Carole Baudry incarne Pin-Up Bio sur le web. Elle est blogueuse mode beauté éthique et conseillère en image. Il y a quelques semaines, elle publie sur son blog un article sur les poils et plus particulièrement l'épilation. Elle y dénonce la douleur mais aussi les diktats de beauté de notre société, qui font rimer "poil" et "sale". En bref, Carole a décidé d'arrêter de s'épiler.
FemininBio : Comment a démarré l’histoire de la Pin-up Bio ?
Carole Baudry : Petite, j’étais sensible à l’environnement, je disais vouloir sauver les animaux. J'écoutais en boucle la chanson Earth Song, de Michael Jackson qui m’a motivée à me mobiliser pour la planète. J’en suis donc venue très vite au bio.
Par la suite, j’ai développé l’idée de pouvoir se faire belle sans se faire de mal. Je ne conçois pas que l'on puisse être en harmonie avec soi tout en ayant conscience que le fond de teint que l’on utilise va provoquer des boutons, intoxiquer notre organisme et qu’il va avoir un impact négatif sur la planète parce qu’il est testé sur des animaux.
Ayant toujours voulu monter mon entreprise j’ai alors crée Pin-up Bio. J'avais en tête de devenir conseillère en image mais dans cet élan positif d’écouter mon instinct, j’ai réalisé mon rêve : devenir conseillère en image éthique.
Pourquoi ce nom ?
C.B : Parce que j’adore les pin-up des années 50 comme Gil Elvgren, au graphisme très féminin et glamour. Et puis, on m'a laissé entendre que j’avais "une tête de pin-up". Nous avons encore du mal à croire que l’on peut être à la fois glamour et bio. Pin-Up Bio incarne les deux.
Un jour vous avez décidé d’aimer les poils et d’arrêter de vous épiler. Comment s’est fait ce cheminement ?
C.B : J’étais dans une démarche d’amour de moi, de respect. J’arrête de me critiquer et comme je me respecte, je mange bio. J’ai développé un rapport d’amour et de bienveillance avec mon corps. J’ai vu sur Youtube une vidéo de Julien Wolga,"Le poil, ce mal aimé", dans laquelle il soulève le problème du conditionnement.
Nous sommes conditionnées il en découle le déni qu’épiler nous fait mal. En me rapprochant de mon corps, je me suis dit qu’il fallait que je me rapproche de mes sensations premières, comme je l’ai fait pour l’alimentation. Aujourd’hui je ne suis plus dans le déni, si je m’épile, ça me fait mal.
En temps que conseillère éthique, je ne peux pas dire à mes "élèves" d’accepter leur morphologie, leur couleur de peau, leurs cheveux, leur cellulite et leurs vergetures... et de s’épiler. Il faut s’aimer globalement au naturel et ne pas être dans le jugement en considérant certaines choses acceptables et pas d'autres.
Il y a quand-même un rejet très fort de la société à l’égard des poils...
C.B : Il y a en effet une double violence. La violence physique en s’épilant mais aussi la violence de la norme sociale.
Ce que je préconise n’est pas d’arrêter du jour au lendemain et d’arborer des poils longs dans la rue, mais d'être dans la demi-mesure.
Je suis en guerre contre l’épilation définitive et l’épilation intégrale du pubis, que j’estime être un coup porté à sa propre estime et à sa santé. Nous pourrions épargner notre pubis en continuant de s’épiler les jambes et les aisselles, si les femmes le désirent. Il existe des problèmes de santé et d’hygiène liés à l’épilation totale du pubis. Enfin, le poil à une raison d’être.
Justement, quel est le rôle du poil ?
C.B : Le poil est un protecteur de la peau contre les agressions extérieures et il maintient son hydratation. L’épilation intégrale est à l’origine de nombreuses mycoses et irritations en tous genres car elle déséquilibre la flore vaginale. Les poils ne sont pas sales, ce sont des diffuseurs d’odeurs, or l’odeur corporelle a une fonction sociale. Pensons au rôle de l’odeur de la mère pour l’enfant, ou lorsque l’on est avec son amant, l’odeur du corps peut être très stimulante.
Sur votre blog vous employez les termes de violence et mutilation. Est-ce que ce ne sont pas des termes un peu forts pour décrire l’épilation ?
C.B : Lors de ma première épilation, j’ai pleuré. Nous sommes tellement conditionnées que nous oublions l’acte en lui-même. Or, en s’épilant, nous arrachons le bulbe du poil, ce n’est pas anodin. Les femmes devraient être dans un rapport de douceur à l’égard d’elles-mêmes.
Pourquoi est-ce que cela ne pourrait pas devenir un style ? Un peu comme les hommes : ils ont de la barbe ou ils se rasent, les deux sont acceptables. Ce n’est pas normal de devenir un monstre aux yeux des autres dès lors que l’on a des poils.
Alors je lance un appel aux femmes, car cela commence par la bienveillance envers les autres. Mesdames, si vous croisez des femmes non épilées dans la rue, ne portez pas de jugements. Ce n’est ni moche, ni beau, c’est seulement naturel.
Cela demande de la confiance en soi, non ?
C.B : En effet, et cela va se jouer sur des générations. Nous pouvons impulser l’arrêt de cette guerre du poil qui est nocive pour la santé, la féminité, et l’estime de soi.
Pouvez-vous parler des méthodes d’épilation les plus violentes selon vous ?
C.B : Comme je l’ai dit, je suis en guerre contre l’épilation définitive, d’une part du fait de la douleur. D’autre part, les poils font partie de nous. La future génération aura des modèles imberbes. C’est très mauvais car elles n’apprendront pas l’acceptation du corps, la bienveillance et l’amour de soi.
En ce qui concerne les méthodes d’épilation et donc d’arrachage de bulbe, nous sommes toutes libres. Il ne faut pas oublier que ce n’est pas hygiénique du tout même s’il est souvent dit que les poils font "sale".
Que conseillez-vous aux femmes qui souhaitent arrêter ce genre de méthode sans pour autant laisser pousser leurs poils ?
C.B : Dans un moindre mal, utiliser la tondeuse pour les aisselles et les jambes, en la mettant au ras de la peau. Cela fait un peu comme un rasage de deux-trois jours sans les microcoupures. En été, il est possible de se raser.
Mais ne tombez pas dans l’obsession des poils. L’idéal est de les laisser tranquille tout le reste de l’année.
L'épilation n'est-elle pas une question de choix, en fonction de notre style, tout comme le choix de se faire un tatouage ?
C.B : Ce n’est pas un style. Autant un tatouage peut être artistique, une expression, autant l’épilation est un conditionnement.
Comment aimer ses poils ?
C.B : Aimer ses poils passe par l’acceptation de son corps, dans une démarche d’amour de soi. Et si on essayait de dépasser la norme sociale ?Je ne trouve toujours pas que mes jambes sont belles avec des poils mais ne suis plus dans le dégoût.
Le problème réside également dans la standardisation de la beauté. Nous devons toutes nous ressembler pour coller au diktat de la société. La beauté est diversité, il faut associer le poil non pas à l'homme mais à l’état adulte.
Quelle serait la première étape pour commencer à changer notre regard ?
C.B : Pour commencer à changer notre regard, arrêtons de nous critiquer. Dans cette douceur, nous sommes plus ouvertes aux particularités de notre corps et comprenons mieux notre beauté.
En temps que coach, avez-vous un exercice pratique pour enclencher un premier pas vers cette bienveillance ?
C.B : Oui avec plaisir pour en partager trois :
Exercice 1 : arrêtez les autocritiques durant une semaine, qu’elles soient physiques ou mentales, de type "je suis grosse, je suis moche, je suis en retard, je suis nulle, j’ai des grosses fesses"
Exercice 2 : se regarder en face le matin en prenant conscience de la magnificence de notre corps, de la technologie qu’il représente, juste pour s’émerveiller du miracle de la vie que l’on est.
Exercice 3 : se dire en se regardant dans le miroir : "je m’aime et je m’approuve" pour reprendre les termes de Louise L. Hay !
Quels conseils donner aux mamans pour aider leurs filles à s’accepter ?
C.B : D'incarner un modèle de femme qui essaye de sortir petit à petit du conditionnement de la société. Certes je m’épile, ce n’est pas naturel, je me fais du mal, mais j’essaye d’espacer les épilations. Ou alors apparaître dans sa maison devant ses enfants et son mari avec ses poils. Rien que ça. Ne pas complexer ses enfants et incarner le changement.
Finalement la question est : "Comment être sexy avec ses poils ?". Avez-vous la réponse ?
C.B : Passons du dégoût des poils à l’acceptation. Chacune trouvera son petit compromis !
>> Pour une expérience de lecture optimisée retrouvez cet interview dans votre magazine IPad de juillet-août 2014