, une étude[1] américaine a montré que le sucralose, un édulcorant non calorique, favorisait l’absorption du glucose. Les chercheurs ont suivi 17 personnes obèses, ne consommant pas de boissons light et sans aucun signe de diabète. La moitié d’entre elles devaient ingérer du sucralose, l’autre de l’eau, juste avant d’absorber du glucose. Une semaine plus tard, ils changeaient de groupe, chaque participant constituant ainsi son propre contrôle négatif. Selon ces résultats, le sucralose, bien que non calorique, semble bien favoriser l’absorption de glucose: la glycémie monte plus haut dans le groupe sucralose (+0,864 gramme par litre) que dans le groupe contrôle (0,756 g/l). Idem pour le taux sanguin d’insuline, dont la hausse est de 20% supérieure dans le groupe sucralose, du fait d’une plus grande sécrétion (+22%) et d’une moindre élimination (-7%) de l’hormone. Au final, la sensibilité à l’insuline diminue de 23%.
Ces résultats confortent l’idée selon laquelle le sucralose n’est pas inerte d’un point de vue métabolique, et qu’il possède au contraire des effets physiologiques. Le sucralose aurait donc des effets sur la glycémie et sur l’insuline qui ne sont pas sans évoquer ceux qui précèdent la survenue d’un diabète.
[1] Pepino MY, Tiemann CD, Patterson BW, Wice BM, Klein S., Sucralose affects glycemic and hormonal responses to an oral glucose load. Diabetes Care. 2013 Sep;36(9):2530-5.
La stévia :
Le stévia est une plante qui pousse naturellement en Amérique du Sud, sur les massifs montagneux. Autorisée en France depuis 2009 après avis favorable de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), elle est maintenant utilisée comme additif alimentaire dans les sodas, yaourts ou confiseries. Il est également possible d’acheter la Stévia seule, conditionnée en feuilles séchées ou en poudre blanche soluble dans l’eau pour sucrer soi-même ses boissons.
Il s’agit en réalité du rébaudioside A extrait de la plante stevia rebaudiana. Ses atouts majeurs sont qu’il possède un pouvoir sucrant jusqu’à 300 fois plus élevé que celui du saccharose et n’apporte aucune calorie.
L’origine végétale de la molécule purifiée est mise en avant comme plus « naturelle » que les édulcorants de synthèse. Or, le rébaudioside A est purifié à plus de 97%, ce qui en fait un produit aussi éloigné de la plante d’origine que le saccharose l’est de la betterave.
Dans son avis, l’Anses a jugé que le rébaudioside A était le seul composé pleinement documenté sur le plan scientifique pour assurer les garanties de sécurité du consommateur. L'Agence émet cependant une restriction : il ne faut pas chauffer le rébaudioside A au-delà de 100°C, ce qui veut dire qu'il ne peut pas être utilisé pour faire des gâteaux, par exemple. Passé cette température, il se décompose et on n'a plus affaire à la même molécule.
Enfin, quelque chose qui pourrait nous rendre également méfiant envers l'aspartame : Marie-laure André rappelle dans son ouvrage que l'édulcorant fut longtemps fabriqué par la firme Monsanto, et qu'il est interdit au Japon depuis les années 1970.
Les additifs alimentaires, Marie-Laure André (éd. Jouvence).
* Roberts, H.-J., Aspartame Disease : An Ignored Epidemic, Sunshine Sentinel Press, 2001.
** Etude menée par l'Institut italien Ramazzini à Bologne concernant les liens entre la consommation d'aspartame et les cancers.