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Antonella Verdiani : "Ces écoles qui rendent nos enfants heureux"

Antonella Verdiani
Antonella Verdiani
Comité éthique et scientifique FemininBio
Mis à jour le 25 février 2021
Au moment où des millions d'écoliers reprennent le chemin de l'école, rencontre avec Antonella Verdiani, auteur de "Ces écoles qui rendent nos enfants heureux", un livre qui sort fin septembre. Docteur en sciences de l'éducation, Antonella Verdiani a travaillé durant plus de dix-huit ans à l'UNESCO, où elle était responsable des questions d'éducation.

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FemininBio : Votre histoire personnelle a-t-elle été déterminante dans votre choix de vous consacrer au formes d'éducations alternatives ?
Antonella Verdiani : C'est toujours une histoire personnelle, dans tous les domaines. En ce qui concerne l'éducation bien-sûr, il y a une dimension de l'être et donc j'aurais aussi bien pu devenir psychothérapeute ou psychanalyste ! Ma formation d'origine c'est l'architecture, et grâce à un programme d'éducation de l'Unesco et à un travail de développement personnel, je suis arrivée à l'éducation.

FB : Vous avez trois enfants, ce qui a dû aussi influer sur vos choix ?
AV : Oui en effet. Le premier a été dans une école publique du cursus italien. Le deuxième a été dans une école privée sous contrat en France. La troisième est dans une école alternative en Angleterre. J'ai donc une expérience en tant que parent. J'étais déterminée de ne pas mettre mes enfants dans le système scolaire public français, bien que je sois partisane de l'éducation publique. Ce n'étais pas un choix élitiste. Je me suis rendue compte que les enfants souffraient dans le système public et je ne voulais pas que mes enfants souffrent.



FB : Quelles sont vos critiques à l'encontre du système éducatif traditionnel ?
AV : Je ne voudrais pas être trop pessimiste car il y a une ouverture en cours. J'espère qu'elle interviendra sur la pédagogie. La première critique c'est que tout est axé sur une vision assez traditionnelle et vielle de l'enseignement. C'est l'enseignant qui connaît tout et l'élève rien. Il pose des questions aux enfants dont il sait déjà les réponses. Le programme est prédéterminé et les élèves doivent s'y adapter. Il n'y a aucune partie de liberté, ni de créativité. Il y a aussi la discipline : les enfants doivent bien se tenir, se retenir. Dans ce type de programme l'élève n'a pas le droit de découvrir quelque chose.  Il ne se prend pas en charge, il se responsabilise très peu, il doit obéir… alors que dans les autres pédagogies il a plus de liberté et la possibilité de co-construire avec l'enseignant.

FB : Il y a aussi une notion de compétition dans l'enseignement traditionnel ?
AV : Oui, le système est basé sur la compétition et non sur la coopération. Ce qui donne de bons petits soldats. Il y a aussi une question de rythme qui est prédéterminé. S'il y a des élèves qui n'arrivent pas à suivre ce rythme imposé, c'est tant pis pour eux. C'est donc une école qui exclut et qui marginalise.

FB : Vous avez rapproché les mots "éduquer" et "joie". Comment est-ce que vous y avez pensé ?
AV : C'est le sujet de ma thèse. Dans ce cadre j'ai été amenée à visiter des écoles dans lesquelles les enfants et les enseignants sont heureux. Je suis notamment allée à Auroville en Inde (ndlr : ville expérimentale créée par une française en 1968). J'y ai découvert qu'aller à l'école peut être une source de bonheur et de joie.

FB : Comment définissez-vous l'éducation alternative ?
AV : C'est un univers très mouvant et très changeant en ce moment… et dieu merci ! Nous sommes dans une période de mutation et cela investit tous les domaines dont l'éducation. Cet univers est en train justement de sortir de l'alternatif et ça c'est très important. Il y a de plus en plus d'écoles nouvelles qui utilisent des pédagogies particulières comme Montessori, Freinet et Steiner comme base.

FB : C'est encore très marginal ?
AV : J'enlèverais le "très". C'est marginal, oui, et de moins en moins. Il y a par exemple de plus en plus de parents qui n'envoient pas leurs enfants à l'école. Ils font l'école à la maison. On peut trouver tous les outils pour cela très facilement notamment sur Internet.

FB : Comment mesure-t-on la réussite d'une méthode ?
AV : Il faudrait se mettre d'accord sur la réussite. Quand vous avez en face de vous quelqu'un qui est bien dans sa peau, c'est une réussite. Les diplômes arrivent après. Donc si vous avez un être humain heureux d'être au monde, bien avec les autres, c'est une réussite. C'est quoi le bon élève ? Doit-on se demander si un élève est bon ou s'il est un bon être humain ? Les méthodes d'éducation alternatives portent une attention au développement de toutes les dimensions de l'être humain. Même la dimension spirituelle.

FB : Le reproche que l'on peut faire à ces écoles est d'être peu accessibles car chères ?
AV : Oui en effet. En Inde certaines écoles Montessori sont gratuites.

FB : Pensez-vous que l'école évoluera vers ces éducations alternatives ?
AV : Je suis assez confiante, oui. L'Education Nationale évoluera. Le "mammouth" ne s'effondrera pas. L'éducation du futur sera quelque chose de beaucoup plus riche. Ce sera original, les parents auront plus de choix. Ce sera un peu comme les différents modes de vie. Je crois que l'avenir sera à la richesse des choix. C'est déjà une tendance et pas seulement en France. En Angleterre par exemple une nouvelle loi permet de créer une école comme on veut.

Antonella Verdiani a fondé le "Printemps de l'éducation", un collectif de représentants de la société civile, dont l'objectif est d'organiser des rencontres entre les acteurs qui oeuvrent au changement d'éducation.

"Ces écoles qui rendent nos enfants heureux", ed. Actes Sud, coll. Domaine du possible

Propos recueillis par P-A Ruquier

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