Il y a des mots qui reviennent souvent dans la bouche des gens concernant le rapport à la nourriture et à l’argent : "j’ai pas assez d’argent pour acheter des produits frais", "le bio c’est trop cher !", "il faut choisir entre bien manger ou payer ses factures", etc.
Il y a un rapport à l’argent complètement faussé dans l’alimentation, et ce sont les industriels de l’agro-alimentaire et nous, consommateurs, qui sommes responsables de cette situation.
Les prix pratiqués par l’industrie baissent la qualité des aliments
La plupart des produits vendus en supermarché conventionnels sont des produits industriels sur-chauffés, sur-raffinés, sur-transformés, traités dès la terre aux produits chimiques. Mais comme les industriels achètent de grosses quantités auprès des agriculteurs, ils peuvent baisser les prix. Et c’est à celui qui les vendra le moins cher qui attirera le plus de clients ! Il n’y a qu’à voir les publicités concurrentielles de Leclerc et autres hypermarchés, qui vantent leurs prix inférieurs à leurs concurrents. Cette politique de prix sauvage a complètement faussé la notion de qualité dans l’esprit des gens.
L’exemple de la baguette de pain :
Il y a des baguettes de pain qui sont vendues aujourd’hui à 0,39 € en supermarché. Quand une des meilleures baguettes de Paris, comme celle de la boulangerie Gana est vendue 1,30 €. Forcément, il y a des gens qui hurlent : "au vol !" Mais laquelle de ces deux boulangeries "vole" le plus ses clients ?
Une baguette Gana est une baguette façonnée avec un procédé de fermentation lente, qui respecte les ingrédients et à laquelle on ajoute du levain naturel. C’est une recette issue d’un savoir-faire qui se transmet depuis quatre générations. Cette baguette se conserve presque 2 jours, et son goût est inimitable. Si vous mangez ça au petit-déjeuner avec un peu de beurre ou de la crème d’amande et du miel par-dessus, il est certain que vous n’aurez pas faim dans la matinée.
La baguette à 0,39 € est souvent un mélange de farines, à laquelle on ajoute de la levure chimique. La farine est très blanche, la pâte élastique. Dans ces conditions, difficile de garder la baguette tendre plus de 24h. Mais surtout, que se passe-t-il ensuite dans votre ventre ?
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Du goût et du remplissage pour pas cher…
Souvent, nous nous arrêtons au palais, et nous oublions qu’ensuite c’est notre corps qui fait tout le boulot ! "Oui mais moi je m’en fiche, je mange ce qui me plaît et ce que je peux m’acheter, c’est tout". Et c’est en grande partie de là que vient le problème. Nous sommes trop ignorants des effets sur le long terme de tous les aliments industriels présents dans les produits vendus en supermarchés.
J’ai entendu une fois une réponse assez significative : "oui mais si c'est en rayon c'est que c'est bon ?" Et oui, c’est là, tous ces produits industriels sont là, alors pourquoi ne pas faire confiance à ces grandes marques qui ne veulent que notre bien, en achetant tous ces supers produits au meilleur prix ? Je trouve révoltant ces grandes marques qui nous vendent des aliments quasi-morts à des prix dérisoires, pour nous remplir le ventre, en ajoutant du sucre et d’autres additifs pour donner du goût en bouche, et nous faire avaler tout ça.
Mais au final, il faut le dire c’est nous, les consommateurs qui sommes responsables de cette situation. Le jour où les gens diront qu’ils ne veulent plus consommer d’aspartame par exemple, parce qu’ils auront enfin réalisés que c’est un poison sur le long terme pour l’organisme, ils cesseront d’acheter du Coca Light. Coca-cola arrêtera d’en produire instantanément, et l’entreprise lancera son coca à base de stevia qui existe déjà aux Etats-Unis, mais qui coûte plus cher à produire. Ils attendront que nous disions "Stop !" pour bouger le petit doigt. C’est tout. Pour eux, ce qui compte ce sont les bénéfices. La santé attendra.
Heureusement qu’il y a quand même des industriels comme Björg qui vend du bio, Findus qui a décidé d’enlever l’huile de palme anciennement utilisée dans ses recettes, ou encore Picard qui ne surgèle que des aliments issus de moyennes productions, sans conservateurs ni additifs, pour ne citer que ceux-là.
Une mauvaise perception due à une méconnaissance des vrais besoins agricoles
Mais beaucoup de gens sont réticents d’aller vers ce genre de produits parce qu’ils sont "chers". C’est-à-dire qu’ils sont plus chers que les prix pratiqués par les industriels. Nous omettons alors le fait que pour les produits issus de l’agriculture biologique :
- Il y a 5 fois plus de besoin de main d’œuvre car l’agriculture est beaucoup moins mécanisée.
- La certification bio coûte cher.
- Il y a plus de pertes que dans le conventionnel puisque les aliments sont moins traités contre les agressions extérieures, comme les insectes ou les maladies.
Toutes ces pertes et ces coûts supplémentaires augmentent le prix, c’est vrai. Mais ne serait-ce pas là le prix normal que nous aurions à payer pour manger une alimentation saine, respectueuse de la nature et de l’homme ? Les prix baissent au détriment de quoi ? De qui ?
Changer son alimentation pour mieux manger, sans se ruiner
C’est vrai, manger bio c’est plus cher, en moyenne 30 %. Si quelqu’un a l’habitude de manger du sucre, du beurre, des biscuits sucrés, de la viande, du lait, etc, et que du jour au lendemain il souhaite passer aux produits bio, parce qu’il a compris que ce sont de meilleurs aliments, il achètera du sucre bio, du beurre bio, des biscuits sucrés bio, de la viande bio et du lait bio.
Mais pour prendre le cas de la viande par exemple, c’est en moyenne 50 % plus cher en bio ! Pour peu que cette personne gagne le SMIC, il est normal qu’elle dise : « je ne peux pas manger bio, c’est trop cher pour moi, alors je continuerai à acheter ma baguette, mais c’est comme ça, il faut bien que je mange ! ».
Manger bio, ou des produits naturels ou frais implique forcément de revoir son alimentation.
Je cite souvent l’exemple de ma mère, avec qui nous avions l’habitude de faire les courses à l’hypermarché. Souvent un caddie rempli de boîte et de cartons, c’est-à-dire tout le beau packaging vendeur nécessaire à emballer les aliments industriels que nous achetions.
Le jour où ma mère a décidé de passer au bio, elle a réduit de moitié son caddie ! Elle achète aujourd’hui ses aliments en vrac, car c’est souvent moins cher. Les céréales ou les légumineuses par exemple se conservent plus longtemps. C’est plus nourrissant car les aliments sont souvent complets, plein de bons nutriments donc on en mange moins. On n'est plus obligé de courir après de la bouffe morte qui ne nourrit pas le corps, et qui au final coûte cher, souvent à cause du marketing qu’il y a autour.
Manger moins de viande aide aussi à baisser le prix global de la nourriture.
À nous de découvrir l’épeautre, la lentille corail, les légumes si variés et si nombreux, comme la patate douce par exemple qui nourrit tant, à bon prix. La liste est longue des aliments bons pour nous.
Gilles-Eric Seralini, chercheur indépendant spécialisé dans les OGM nous dit : "Il existe dans le monde plus de 30.000 espèces toutes familles d’aliments confondues. Nous avons accès en occident à 5.000 espèces environ. Et combien en retrouvons-nous dans notre industrie, à hauteur de 80 % ? Cinq espèces, que sont le blé, le soja, la maïs, le lait de vache et le sucre." Le reste ce sont des "anecdotes", des traces, des aliments qui disparaissent et qu’on ne cultive plus, et que des associations comme celle de Kokopelli tentent de protéger, de replanter, de sauver. Vous vous rendez compte ? 5.000 aliments que nous pourrions découvrir ! En moyenne 1 tous les 10 jours tout au long de notre vie ! C’est merveilleux…" On est bien loin de la baguette à 0,39 € composée d’un blé standard de piètre qualité.
Des solutions pratiques existent
Pour ceux qui ont quand même besoin de faire attention à leur budget nourriture, je recommande la super action de la Ruche qui dit oui ! qui livre dans toutes les villes de France, en direct des petits producteurs de nos régions. Ou le mouvement des AMAP qui permet d’avoir accès à des aliments de petites productions, à des prix moins élevés étant donné qu’il y a moins d’intermédiaires entre le champ et le consommateur. À noter deux supers initiatives avec le supermarché citoyen dans Paris, CAGO et La Louve, qui vendent des produits bio à des prix imbattables. Le secret ? Les supermarchés sont tenus par les clients eux-mêmes, sous forme de roulement et d’échanges. Tout le monde participe à l’œuvre collective et chacun s’y retrouve forcément ! Il y a aussi des initiatives comme la cueillette de la Croix Verte qui existe depuis plus de 30 ans, et qui propose sur 50 hectares de terrains cultivés, près d’une quarantaine de produits qui n’attendent que vous pour êtres cueillis et consommés, à des prix accessibles. Proche de la gare de Bouffémont-Moisselles dans le 95.
Quelles sont mes priorités ?
Pour conclure, je dirais qu’aujourd’hui nous sommes face à un choix. Celui de choisir des aliments essentiels dans sa vie, afin de préserver le seul corps que nous avons, et qui nous accompagnera tout au long de notre vie, avec la santé grâce entre autres à une alimentation de qualité. J’ai des amis plus âgés qui me disent qu’ils sont heureux de bien manger depuis des années, parce que c’est en vieillissant qu’ils s’aperçoivent tous les pépins qu’ils évitent et qui leur auraient coûté beaucoup d’argent.
Ou continuer à manger des aliments peu chers et qui remplissent, "parce qu’il faut bien manger". Mais alors, qu’est-ce que nous ingurgitons ? Quel est le prix à payer ? À qui profite ce système ?
Le choix c’est maintenant. C’est une question de conscience et de priorités. Chacun décide de ce qu’il veut manger. Les industriels suivront nos choix. Souhaitons que ce soit les bons…
L'expert : Julien Levy est cuisiner pédagogue, pour la joie de bien s'alimenter. La méthode Foodevie consiste à s'alimenter en fonction du climat, de son tempérament et de son activité. Les aliments sont de bonnes nourritures pour le corps, mais aussi porteurs d'une énergie pour mieux se réaliser dans sa vie. La méthode dure 12 mois, où Julien se rend à votre domicile pour établir votre nouvelle base alimentaire. Il vous accompagne ensuite au supermarché, puis dispense un cours de cuisine chez vous.
>> Pour une expérience de lecture optimisée, retrouvez cette article dans votre magazine IPad de Septembre 2014