Il doit être aux alentours de 8 heures 30 lorsque nous allons dans la cuisine. La maîtresse des lieux s’affaire déjà consciencieusement, accroupie au milieu de cette petite pièce sombre à l’extrémité gauche de la maison. Afin de prévenir la mousson, toutes les habitations du village sont construites sur de hauts pilotis, et coiffées de résistants toits en taule prêts à drainer d’incessants flots de pluie.
Sarienne, notre "maman" pour quelques jours
Au rez-de-chaussée s’expriment à loisir les chiens, chiots, coqs et cochons sur le sol terreux et sec du terrain familial. C’est donc juste au-dessus de la couveuse des poussins visible depuis les interstices des planches que nous nous asseyons à ses côtés. Au moyen de nos minces notions de khmer apprises les jours passés, et de quelques gestes imprécis, nous tentons de savoir ce que nous pourrions faire pour l’aider.
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Pour notre dernier jour sur l’île, la communauté, reconnaissante de notre travail accompli, organise une cérémonie au cours de laquelle nous serons purifiés par les bonzes - moines - à coup de prières et seaux d’eau fraiche sur la tête. C’est donc pour préparer ces réjouissances que nous cuisinons nos offrandes.
Avec pour seule lumière les rayons matinaux se faufilant entre les lattes de bois laissant s’exprimer les particules en suspension dans l’air, nous voilà assis en cercle et en tailleur, attendant les directives de la maitresse de maison. Nous épluchons, coupons, cuisons.
Crédit : Widad Boukerfa
Elle s’appelle Sarienne. La peau mate, les cheveux longs et noirs, le regard bienveillant et le sourire timide, elle nous accueillait chez elle et son mari Sokhan quelques jours auparavant. Elle vit sur l’île depuis toujours, c’est-à-dire 42 ans, et s’apprête à marier l’un de ses quatre enfants. Sa future belle-fille manie la cuisson des galettes au feu de bois avec justesse, elle ajoute et déplace les branches incandescentes avec afacilité et efficacité. Le parfum des fritures et épices qui se mêle à celui de la cendre, embaume désormais toutes les cabanes des alentours.
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Il est temps de se préparer, Sarienne et ses amies prennent plaisir à nous habiller de leurs plus beaux vêtements, et de les ajuster à coup d’épingles à nourrices, avant que nous enfourchions nos vélos, fières de nous voir nous éloigner ainsi.
Nous retrouvons leurs visages resplendissant à la pagode, ceux-là même qui se pareront de fous rire lorsque nous crierons à gorge déployée sous les gerbes d’eaux jetées par les bonzes.
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Crédit : Widad Boukerfa
Mission accomplie
Notre mission s’achève, deux nouvelles cuves à eau portent désormais le nom de « Eau kun », en référence à « Aukun », merci en khmer, de quoi manifester aux villageois notre gratitude. C’est non sans émotion que nous quittons Koh Phdao l’ile aux sourires, pionnière du tourisme durable, ou tout le monde se salue, ou les enfants tendent la main pour taper les nôtres à chacun de nos passages à vélo, ou toutes les générations vivent en si belle harmonie.
Les yeux embrumés d’un côté comme de l’autre, nous nous éloignons du rivage et de cette vie apaisante, pour retrouver nos habitudes, des souvenirs et enseignement pleins la tête.
Prochaine étape ?
Sihanoukville puis enfin, les plages paradisiaques de Koh Rong.
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Pour plus d’informations :
- L'agence Double Sens avec laquelle nous sommes partis
- Association locale de préservation de l'environnement : CRDT Cambodian Rural Development Team