Il y a un problème de fond dans le rapport des enfants à l'actualité. D'une manière générale les informations mettent en avant tout ce qui ne va pas, c'est ce qui est le plus « vendeur ». Beaucoup d'enfants se sentent mal sur Terre et toutes ces informations négatives ne les aident pas, loin s'en faut . Ils ont donc une vision négative de la Terre en général et de l'adulte en particulier : guerres, conflits, attentats, chômage… En réaction à cela ils peuvent soit développer un côté dépressif soit à l'opposé être en colère, et quoi qu'il en soit la vie leur apparaît comme «pas drôle». Je vois beaucoup d'enfants qui désinvestissent la vie car ils intériorisent les informations négatives qu'ils ressentent et perçoivent autour d'eux.
Leur conscience de la réalité est souvent très fluctuante car quand celle ci est trop difficile à comprendre ou à gérer, ils «s'arrangent» avec : ils négocient avec, la contournent, la tordent pour en faire ce qu'ils veulent qu'elle soit.
Cela dépasse le rôle des parents, c'est le rôle des adultes en général. Parents et enseignants ont un rôle très important. Les enfants ont besoin de référentiels crédibles, d'adultes à qui ils puissent faire confiance, sur qui ils puissent compter; cela est capital pour leur équilibre psychique et leur ancrage dans la vie.
Il doit avant tout être cohérent avec lui-même. D'où l'importance pour les adultes de faire « un travail sur eux mêmes » par exemple à travers le développement personnel. Les enfants sentent, au-delà des mots, si paroles, pensées et actes sont alignés, cohérents.
Sur le plan de la conscience, oui. Sur le plan affectif, non, car ils sont beaucoup plus insécures. Ils voient le monde comme s'ils le regardaient d'en haut ce qui leur donne une perception globale, en images et d'où les détails sont absents. Ils se demandent bien qu'est-ce que c'est que ce monde de « sauvages » ! Ce déséquilibre déstabilise les enseignants. Les élèves leur posent des questions incroyables et en même temps, pleurent quand maman part le matin, quand ils se font un peu bousculer…
Pour que l'enfant pose des questions, il faut qu'il évolue dans un climat où il sent qu'il peut poser des questions. Ce climat se crée dès la petite enfance. Il faut prendre le temps de répondre aux questions de l'enfant dès qu'il commence à parler. Si lorsqu'un enfant pose une question, l'adulte répond qu'il n'a pas le temps, évince sa question ou répond à côté, le petit finira par ne plus poser de questions. Par contre, face à un événement grave, mieux vaut prendre les devants et l'évoquer même succinctement plutôt que cela se fasse dans la cour de récré avec les copains, dans ce cas la transmission n'est pas forcément très bonne...
Dès qu'il va à l'école. L'enfant va être en contact avec d'autres enfants et donc discuter. On n'imagine pas de quoi les enfants de maternelle sont capables de parler ! Il faut donc parler très tôt avec eux, en choisissant les mots qui conviennent bien sûr.
On est obligé de le rapporter à leur quotidien, car c'est aussi une partie de leur éducation. Par exemple, leur dire qu'il ne faut pas suivre n'importe qui dans la rue. Chacun trouvera les mots justes pour parler à son enfant, mais globalement, l'idée à transmettre est qu'il y a des gens qui « ne vont pas bien dans leur tête » et font des choses qui ne sont pas bien. C'est un langage simple et clair, que les enfants comprennent très bien. Cela met des mots sur un ressenti, c'est porteur de sens, bien plus qu'une dichotomie « gentils/méchants ».
Oui, parce que le monde qu'on leur propose est un monde qui ne leur convient pas, dans lequel ils n'arrivent pas à se projeter. Voir qu'il y a des jeunes qui ont pu faire quelque chose d'innovant est rassurant et réconfortant. S'ils ont pu le faire c'est donc que c'est possible.
C'est là où il est essentiel d'avoir instauré le dialogue et la confiance dès le début. Comme ils ont leurs propres accès à l'information, les ados risquent facilement d'être influencés par des courants de pensée voire même happés par des groupes. Si à la maison, à l'école, ils ne trouvent pas de stabilité, de confiance..., ils peuvent se laisser prendre par des miroirs aux alouettes, une pseudo-réalité qui leur paraît bien plus sympa que la vraie.
Les enfants n'ont pas à le regarder. Les ados peuvent commencer à le regarder, mais pas seuls, de manière à pouvoir en parler tout de suite car les informations qu'ils voient sont surtout négatives. Je suis plus favorable aux documentaires, car il y a plus facilement des informations positives.
Et Internet ?
Il convient d'être très prudent. Tout d'abord pour des questions de santé, à cause des ondes et du champ électromagnétique. Je conseille de limiter le temps passé devant les écrans. En même temps, il faut leur apprendre à utiliser et à naviguer sur Internet, leur apprendre qu'on ne peut pas tout faire et que tout n'est pas bon à voir. Il faut que le parent ne soit pas très loin lorsque l'enfant va sur Internet, afin que, s'il tombe sur quelque chose de « pas terrible », il puisse en parler tout de suite. Il ne faut pas l'enfant ait honte et s'en cache. Ce serait la pire des situations.
Marie Françoise Neveu est psychologue pour enfants à Paris.
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