15 ans après son livre Etre la fille de sa mère et ne plus en souffrir, Patricia Delahaie, psychosociologue et coach de vie, a mené l’enquête auprès de « couples » mère-fille, aux histoires et aux amours variés. Réunies dans son ouvrage La Relation mère-fille, les 3 clés de l’apaisement, ces histoires permettent d’analyser l’évolution des mœurs et des liens entre une mère et son enfant.
« Les mères dont se plaignaient les filles il y a 15 ans ne sont plus même » explique Patricia Delahaie, « les relations mère-fille ne sont pas un sujet atemporel comme l’amour en règle générale, elles évoluent avec le temps et le contexte ». Les filles d’aujourd’hui semblent avoir grandi à une époque où elles ont plus de liberté (choix des études, de partir à l'étranger, choix du métier, des relations amoureuses...). Seraient-elles pour autant moins en conflit avec leur mère ? Pas forcément… Un point inquiète notre experte : « certaines mères et filles d’aujourd’hui sont en fusion, elles s’aiment presque un peu trop ».
Pourquoi ce lien ?
« Notre fille regarde dans notre direction pour grandir, mais elle finit par détourner son regard son avenir », pointe Patricia Delahaie. Le chemin n'est pas identique pour la mère, qui continue de regarder sa fille même lorsque celle-ci est grande. Pourtant, ce n’est pas « mal » de penser que sa fille voudra vivre la même vie que soi. « Tout part forcément de notre personne et de la relation que l’on vécu avec sa propre mère ». Et si notre fille est notre opposée, « la clef de l’entente reste l’ouverture » relativise la coach : une relation équilibrée est faite de réajustements, comme une danse qui peut basculer à tout moment. « Le vrai partenaire pour élever sa fille, c’est sa fille elle-même » éclaire Patricia : rien ne sert de se culpabiliser en tant que mère, la relation saine se construit à deux et évolue en fonction des moments.
Comment fonctionnent les mères et les filles d’aujourd’hui ?
Finalement, « la nouvelle difficulté pour les mères et les filles en 2017 est de faire face à une relation trop fusionnelle et de réussir à se séparer quand la relation est bonne ». Avant, l’éducation poussait à quitter le nid dès la majorité alors qu’aujourd’hui, il s’instaure beaucoup de dialogues, de proximité : « comment ne pas devenir amie avec sa fille ? » est devenue la question qui tue… En effet, les âges et les générations sont moins marquées et la différence de modes de vie entre une fille de 25 ans et sa mère de 50 ans, n’est parfois pas flagrante. Ce rapprochement est un « lien satisfaisant pour les mères », mais comment le gérer pour ne pas qu'il implose et fasse des dégâts ?
Les 3 clefs de l’apaisement
« C’est quand une mère a confiance en elle qu’elle donne le meilleur d’elle même à ses enfants » pointe Patricia. La confiance en soi est la base pour bien comprendre la relation mère-fille, et comprendre c’est la première clef pour s’y retrouver dans la relation. La deuxième est de s’ajuster, dans cette « danse » sans fin. Cela concerne autant la mère que la fille. La troisième est bien sûr, d’aimer. « J’ai voulu écrire un livre doux, adressé à la fois aux mères et aux filles, non pas pour prodiguer des conseils mais pour comprendre la relation qui nous unit à la femme la plus proche de nous » explique l’auteure. « La relation mère-fille est avant tout une relation de douceur et de protection ».
Et quand les rôles s’inversent ? « Quand le moment où la fille doit à son tour, prendre soin de sa mère, la relation est bouclée, tout simplement et tendrement ».
Que faire en cas de relation mère-fille toxique ?
« Dans une relation toxique, la mère essaye de plier sa fille à des comportements déments, qui vont à l’encontre de sa personnalité ». Ce genre de relation est basé sur l’ « égocentrisme » de la mère qui empêche alors sa fille de regarder vers son avenir, son bébé, son ami… En cas de conflit, « il n’y a pas d’obligation de se réconcilier à tout prix, surtout si cela nécessite d’aller contre ses valeurs et soi même ». « Toutes les filles rêvent d’être une bonne fille mais cela ne doit pas nous forcer à jouer à la bonne fille, car il faut être juste envers soi même ». Et c’est la même chose pour la mère qui, à des moments, peut perdre de vue son rôle, à cause d'un trop plein de stress, d’un deuil… Ce sont des « temps dans la vie où l’on n’arrive plus à être mère ». Il existe en fait trois « volets » chez une femme : la mère (qui materne), l’éducatrice (qui pose les limites) et la femme (qui est un modèle). Chaque femme ne possède pas forcément les 3 et cela peut changer avec le temps ! Mais l’on compose avec…
« Le bien était fait »
L’absence de sens maternel est-il un mal qui se transmet ? Au contraire, « 60% des mères qui ont eu une mère toxique ne reproduisent pas ce schéma avec leur fille » confirme la coach. Tout est réparable, et notamment par les rencontres. Une tierce personne peut faire beaucoup de bien à une relation, que ce soit le papa, la marraine ou même une belle-mère. Le père permet de défusionner ce « couple » et pose un autre regard sur sa fille. « Il sert également de figure d’appui quand la mère est plus défaillante. Le père lui offre un autre modèle, tout comme une belle-mère, avec qui l’on peut créer une relation parfois plus saine. » Dans certains cas, la mère en sera jalouse au point d'interdire de la revoir, mais trop tard « le bien est fait » : une fille peut très bien trouver d'autres modèles, au moment de sa vie où elle en aura besoin.
Le livre de Patricia Delahaie replace de manière intelligente mais délicate, les relations mère-fille à notre époque, où la surprotection est de mise. Malgré cette espèce de « génération confondue » (que l’on peut observer dans certaines campagnes de publicité, où mère et fille posent ensemble et se confonderaient presque), il est important de saisir cette différence de temps qui nous sépare, tout en gardant le rythme dans cette danse qui n’est pas toujours de tout repos.
La relation mère-fille, les 3 clés de l'apaisement, Patricia Delahaie, éditions Leduc S