La tente rouge retrace l'histoire de Dina, personnage biblique souvent connu pour l'épisode du viol relaté dans la Genèse. Mais qui est-elle ? Anita Diamant propose une version romancée de la vie de la fille de Jacob et Léa, et célèbre ainsi la féminité.
Qu'est-ce qui vous a le plus marqué dans le personnage de Dina lorsque vous avez découvert son histoire ?
Ce qui m’a marquée, c’est son silence. Elle ne dit rien dans le texte biblique, donc j’avais envie d’imaginer sa version de l’histoire.
Vous insistez sur les rites de passage, les temps passés sous la tente rouge que ce soit lors des menstrues ou des accouchements… Quel regard portez-vous sur ces temps entre femmes ?
Ma description des temps passés entre femmes reflète une vérité historique. Dans le monde pré-moderne, l’accouchement était un événement vécu uniquement entre femmes – et c’est encore le cas aujourd’hui dans certaines parties du monde. Les menstrues également étaient un moment de séparation d’avec les hommes dans de nombreuses cultures. J’ai donc imaginé cela comme un temps de célébration et de repos.
Quelle est l'actualité de la tente rouge, plus de 3000 ans après l'histoire de Dina ?
Les amitiés entre femmes et les relations familiales sont toujours une source de soutien, de force et de sagesse. Le décor (la tente) n’est que le cadre de ces relations dans le roman. Aujourd’hui, nous prenons soin les uns des autres dans d’autres cadres, y compris par téléphone ou sur Internet. Tous ces modes de communication sont importants.
Vous n'hésitez pas à décrire les scènes de plaisir au sein d'un couple, toujours dignement, mais en livrant le point de vue de la femme et donc de son plaisir. Etait-ce important pour vous de valoriser le plaisir féminin pendant l'acte d'amour ?
L’histoire est racontée du point de vue de Dina et des autres femmes, ce qui veut dire que je ne pouvais décrire la relation sexuelle que du point de vue de la femme. Et puisque les femmes aiment le sexe (c’est vrai, n’est-ce pas ?), il fallait que certaines scènes intimes décrivent le plaisir. Sinon, j’aurais trouvé cela inexact.
Dans votre version de l'histoire, Dina n'a pas été violée mais s'est donnée à Shalem. Ce sont ses frères qui en font un viol pour préserver la dignité de la famille. Que vous inspire cette fascination ancestrale pour la virginité de la jeune femme jusqu'au mariage ?
Le roman se déroule à une époque où le marché du mariage était fondé sur la virginité de la mariée. Ce que je pense de ces coutumes n’a rien à voir avec ce qui est dit dans le livre, qui essaie d’être fidèle à la période historique.
Dans le monde moderne, ces idées de « valeur de la mariée », et d’associer l’honneur à la viginité dénigrent le statut des femmes en tant que personnes.
Dina parle toujours de « ses mères », au pluriel, pour parler des femmes qui l'ont entourée dans son enfance, sa mère et ses tantes. Aujourd'hui, cette tradition s'est perdue, comment retrouver la force des cercles de femmes ?
Je crois en effet que c’était une tradition. Cette idée de faire dire à Dina « mes mères » est une invention de ma part, et non le résultat de recherches. Dans une famille avec plusieurs épouses qui se partagent la tâche d’élever les enfants, il me paraissait logique qu’elle dise cela.
Aujourd’hui, les femmes trouvent encore de la force en groupes, souvent informels : au travail, dans des situations de bénévolat... Aux États-Unis, les clubs de lecture en sont une forme organisée : les femmes se retrouvent tous les mois pour discuter, pas seulement de livres, mais aussi de la substance de leurs vies. Beaucoup de ces groupes durent plusieurs dizaines d’années, et les femmes s’accompagnent et se soutiennent mutuellement dans les différentes étapes de la vie : la naissance des enfants, le décès des parents, le mariage, le divorce, le changement de travail…
Lorsqu'elle met au monde son premier fils, Dina définit l'accouchement comme « l’expérience suprême où les femmes trouvent le courage de devenir mères ». Il faut être courageuse pour être mère ?
J’ai souvent entendu les femmes plaisanter en disant qu’un homme ne supporterait jamais l’expérience de l’accouchement. C’est un moment de transformation, de courage, et de foi.
Le roman La tente rouge d'Anita Diamant, est paru aux Editions Charleston.
La tente rouge
Anita Diamant
8,90 euros