Un médicament unique en son genre
Le paracétamol (en anglais acetaminophen) est le principe actif du Doliprane®, du Dafalgan® et de l'Efferalgan®, entre autres.
Il s’agit d’un médicament « orphelin », ou plus précisément d’un fils unique qui aurait perdu sa mère. Il est en effet le seul dérivé de la phénacétine, une molécule antalgique (antidouleur) retirée du marché en 1983 en raison de sa forte toxicité et de son caractère cancérigène. De fait, il constitue à lui seul la classe des « antalgiques antipyrétiques non salicylés » (les salicylés, ou AINS, étant l’aspirine et ses apparentés, dont l’ibuprofène).
Bien qu’il soit un des médicaments les plus employés et les plus étudiés au monde, le paracétamol n’a pas livré tous ses secrets et son mode d’action, très complexe, n’a pas encore été totalement élucidé. On sait néanmoins qu’il agit sur le contrôle de la douleur tant au niveau central (cerveau) qu’au niveau périphérique (nerfs sensitifs).
Une toxicité hépatique passée sous silence
Le paracétamol est sans conteste un bon médicament, très efficace notamment pour soulager les maux de tête, certains symptômes du rhume, les douleurs corporelles et même les douleurs dentaires modérées... Chez certaines femmes, il soulage les douleurs des règles. Toutefois, les laboratoires et les pharmaciens ont tendance à le présenter, à tord, comme un médicament inoffensif et à occulter son caractère toxique.
Ainsi, selon le témoignage d’un dentiste, lors du lancement commercial du paracétamol (1981), il a reçu des dizaines de délégués médicaux et aucun ne lui a jamais parlé de la moindre toxicité du médicament, y compris de ses effets néfastes reconnus au niveau hépatique (sur le foie).
A la dose normale, en effet, le paracétamol est plutôt bien toléré, notamment par rapport aux autres antalgiques (dont l'aspirine), qui entrainent rapidement des douleurs gastriques. Mais le problème réside dans son devenir : lors de son processus d’élimination, il est transformé en N-acétyl p-benzoquinone imine (ou NAPQI), un métabolite toxique capable de détruire les cellules du foie. Les laboratoires ont toujours affirmé qu'aux doses thérapeutiques ce métabolite était neutralisé (grâce au glutathion, un "antipoison" naturel présent dans toutes les cellules), et ne causait donc aucun dommage.
C'est seulement en cas de surdosage aigu, c'est-à-dire si des doses trop élevées (qu’on ne donnera pas ici) étaient prises en une seule fois, que le stock de glutathion ne suffirait pas à neutraliser la NADPQ et qu'une hépatite grave, potentiellement mortelle, pourrait survenir.
C'est pour cette raison que le paracétamol est vendu dans des boites contenant une quantité totale de médicament inférieure à la dose potentiellement mortelle.
Une banalisation contestable
Et c’est là que le bât blesse, car le paracétamol n’est pas soumis à prescription médicale : dosé à 500 et 1000 mg il est vendu sans ordonnance ! Le patient peut faire ce qu'il veut, y compris un surdosage volontaire ! Et ce ne sont pas les pharmaciens qui vont lui en refuser la vente. Est-ce qu'un pharmacien vous a déjà dit en vous tendant une boite : "Le paracétamol représente la première cause d'hépatite potentiellement mortelle en France" ? Est-ce qu'il vous a déjà demandé si vous en aviez déjà plusieurs boites à la maison (auquel cas vous pourriez détenir une dose dangereuse) ? Certainement non, pas plus que le buraliste ne vous dit "fumer tue", ni ne vous demande combien de cigarettes vous fumez par jour. Ponce Pilate a fait des petits…L’argument de la dangerosité du paracétamol n’est valable que pour lutter contre la concurrence.
Il est vrai que la posologie maximale du paracétamol et le risque de surdosage sont bien indiqués sur la notice des médicaments qui en contiennent. Mais qui lit la notice de produits consommés sans méfiance depuis tant d’années ?
D’autres effets inquiétants
Outre sa toxicité sur le foie, le paracétamol a d’autres effets délétères, dont certains sont susceptibles de se produire aux doses thérapeutiques. Ainsi, depuis plus de 10 ans, des doutes existent sur le lien entre l’exposition au paracétamol in utero en période prénatal ou sa prise régulière (1 fois par mois ou plus) pendant l’enfance et l’adolescence, et la survenue d’asthme. Plusieurs études récentes ont clairement montré un lien, qui pourrait contribuer à expliquer l’augmentation de la fréquence de l’asthme dans la population.
Par ailleurs, comme sa « maman » la phénacétine, le paracétamol est toxique pour les reins et cette toxicité pourrait s’exercer aux doses thérapeutiques en cas de prise prolongée, ce qui n’est pas indiqué sur la notice !
Enfin, il existe un faisceau d’élément montrant que le paracétamol pourrait augmenter la pression artérielle, notamment chez les femmes, effet qui serait aggravé sous forme effervescente à cause de la présence de sodium dans l’excipient. Il faut donc faire particulièrement attention à l’installation d’un cercle vicieux : hypertension => mal de tête => prise de paracétamol => aggravation de l’hypertension…
Que conclure au plan toxicologique ?
En tant que toxicologue, je pense que le paracétamol est un toxique avéré du foie et des reins. Sa toxicité à doses thérapeutiques est sujette à controverse, mais à mon sens, je suis persuadée qu’il laisse forcément des traces de son passage. Certainement sans danger immédiat dans la plupart des cas, mais que se passe-t-il en cas de consommation à long terme ou par des sujets fragiles ? En effet, la sensibilité des individus à son égard est variable. Elle est augmentée chez les jeunes enfants (moins de 3 ans = foie immature), et les personnes au foie déjà fragilisé par une hépatite, la prise d'autres médicaments, la consommation d'alcool, une malnutrition (penser aussi aux anorexiques), une myopathie, ou tout simplement une constitution fragile. Dans certains cas, même, la cause de cette sensibilité accrue est inconnue.
Ainsi, les forums dévoilent de nombreux témoignages de problèmes hépatiques sérieux survenus après une prise régulière, non excessive, de paracétamol aux doses thérapeutiques. De rares « cas rapportés » d’hépatites fulgurantes mortelles, à ces mêmes doses, ont même été publiés. Ils sont survenus chez des personnes en état de malnutrition ou ayant eu des antécédents de maladie hépatique, toutefois ils illustrent bien l’existence d’un effet hépatotoxique du paracétamol aux doses thérapeutiques.
On l’a bien compris, le paracétamol est potentiellement toxique, même à dose normale, et ce n'est surtout pas un médicament à prendre "à tout bout de champ", comme un produit banal et inoffensif.
Que faire en pratique ?
En pratique, il ne sert à rien de le prendre à titre préventif en période d’épidémie de grippe ou avant un effort physique par exemple (c’est à ce type de dérive qu’a conduit sa banalisation). En automédication, c'est-à-dire sans avis ni contrôle médicaux, le paracétamol doit être pris uniquement en doses isolées (1 comprimé pour un mal de tête par exemple, lorsque l’intensité de la douleur le justifie), ou pendant 2-3 jours maximum, à la dose la plus faible possible (en cas de rhume par exemple). Si vous l’associez à un autre médicament anti-rhume, vérifiez que celui-ci ne contient pas de paracétamol.
Si le médecin vous a prescrit du paracétamol à dose importante pendant plusieurs jours (3-4 comprimés à 1000 mg par jour, par exemple pour soulager la fièvre d'une grippe), vous pouvez faire suivre le traitement d'une petite cure réparatrice et détoxifiante pour le foie (gélules de feuille d'artichaut, chardon-marie, desmodium, romarin, ginkgo biloba) pendant une semaine. Si vous suivez un traitement antalgique au long terme pour une maladie chronique (arthrose par exemple), vous pouvez faire régulièrement une telle cure pour renforcer le foie (parlez-en à votre pharmacien). C’est également une très bonne raison pour mettre du curcuma à bonne dose dans votre cuisine. Celui-ci est un concentré de vertus (y compris antidouleur), il protège le foie et il n'est absolument pas toxique.
Les alternatives naturelles
Douleurs aiguës et fièvres : il n'existe malheureusement pas d'alternative naturelle d'usage aussi facile et d’efficacité autant garantie que les simples cachets de paracétamol ou d’antalgiques de type AINS pour traiter douleurs aiguës (règles douloureuses, maux de tête…).
La sophrologie, les massages, l’application de chaud ou de froid, peuvent être d’une grande aide, à condition d’en avoir l’expérience. Pour les maux de dents, un clou de girofle malaxé ou de l’huile essentielle de girofle mélangée avec un peu d’huile peuvent calmer la douleur en attendant de se rendre chez le dentiste. Pour la fièvre, la tisane de reine des prés, si elle est de bonne qualité, peut donner de bons résultats car elle contient un précurseur de l’aspirine (mais il faut bien surveiller la température, car toute fièvre supérieure à 39° peut avoir des conséquences graves).
Douleurs chroniques : pour soulager les douleurs chroniques (arthrose, rhumatismes, maux de têtes ou migraines répétés...), il existe des solutions diététiques et thérapeutiques (mélanges de plantes spéciales rhumatismes, baumes aux huiles essentielles, massages, kinésithérapie, hydrothérapie, acupuncture, ostéopathie…). Mais si on veut passer aux médecines naturelles, c'est toute la prise en charge médicale qu'il faut revoir, avec un médecin naturopathe ou homéopathe.