Nous râlons tous, parfois même sans nous en rendre compte et le foyer reste le parfait défouloir. Mais derrière nos râleries se cache un besoin plus profond qui demande à être entendu. Christine Lewicki et sa soeur Florence Leroy ont analysé et expérimenté une technique performante dans "J'arrête de râler sur mes enfants et mon conjoint" aux éditions Eyrolles.
Quels sont vos parcours respectifs ?
Christine : Dès l’âge de 16 ans, j’ai déclaré à ma maman que je voulais aider les gens à être heureux au travail ! J'ai commencé ma carrière ainsi, dans le domaine des Ressources humaines. En 2005, alors que je vivais en Californie, j'ai découvert le Coaching et ce fut pour moi une révélation. J’ai décidé d’en faire ma carrière et ma vocation. Ma passion est de vous aider à révéler la puissance et la brillance qui est en vous afin que vous puissiez vous créer une vie (extra)ordinaire !
Florence: Cadre dans une grande entreprise, j’ai quitté mon job pour élever mes enfants. Pour m’aider dans mon rôle de parents, je me suis formée à la communication en famille, puis à l’animation d’atelier de parents et enfin au conseil conjugale et familiale. Je suis convaincue qu’en partageant nos points de vue, nos expériences, nos questionnements, nos réussites, nous devenons plus confiants dans notre rôle de parents, pour le bénéfice de tous. Aujourd’hui avec mon métier, j’accompagne les familles vers plus de bienveillance et de plaisir à vivre ensemble par le biais d’atelier, de groupe de parole, d’entretiens et de conférences.
Pourquoi râle-t-on ?
Souvent, nous râlons car nos besoins de calme, de respect, de coopération ne sont pas satisfaits, alors nous croyons que, en nous plaignant, les autres vont nous aider ou au moins être "punis" de ne pas avoir satisfait nos besoins. Oui souvent quand nous râlons, nous croyons punir les autres mais on se punit soi-même. A force de se positionner en victime et de chercher des coupables, nous finissons par subir notre vie et par passer à côté des trésors cachés au milieu de notre quotidien.
Est-ce un phénomène nouveau ?
Râler n’est pas un phénomène nouveau mais en ce qui concerne les familles c’est vrai que les parents d'avant avaient peut-être des tâches et des responsabilités qui étaient plus clairement reparties. L’homme au travail et en charge de la discipline et la femme au fourneau et en charge du maternage. Maintenant les rôles sont plus mélangés et moins clairs. Les femmes travaillent, les hommes paternes, les familles sont séparées ou recomposées et nous vivons dans une culture où nous n’avons plus envie de souffrir pour la bonne cause que ce soit notre travail ou notre famille. Nous pouvons alors penser que nous avons peut-être plus de raison de râler.
Existe des formes de râlerie positive ?
Lorsque nous râlons, c’est souvent pour satisfaire un besoin légitime. Et c’est important de prendre soin de ses besoins ! Pourtant lorsque l’on râle on dit “ je suis victime, vous êtes coupables !”. Se sentant accusé, l’autre aura soit envie de nous ignorer (ou de nous fuir si il le peut) soit envie d’attaquer à son tour pour se défendre. C’est comme cela qu’en râlant nous tuons le potentiel d’amélioration, de changement. Il n’y a donc pas de râleries positives. C’est vrai, il y a dans la vie, des combats à mener, des valeurs à défendre mais se positionner en victime et essayer d’avoir raison en donnant tord à l’autre, nous empêche d’avancer. Il vaut mieux un argumentaire construit pour agir que des râleries impulsives.
Certains sont-ils plus râleurs que d’autres ?
Râler est une habitude, un réflexe. Parfois certains ont plus cette habitude que d’autres. Mais nous ne pouvons pas nous définir comme râleur ou non râleur. C’est juste que nous utilisons la râlerie à plus ou moins haute dose ! Quand nous râlons, nous utilisons une stratégie de communication qui ne peut pas porter ses fruits. Alors il est possible de penser que au final “plus on est râleur, plus on râle” car on n'en peut plus de chercher à se faire entendre et de ne pas y arriver.
Râle-t-on plus en famille ou sur son conjoint ? Pourquoi ?
La famille semble être l’endroit où nous sommes le plus frustrés par nos raleries. Quand on râle, nous ne sommes pas le conjoint ou le parent que nous avons envie d’être. Pourtant nos enfants et notre conjoint sont AU CŒUR de notre vie 24/24h et leurs comportements viennent titiller nos valeurs les plus profondes (la famille, le foyer, l’amour, le respect....). Il est plus facile de lâcher prise sur un passant qui nous agace que sur une vie de famille qui est en décalage avec notre projet de vie.
En quoi ce livre est-il différent du best-seller "J'arrête de râler" ?
Dans le livre "J’arrête de râler", Christine raconte son chemin lorsqu'elle à fait le challenge de ne pas râler pendant 21 jours consécutifs. Dans "J’arrête de râler sur mes enfants et mon conjoint", Christine et Florence, deux mamans de 7 enfants de moins de 15 ans, ont voulu reprendre ce sujet et l'appliquer exclusivement à la famille. La famille est en même temps notre cause principale de râlerie et pourtant c'est aussi la chose la plus chère à nos yeux.
Christine : J'ai alors voulu inviter ma sœur, Florence, qui est pour moi LA référence en matière de parentalité bienveillante, pour écrire à 4 mains ce livre. Rien de tel que d’écrire en famille un livre sur la famille ! Nous avons voulu écrire ce livre à cœur ouvert, de parents à parents. Nous avons voulu éviter toutes sortes de discours théoriques. Ce livre parle franchement de la réalité de nos vies de familles et de nos vies de couples, nous en tirons des leçons simples mais percutantes et des “trucs” faciles à mettre en place et qui marchent pour les parents qui veulent profiter de leur vie de famille et arrêter de la subir.
Les enfants râlent-ils ?
Les enfants parlent la langue de leur parents ! S’ils entendent râler, il y a plus de “chance” qu’ils râlent.
Y a-t-il des périodes "sensibles" pour la râlerie (en fonction de l'âge des enfants) ?
Chaque âge de nos enfants apportent son lot de challenge. Et finalement c'est souvent quand on se dit que "plus tard" ce sera mieux que nous passons à coté des trésors que nous avons à vivre "maintenant" !
Donnez-nous quelques astuces pour moins râler sur son conjoint ?
Florence : le dialogue, le dialogue, le dialogue, c’est le seul moyen que je connaisse pour continuellement aller à la rencontre de l’autre. Si je comprends ce que vit l’autre, si je comprends pourquoi il se comporte comme cela, je me sens moins agacée, je râle moins.
Christine : avoir du plaisir ensemble, prendre le temps de passer du bon temps ensemble. S’offrir du temps pour être à deux, rien qu’à deux pour prendre soin de sa relation. Dans le livre, nous donnons plusieurs conseils sur comment mettre ce dialogue au cœur de nos vies, comment se dire ce qu’on a sur le cœur et surtout comment mettre son couple au cœur de notre quotidien.
Idem sur ses enfants ?
Florence: abaisser notre niveau d’exigence (d’ordre, de propreté, de calme) pour laisser plus de place à la légèreté, la bonne humeur et le plaisir d’être ensemble.
Christine : apprendre à choisir des demandes et à les faire avec puissance. Parfois, nous pensons qu’en râlant nous posons une limite mais au fond, nous râlons parce que nous doutons de notre capacité à poser le cadre vraiment en puissance et non en force Dans le livre nous partageons des outils pour y arriver.
Quelle est la méthode pour arrêter de râler en 21 jours ?
Il s'agit de mettre un bracelet à son poignet et de ne pas râler pendant 21 jours consécutifs. A chaque fois qu'on râle on change le bracelet de poignet et on remet les compteurs à zéro. Les chercheurs sur le cerveau nous disent qu'il faut faire un effort conscient pendant 21 jours pour se sevrer d'une habitude et en créer une autre (et donc de nouvelles connexion cérébrales). Ce challenge permet donc de se créer une nouvelle nature où nous pouvons devenir le conjoint et le parent que nous voulons vraiment être pour notre famille !
En quoi cela change-t-il la vie d'arrêter de râler en famille ?
Cela permet tout simplement de commencer à PROFITER de sa vie famille et de ne plus la subir. Les routines quotidienne sont transformées et on peut commencer à VIVRE ensemble dans la sérénité, la joie et la bienveillance de tous.
Personnellement, râlez-vous encore au quotidien ?
Christine : non je ne râle plus. Ou du moins c'est extrêmement rare et si par hasard je me surprends à râler, j’arrête immédiatement car je sais que je suis en train de foncer dans un mur et de me punir moi-même !
Florence: je râle beaucoup, beaucoup moins car dès que je râle je ressens comme une alerte. “Attention, tu pars sur le mauvais chemin”. Alors je fais une pause, une respiration, afin de choisir le chemin qui me convient. Et petit à petit, je continue à progresser.
La personnalité non-râleuse qui vous inspire ?
Gandhi qui nous invite à être le changement que vous voulez voir pour le monde. En choisissant d’arrêter de râler, nous avons dû passer à l’action et faire du changement dans nos vie ! J'aime aussi beaucoup les propos de Maya Angelou, de son vrai prénom Marguerite Johnson, poétesse, écrivaine, comédienne et militante afro-américaine. "Si vous n’aimez pas quelque chose, changez-le. Si vous ne pouvez pas le changer, changez votre attitude" a-t-elle dit.
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"J’arrête de râler sur mes enfants et mon conjoint" de Christine Lewicki et Florence Leroyaux aux éditions Eyrolles.
Crédits photos : Christine Lewicki