En moins deux ans, j’ai eu 11 séances de chimio, 24 de radiothérapie, 5 anesthésies générales et 1 ou 2 traitements antibiotiques pour palier un système immunitaire déficient. Autant te dire que l’on n’en sort pas indemne mais plutôt avec un tas de petits bobos plus ou moins persistants, plus ou moins faciles à vivre : douleurs articulaires, mycoses à répétition, sécheresse cutanée et vaginale, digestions lourdes et difficiles, remontées acides, insomnies… Les médecins y accordent peu d’importance, et ils t’annoncent seulement que "c’est normal puisque ce sont les conséquences des thérapies lourdes".
Mais un jour, j’ai frappé à la bonne porte : un homéopathe "holistique" qui, à force de questions et d’investigations, a fini par me demander de réaliser des tests sanguins et urinaires pour une recherche de candidose et d’intolérances alimentaires. Verdict : la candidose était réelle, 20 aliments que mon petit corps chéri n’apprécie pas du tout et 11 autres qu’il préfère éviter. Dans mon combat contre la candidose, je dois supprimer les aliments pour lesquels je suis intolérante, leur "nourriture" en quelque sorte, en plus d’un traitement complexe composé notamment d’aromathérapie et d’homéopathie. L’un sans l’autre serait inefficace.
20 aliments à supprimer sur 200 testés ce n’est rien, à peine 10%. Mais quand il s’agit d’ingrédients courants qui rentrent dans la composition de la plupart des repas, cela devient plus compliqué.
En gros, enlever le blé et ses dérivés, tous les laitages et les œufs, c’est plus de pain, plus de pizza (si en plus tu sais que les câpres et les anchois sont à éviter, on frôle la perfection), plus de gâteaux, plus de pâtes, plus d’omelettes, de plats en sauce, de hamburgers même veggie, et je ne te parle même pas de la quiche… Tu rajoutes à cela les amandes, les noix de cajou et les cacahuètes, le céleri et même la charcut’ qui contient du lait… Les apéros, tu oublies !
"On entend par aliments les substances qui, soumises à l’estomac, peuvent s’animaliser par la digestion, et réparer les pertes que fait le corps humain par l’usage de sa vie." Psychologie du goût, Brillat-Savarin
Je suis passée par plusieurs phases. D’abord l’euphorie, tu connais mon côté optimiste et enjoué devant la nouveauté, en me disant que maintenant je sais d’où viennent mes soucis et comment y remédier. Puis j’ai réalisé que le petit encas cru (raw) que j’adorais était fait de 50% de fruits à coque totalement déconseillés, que dans ma salade fétiche chez Cojean, il y avait parfois du céleri, et que je n’allais plus pouvoir toucher à mon dessert préféré à base de lait d’amande et de graines de chia. Là j’ai commencé à me demander si j’allais pouvoir (re)trouver du plaisir à manger, et c’est déprimant.
Changement radical
Ce qui est à la fois étrange et merveilleux, c’est que j’accusais la plupart de ces aliments de me causer du tort. Cela fait 8 ans que je fuis les laitages, 2 ans aussi que je traque le sucre (surtout celui caché) et plusieurs mois que j’évite le pain à base de blé et même tout ce qui contient du gluten. Cela me demandait beaucoup d’efforts et de volonté, du coup je m’autorisais, je te l’avoue, des écarts : gâteaux aux anniversaires ou événements qui me semblaient importants, une raclette par an, un p’tit hamburger de temps en temps, une petite douceur quand la journée en a manqué… et puis surtout, je mangeais ce qui se présentait à moi quand j’étais invitée pour ne pas me compliquer la vie et celles des autres.
Mais quand j’en ai eu la confirmation par les tests, je suis devenue totalement intransigeante… Rien de la liste qui m’a été fournie par le labo ne passera par moi et je n’ai même pas l’impression de faire un effort, sauf peut-être celui de vérifier la composition de tout ce que j’avale. C’est plus facile de faire respecter tes difficultés alimentaires quand, en société, tu peux brandir un "c’est le médecin qui me l’a dit !", ça passe moins pour un caprice.
Tout à la loupe
Tu sais la personne qui décortique tous les emballages, qui chausse ses lunettes (ou les ôte si elle est presbyte) pour mieux lire la liste des ingrédients énoncés en tout petit. Cette même personne qui recherche par mots clés "sans" ou "free" dans Google, des recettes parce qu'un gâteau sans blé, ni lait, ni œuf ni amandes c'est un peu la chasse au trésor dans le désert de Gobi. Celle qui donne sa liste de "je ne peux pas manger ça" deux semaines avant tous les dîners en ville et qui fait la chieuse au resto quand elle commande un plat, en demandant d'enlever ci et si possible de mettre ça à la place, encore pire, qui réclame la recette précise de la sauce gribiche au cas où l’ennemi bien camouflé s'y trouve dissimulé.
Donc cette personne c'est moi.
Je me reconnais bien dans la description faite dans les Bios - sketch du spectacle de Stéphanie Jarroux "On t’aime comme tu es" - ce héros du quotidien, du supermarché, prêt à traquer son ennemi caché dans les recettes industrielles. Je m’imagine en cape "green" allant d’allée en tête de gondole, du rayon bio à l’étagère diet, chercher la pièce unique exempt de tout délit, qui me sauvera la vie. Et à l’instar de Superman qui évite de se retrouver en contact avec de la Kryptonite, il y a tous ces lieux que je ne fréquente plus : la pizzeria ou le restaurant italien, la crêperie ou encore la boulangerie. No-Intolerant-Land !
"La découverte d’un met nouveau fait plus, pour le bonheur du genre humain que la découverte d’une étoile". Psychologie du goût, Brillat-Savarin
Mon quotidien est devenu plus organisé et plus créatif aussi. J’ai investi dans un extracteur, j’ai récupéré une machine à pain et je pense bientôt acheter une yaourtière pour réaliser des yaourts végétaliens, surtout depuis que j’ai découvert celui au lait de coco, malheureusement introuvable en France.
Cerise sur le gâteau, que je ne mange plus, il n'y a quasiment pas de sucres ni de mauvaises graisses dans mon nouveau régime. Exit pizza, pâtisseries, risotto, et le cambo pain-fromage. Mes repas sont la plupart du temps faits maison et/ou très simplifiés pour éviter les "nuisibles".
Après 45 jours de ce régime, j’ai perdu 1,5kg et mes nuits s’améliorent. Ce n’est pas encore la panacée, mais je reviens de loin. Passer de 3 à 4 réveils nocturnes, à des nuits de 6 à 7h sans interruptions et de plus en plus souvent, c’est déjà une victoire.
Le traitement de la candidose va durer plusieurs mois, mais je compte bien continuer à respecter ces règles… avec peut-être un peu plus de souplesse quand je serai invitée au restaurant ou chez des amis.
LE PLUS : Lisez le zoom sur la candidose