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Faut-il ou non se faire vacciner contre la grippe ?

Mis à jour le 25 février 2021

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Une page d’opinion de plus sur la vaccination antigrippale ? Non, une page d’information. Ce texte est la réponse à mes patients qui assiègent mon téléphone depuis quelques jours. Ces informations sont relayées par de nombreux médecins qui tentent d’éclairer leurs patients pour ce choix difficile.


Résumé : La question n’est finalement pas uniquement celle de la vaccination pandémique, mais bien celle de la vaccination annuelle contre la grippe. La réponse sur la question de la pertinence de la vaccination antigrippale doit être globale et personnelle.
Les risques liés à la maladie ou au vaccin chez le bien-portant sont tellement infimes qu’ils peuvent difficilement être comparés. Les négliger pour soi ou ses enfants ne constitue pas une perte de chance significative.

Se faire vacciner ou pas ?

La réponse n’est pas aussi simple qu’un oui ou un non ; prenez le temps de lire complètement cet article avant de forger votre opinion. Si vous ne souhaitez pas le lire, transmettez-le à une personne de confiance pour lui demander son avis. Vous pouvez bien sûr consulter votre médecin. Il fera le point avec vous et pourra répondre à vos questions. Il pourra même vous dire ce qu’il ferait à votre place, ce qui ne veut pas dire que l’avenir lui donnera raison. Chaque cas est particulier et il connait le vôtre, mais de grâce, évitez le téléphone, ne serait-ce que parce qu’il n’aura pas votre dossier sous les yeux quand il vous répondra. D’ailleurs, votre médecin figure peut-être dans la liste (voir en bas de l’article) de ceux qui reprennent ces informations à leur compte pour leurs patients.

Mais avant de parler du vaccin, il faut passer par un bref historique de la grippe et de ses virus, c’est indispensable pour comprendre.

Un bref historique pour bien comprendre le contexte

Le virus de la grippe n’est pas un virus stable, comme celui de la rougeole ou des oreillons. Il change (mute) légèrement tous les ans, c’est pourquoi les personnes souhaitant se vacciner contre la grippe doivent renouveler l’injection annuellement. Ce n’est pas un rappel, mais une revaccination : la composition du vaccin change tous les ans en fonction des mutations des virus. C’est aussi pourquoi nous pouvons avoir la grippe plusieurs fois dans notre vie : après une grippe, nous ne sommes protégés que pendant une durée limitée, tant que nos anticorps parviennent à neutraliser le virus qui n’a pas encore trop changé. En moyenne, une grippe génére des anticorps efficaces pendant une quinzaine d’années.

Une épidémie comme celle que nous vivons en 2009 apparaît quand la mutation d’un virus de la grippe est soudaine et importante. Nous ne sommes plus protégés par les anticorps que nous avons fabriqués lors d’une infection ancienne. Une grande partie de la population va contracter cette nouvelle grippe, généralement l’année de son apparition, parfois l’année suivante, parfois de façon inapparente. Cela donne pendant un ou deux ans une épidémie hivernale spectaculaire. La contamination est favorisée par l’inhalation d’air froid après contact avec le virus. C’est pour cela que les épidémies surviennent surtout l’hiver.

Le vaccin contre la grippe saisonnière est préparé près d’un an à l’avance en mélangeant les souches de virus en circulation. L’OMS et les industriels espèrent "viser juste" et obtenir un vaccin efficace pour l’hiver suivant. Ce n’est pas toujours le cas, la prévision étant un art difficile. Mais dans l’ensemble, l’efficacité du vaccin contre la grippe saisonnière est modeste : entre 25 et 60% selon les sources. Dans un rapport récent, elle est en France d’environ 60% chez les jeunes et de 40% chez les personnes âgées [1]. C’est à dire que la vaccination diminue environ par deux le risque de contracter la grippe. Les virus de la grippe A, utilisés pour fabriquer le vaccin saisonnier, proviennent de la souche H1N1 dérivée de la grippe espagnole de 1918 et de la souche H3N2 dérivée de la grippe de Hong Kong de 1968 ; le vaccin contient également une souche de grippe B, moins virulente, que nous laisserons de côté. Le virus A/H1N1 n’est donc pas un nouveau-venu dans le monde de la grippe car il dérive d’une souche ancienne déjà présente depuis plus de 30 ans dans le vaccin saisonnier.

En 2004, un nouveau virus A est apparu : le virus H5N1 d’origine aviaire (oiseau). Il avait deux caractéristiques : une dangerosité extrême avec plus de 30% de mortalité (contre 0,01% pour la grippe A saisonnière comme nous allons le voir) et heureusement une très faible contagiosité pour l’homme.

Par sécurité et à juste titre, une procédure grippe aviaire a été mise en place en 2005 dans de nombreux pays :
- stockage massif de masques, de gants, de médicaments antiviraux
- plan de production accéléré pour la fabrication de vaccins en cas de pandémie : démarches d’enregistrement raccourcies et surtout, ajout d’un adjuvant, le squalène. Ce produit huileux renforce la stimulation immunitaire et permet de produire beaucoup plus de doses de vaccin dans un temps réduit. Encore une fois, on agitait le spectre d’une grippe mortelle à 30% et ces compromis paraissaient acceptables pour gagner quelques semaines correspondant à des centaines de milliers de vies sauvées. Une grippe aviaire tuant un malade sur trois aurait été une catastrophe mondiale absolue autorisant des procédures d’exception.

En mars 2009, une épidémie de grippe A est apparue au Mexique, due à une mutation importante du virus A/H1N1. Mutation importante donc faible immunité générale de la population et épidémie massive.
Ce virus a touché surtout les jeunes, car les personnes plus âgées avaient déjà contracté d’autres grippes de la famille H1N1. Malgré la mutation importante ayant créé le nouveau virus, ces personnes de plus de 65 ans étaient immunisées partiellement contre le nouveau virus H1N1 du fait de sa parenté avec les anciens H1N1. Les épidémies de grippe récentes étaient surtout causées par un autre virus A : le virus H3N2.

Après un moment de panique, il est apparu au début de l’été que ce virus était certes très contagieux, mais finalement peu agressif. Pas plus que le virus H1N1 habituel. Ce qui était inhabituel en revanche, mais logique, c’était le nombre de personnes, jeunes notamment, touchées par la grippe.

Trop tard pour intégrer ce virus dans le vaccin saisonnier

En avril 2009, il était malheureusement trop tard pour intégrer ce nouveau virus dans le vaccin saisonnier dont la production était déjà lancée.

Certains gouvernements, français notamment, ont alors décidé dès le début de l’été d’appliquer à ce nouveau virus A/H1N1 la procédure d’urgence créée pour le "méchantissime" A/H5N1 aviaire. Malgré les nouvelles rassurantes de l’hémisphère sud, il était semble-t-il trop tard en août pour reculer. La campagne de vaccination massive par le vaccin dit "pandémique", c’est à dire contenant le nouveau virus H1N1 et "dopé" au squalène a été mise en place avec les remous que l’on sait.

Nous allons maintenant aborder un chose très importante et peu connue : l’alternative n’est pas de vous vacciner ou non cette année contre la nouvelle grippe A/H1N1, mais de savoir si vous voulez vous vacciner contre la grippe en général. En effet, la nouvelle grippe A/H1N1 ne diffère pas significativement par sa gravité de sa "mère" l’ancienne grippe A/H1N1 qui circule en Europe depuis 1918, et qui est intégrée dans les vaccins saisonniers. La seule différence est que les adultes jeunes sont dans leur grande majorité dépourvus d’anticorps contre cette nouvelle grippe A, car elle n’a pas beaucoup circulé récemment.
On croit souvent qu’il suffit de se vacciner contre cette nouvelle grippe A pour être tranquille pour longtemps. Il n’en est rien. Comme tous les virus grippaux, comme l’ancien A/H1N1, celui de la nouvelle grippe A/H1N1 va muter (on dit "glisser") progressivement et les personnes vaccinées souhaitant rester protégées contre la grippe A/H1N1 devront mettre à jour cette vaccination tous les ans jusqu’à la fin de leurs jours. Une vaccination ponctuelle en 2009 ne ferait que reculer leur contagion de quelques années. Lorsque le nouveau virus H1N1 mutera, ce qui est normal et a déjà commencé, ses "descendants" pourront être plus dangereux, ou au contraire plus bénins que leur "père". En pratique, ces mutations limitées et progressives changent rarement la dangerosité du virus initial de manière significative, contrairement aux mutations importantes et brutales qui caractérisent les grandes pandémies. Nous n’avons, au 2 décembre, aucune preuve de la naissance d’un mutant plus virulent qui changerait la réflexion sur la vaccination. Le principal impact de ces mutations minimes concerne la sensibilité au vaccin ou aux antiviraux qu’elles ont tendance à diminuer.

Dès l’année prochaine, le nouveau virus H1N1 mexicain sera intégré dans le vaccin saisonnier comme l’est déjà son parent H1N1 espagnol et son cousin H3N2 asiatique. Une personne souhaitant se protéger de la grippe A se vaccinera obligatoirement tous les ans. Il y aura donc un vaccin "2 en 1" (ou plutôt 4 en 1 : ancien A/H1N1, nouveau A/H1N1, A/H3N2, B).

Hors quelques cas, le choix est "tous les ans", ou "jamais"

Le choix est donc le suivant, il n’y en pas d’autre :
- Je me vaccine cette année puis tous les ans contre la grippe car je ne veux pas prendre de risque vis-à-vis de cette maladie et j’accepte les risques des vaccins.
- Je suis prêt à prendre le risque d’attraper la grippe (tous les 15 ans en moyenne) avec les risques qui vont avec et je ne me vaccine jamais contre cette maladie.

À ce choix personnel peut s’ajouter le souhait altruiste de ne pas contaminer les autres et de participer à l’étalement de l’épidémie dans le temps (en l’absence de vaccination massive et annuelle de la population, ils seront de toute façon contaminés un jour ou l’autre).

Les arguments personnels et altruistes en faveur du vaccin doivent être tempérés par la faible efficacité du vaccin : . le vaccin diminue la probabilité de la contagion mais ne l’annule pas. Le vaccin ne permet pas d’annuler les risques liés à la grippe, mais de les diminuer.

Le fait que la question soit souvent mal posée explique pourquoi il y a tant de divergences dans les avis et recommandations. Le problème n’est pas lié à cette nouvelle vaccination (en dehors des questionnements sur ses excipients que nous aborderons plus loin) mais au principe même de la vaccination régulière contre la grippe.

Il n’y a bien sûr aucun danger spécifique à se vacciner cette année et à ne pas renouveler le vaccin ultérieurement. C’est simplement illogique puisque la grippe A/H1N1 n’a aucune raison d’être moins dangereuse dans trois ou cinq ans que cette année.

La question qui vient ensuite est logiquement : "Quels sont les risques de la grippe ?"

Les risques liés à la grippe sont connus. Ce qui ne l’est pas avec précision, c’est leur fréquence.

ll y a tout d’abord le risque d’être cloué au lit pendant plusieurs jours avec fièvre, toux, courbatures et maux de tête. L’épuisement se poursuit par une fatigue importante pendant une semaine après la guérison. En moyenne, on fait une grippe de ce type tous les 15 ans. Certaines personnes ne "font jamais la grippe". Cela veut sans doute dire que chez elles, les symptômes sont très atténués au point qu’elles ne les remarquent pas (les études scientifiques évaluent à 30% le nombre de grippes qui ne donnent pas ou peu de symptômes [2]). D’autres sont plus sensibles et vont être atteints plus souvent. Ce chiffre d’une grippe A tous les 15 ans est une moyenne.

Il y a également le risque indirect de transmettre cette maladie à des proches ou à des personnes fragiles que l’on côtoie.

Il y a ensuite les complications, dont la fréquence n’est pas connue avec précision :

1) La pneumonie bactérienne est la principale complication de la grippe en terme de fréquence. Elle touche plus souvent des personnes qui ont une maladie préexistante (diabète, sida,bronchite chronique...) mais aussi celles qui oublient que le repos est indispensable pendant une grippe... Personne ne connaît le pourcentage de grippés qui contractent une pneumonie, le chiffre se situe probablement entre 1/10 et 1/100 des grippés [3]. Cette pneumonie se guérit très bien avec des antibiotiques courants mais peut emporter une personne très fragile : vieillard, insuffisant respiratoire, grand cardiaque ou autre porteur d’une maladie grave.

2) Le Syndrome de Détresse Respiratoire Aigu Sévère (SDRAS) est une complication rare, grave et particulière de la grippe. Il s’agit d’une pneumonie qui n’est pas due à une bactérie, mais au virus lui-même. Cette complication peut toucher n’importe qui, jeune, vieux, sujet en bonne santé le plus souvent. Elle est très rare, touchant probablement entre 1/100.000 et 1/1.000.000 des grippés. Elle est mortelle dans un nombre de cas compris entre 1/10 et 1/2 selon la gravité initiale, on parle alors de mortalité directe de la grippe. En cas de guérison, des séquelles pulmonaires graves peuvent persister. Le SDRAS porte parfois le nom de grippe fulminante ou de grippe maligne.

3) Les complications neurologiques : essentiellement le syndrome de Guillain Barré. Celui-ci est de gravité variable et guérit le plus souvent tout seul et sans séquelles. Les troubles vont d’un simple fourmillement passager à une rarissime paralysie définitive. Il n’est pas spécifique de la grippe et peut être déclenché par de nombreux facteurs, y compris la vaccination. La grippe peut aussi provoquer des encéphalites, rarissimes elles aussi. La fréquence des atteintes neurologiques graves (non réversibles) est tellement basse qu’elle est inconnue, probablement entre 1/100.000 et 1/1000.000 des grippés. Il est très difficile d’apprécier ce qui est réellement dû à la grippe.

4) Le décès est bien sûr une complication à part entière, quelle qu’en soit la cause. C’est une des données les moins mal connues car le décès est un élément qui est toujours déclaré, documenté, et qui peut faire l’objet d’enquêtes. Pour autant, aussi incroyable que cela puisse paraître, personne ne connaît le nombre exact de décès dus à la grippe en France. Un bilan institutionnel sur la saison 2004-2005 (rapport INVS déjà cité) apporte néanmoins des données intéressantes : nous n’avons pas le chiffre absolu de décès, mais au moins pouvons nous connaître le rapport entre les décès et les cas de grippe estimé par un réseau de surveillance fiable.

 

Fig 1 Comparaison de la mortalité grippale et du nombre de cas de grippes lors de l’épidémie 2004-2005, permettant d’évaluer la mortalité globale à environ 1/10.000 source INVS. Attention, il ne s’agit pas de la mortalité totale mais de celle de 22 départements pilotes.

Ce rapport est de l’ordre de 1/10.000 (fig 1). Il rejoint les chiffres constatés en Nouvelle-Zélande [4] pendant l’épidémie hivernale due au nouveau virus. L’analyse détaillée de ces décès en France sur un échantillon de 22 départements montre qu’il s’agit essentiellement de personnes très âgées (fig 2).


Fig 2 : Age des patients décédés de la grippe lors de la surveillance de la grippe 2004-2005 sur 22 départements.

Le décès des personnes jeunes grippées est plutôt dans la fourchette 1/100.000 à 1/1000.000 et est souvent associé à une maladie préexistante. Cela correspond aux constatations faites par les médecins généralistes : rares sont ceux qui ont été confrontés à un décès par grippe chez une personne jeune et en bonne santé pendant l’ensemble de leur carrière. Du fait du nombre de grippés qui développent peu ou pas de symptômes et qui ne sont pas comptabilisés, on peut estimer que le taux de décès chez les personnes bien portantes atteintes par une grippe symptomatique ou non est de l’ordre de 1/500.000. Les chiffres récents de mortalité, provenant de pays où l’épidémie est importante (USA), sont compatibles avec cette estimation. Néanmoins, les données des épidémies précédentes concernent le virus H3N2, majoritaire ces dernières années. Il devient probable au fil du temps que la mortalité chez le sujet jeune est supérieure avec le virus H1N1 ; cette caractéristique est suggérée par l’expérience actuelle des réanimateurs confrontés à un nombre inhabituel de sujets jeunes avec une atteinte respiratoire sévère. Il faut donc considérer un fourchette plus large pour la mortalité qui pourrait atteindre dans le pire des cas 1/100.000 chez l’enfant et l’adulte en bonne santé.

Néanmoins, dans la mesure ou cette grippe touche peut-être dix fois plus de jeunes que les autres années (car ils ne sont pas immunisés), il est normal et attendu que les cas graves et les décès chez les jeunes soient dix fois plus nombreux. Cela ne veut pas dire que le nouveau virus H1N1 est forcément plus agressif que l’ancien H1N1. Nous avons des chiffres américains qui montrent une surmortalité inférieure à un facteur 5 pour les enfants par rapport aux autres années, sachant que c’est le virus H3N2 qui sévissait majoritairement.

En pratique, la probabilité de mourir de la grippe ou de garder des séquelles pulmonaires ou neurologiques graves pour un enfant de plus de un an ou un adulte de moins de 65 ans et en bonne santé est sans doute comprise entre 1/100.000 et 1/500.000. Personne ne pourra être plus précis avant longtemps et il est peu probable que la réalité soit en dehors de cette fourchette.

Globalement chez les personnes en bonne santé, la grippe expose à un risque fort d’incapacité transitoire et de toux pénible, un risque faible de complication réversible, et un risque infime de décès.

Le risque de décès par la grippe pour un enfant ou un adulte bien portant est par exemple inférieur à celui consistant à circuler à vélo en ville, très inférieur à celui de rouler à moto. Il est d’un ordre de grandeur comparable à celui auquel vous expose un long voyage en voiture. Pour prendre une autre comparaison : vous avez moins de chance de mourir de la grippe cette année que de gagner les 6 numéros du loto en jouant une grille à 12 euros une fois par semaine.

Pour les personnes présentant une maladie ou un état (grossesse, premiers mois du nourrisson) favorisant les complications, seule une consultation personnalisée permet d’estimer un éventuel sur-risque avec sécurité. Néanmoins l’excès de risque est souvent surestimé par le public. Par exemple, la femme enceinte présente un excès de risque de décès qui ne dépasse par un facteur 5 d’après les études disponibles. Une femme enceinte en bonne santé qui contracte la grippe a donc environ 49.999 chances sur 50.000 de ne pas mourir.

Il est dommage qu’en déconnectant la vaccination du médecin de famille ou du pédiatre, la campagne vaccinale ait rendu plus difficile le contact et le dialogue pour les patients à risque.

En dehors de l’isolement total, le seul moyen de se protéger partiellement mais durablement de la grippe avec une efficacité prouvée scientifiquement est la vaccination. D’autres méthodes existent mais les preuves de leur efficacité sont mal établies. Cela ne veut pas dire qu’elles ne sont pas efficaces mais que cette efficacité n’est pas démontrée par les méthodes scientifiques couramment admises.

Quels sont les risques de la vaccination antigrippale ?

Les vaccins antigrippaux traditionnels (saisonniers) contiennent de l’eau, des sels minéraux anodins et des virus grippaux tués ou fragmentés. Cette eau peut contenir des résidus du milieu de culture des virus grippaux et notamment des antibiotiques, du formaldéhyde et des protéines de poulet. Ces résidus sont présents en quantité infimes et ne posent de problème qu’en cas d’allergie. Vendus en pharmacie en seringue unidose, les vaccins saisonniers ne contiennent habituellement pas d’adjuvant métalliques ni de conservateur (squalène, aluminium, mercure), sauf le Gripguard® qui contient du squalène. Ces vaccins ne contiennent pas non plus de virus vivant. Il est difficile de connaître cette composition précise car elle ne figure pas clairement sur la notice des vaccins.

Du fait d’une procédure de recueil des effets indésirables déficiente [5], les effets secondaires de ces vaccins ne sont pas parfaitement connus et sont souvent sous-estimés pour les plus bénins d’entre eux (douleurs, courbatures, fièvre). Les accidents graves sont tellement rares qu’il est impossible de les quantifier, même approximativement [6].

Voici l’information officielle française (Agence du médicament) sur les effets indésirables du vaccin saisonnier sans conservateur ni adjuvant :

Événements indésirables observés au cours des essais cliniques
La tolérance des vaccins grippaux trivalents inactivés est évaluée au cours d’études réalisées annuellement en conformité avec les exigences réglementaires, et incluant au moins 50 adultes âgés de 18 à 60 ans et au moins 50 personnes âgées de 61 ans et plus. L’évaluation de la tolérance est réalisée durant les 3 premiers jours suivant la vaccination.
Affections du système nerveux :
- Entre 1% et 10% des patients : maux de tête.
Affections de la peau et du tissu sous-cutané :
- Entre 1% et 10% des patients : sueurs*.
Affections musculosquelettiques et systémiques :
- Entre 1% et 10% des patients : douleurs musculaires, douleurs articulaires*.
Troubles généraux et anomalies au site d’administration :
- Entre 1% et 10% des patients : fièvre, malaise, frissons, fatigue. Réactions locales : rougeur, gonflement, douleur, ecchymose, induration*.
* Ces réactions disparaissent généralement après 1 ou 2 jours sans traitement.
Événements indésirables rapportés au cours de la surveillance après commercialisation
Les événements indésirables rapportés au cours de la surveillance après commercialisation, en plus de ceux déjà observés au cours des essais cliniques, sont les suivants :

- Affections hématologiques et du système lymphatique : baisse des plaquettes transitoire, ganglions.
- Affections du système immunitaire : réactions allergiques, conduisant à un malaise grave dans de rares cas, oedème de Quincke.
- Affections du système nerveux : névralgie, fourmillements, convulsions fébriles, troubles neurologiques, tels que encéphalomyélite, névrite et syndrome de Guillain-Barré.
- Affections vasculaires : inflammation des artères avec atteinte rénale transitoire dans de très rares cas.
- Affections de la peau et du tissu sous-cutané : réactions cutanées généralisées incluant démangeaisons, urticaire, éruption de boutons.

En pratique, la lecture d’une telle liste a un effet repoussant, mais globalement, les accidents graves avec le vaccin grippal saisonnier sont exceptionnels alors que les inconvénients bénins sont fréquents. Il est très difficile d’apprécier ce qui est réellement dû au vaccin.

La réflexion sur le vaccin saisonnier est importante, car comme nous l’avons déjà vu, la seule question est de savoir si l’on va démarrer à vie une vaccination annuelle contre la grippe, et non de savoir si l’on va seulement faire le vaccin pandémique transitoire contre la nouvelle grippe A. Seule exception : les femmes enceintes et les nourrissons pour lesquels une vaccination ponctuelle est envisageable ; ces deux populations bénéficient d’un vaccin sans adjuvant au squalène.

Nous n’avons aucune information sur les risques associés à l’injection annuelle du vaccin antigrippal saisonnier pendant une vie entière. Rien ne permet d’affirmer ni d’exclure que ces injections répétées soient anodines.

Contracter la grippe assure une immunité bien plus forte que celle apportée par le vaccin. Il ne peut être affirmé ni exclu que cette meilleure immunité naturelle constituera un avantage en cas d’épidémie future par un virus agressif dérivé du virus A/H1N1 2009.

Il y a un effet altruiste dans la vaccination : elle diminue la probabilité de transmettre le virus et participe à la réduction de l’intensité de l’épidémie.

Pour une personne bien portante, il faut donc mettre en balance le risque d’une grippe tous les 15 ans (et ses éventuelles complications) avec les risques associés à un vaccin annuel, sachant que l’efficacité du vaccin est habituellement de 50% (il diminue par deux la probabilité de contracter la grippe, mais ne protège pas à 100% comme d’autres vaccins.)

Il est clair qu’en terme de mortalité par exemple, le risque lié au vaccin est très nettement inférieur à celui lié à la grippe. Néanmoins, sur 15 ans cela se joue à quelques points par million. Lorsque l’on atteint des niveaux de risque aussi bas à titre individuel, il est légitime de s’interroger sur l’intérêt de la recherche du "risque zéro". Nous nous exposons quotidiennement à des risques beaucoup plus importants.

La vaccination saisonnière annuelle chez le bien-portant est donc un choix personnel. Il n’y a pas de règle car il n’y a pas de conduite évidente. Chacun en fonction de son acceptation ou non d’un risque infime dans un sens ou dans l’autre fera son choix pour lui ou ses enfants. Le seul argument collectif pour l’incitation à la vaccination serait d’étaler dans la durée les cas de grippe grave afin d’éviter la surcharge des services de réanimation. Une telle justification aurait peut-être été mieux entendue par le public.

Que penser du vaccin pandémique et de ses adjuvants ?

En Europe, un élément perturbe le débat sur les questions précédentes : la composition du vaccin pandémique utilisé pour la campagne de vaccination de masse 2009. Comme nous l’avons vu, il a été fabriqué en suivant un protocole industriel et administratif accéléré destiné à la grippe H5N1 dite grippe aviaire. C’est à dire une situation d’urgence majeure face à un virus dont la mortalité aurait été de 30% (et non de 0,01%). Le vaccin a été "dopé" avec un corps gras, le squalène pour accélérer sa fabrication. On sait que ce squalène favorise aussi les réactions locales douloureuses et les réactions générales comme la fièvre ou les courbatures. En revanche, aucun accident grave ne lui a été imputé avec certitude. Un doute persiste sur son effet déclenchant pour des maladies auto-immunes. Malgré un recul assez important sur son emploi, les données sont peu probantes car il a été essentiellement administré à des personnes âgées en institution. On commence à disposer de données canadiennes qui montrent une fréquence d’accidents graves (dont des décès) de 1/250.000 vaccinés par un vaccin au squalène proche du PANDEMRIX. Des données anglaises récentes vont dans ce sens.

Au USA, le vaccin pandémique ne contient pas de squalène. Il est identique, à la souche virale près, au vaccin saisonnier.

En France, les flacons multidoses utilisés pour la vaccination pandémique de masse contiennent un conservateur dérivé du mercure, le thiomersal. Nous ne savons pas actuellement si ce produit peut poser des problèmes. Si c’est le cas, ils sont suffisamment rares pour ne pas avoir été mis en évidence dans les études réalisées par le passé. L’agence du médicament française avait néanmoins recommandé en 2000 de ne plus l’utiliser http://www.afssaps.fr/Infos-de-secu... mais encore une fois, ce vaccin a été fabriqué dans le cadre d’une procédure d’urgence "Grippe aviaire H5N1" dont la forte mortalité rendait secondaire les considérations sur les conservateurs. Cette procédure paraît a posteriori injustifiée pour le virus H1N1, mais il est toujours plus facile d’avoir raison a posteriori.

Ces adjuvants et conservateurs sont actuellement considérés comme sûrs par les autorités sanitaires, mais pas par les fabricants qui ont demandé contractuellement à être libérés de leur responsabilité en cas de problème. Il serait plus cohérent pour convaincre le public que les fabricants renoncent à cette clause de protection et partagent ainsi leur confiance dans leur produit.

Le squalène, responsable d’un plus grand nombre d’effets indésirables modérés, faciliterait en revanche une immunité plus solide, notamment contre les premiers virus mutants qui commencent à apparaître et qui ne sont que faiblement différents du A/H1N1 2009 initial. Cet "élargissement" de l’immunité avec les vaccins adjuvés au squalène est plausible mais demande à être confirmée.

Ces inconnues ne facilitent pas le choix de ceux qui penchent pour la vaccination. Il pourrait leur paraitre tentant d’attendre vaccin sans adjuvant, mais c’est maintenant que le risque de contamination est le plus élevé.

Un élément ne penche pas en faveur du vaccin pandémique : la pandémie est bien lancée en France et proche de son pic. Il n’est habituellement pas recommandé de se vacciner en plein pic épidémique car l’immunité met au moins 15 jours à s’installer. Il est probablement bien tard pour se vacciner actuellement.

La survenue d’un deuxième pic début 2010, un moment envisagée, devient improbable depuis quelques jours : nous sommes déjà dans le deuxième pic, le premier étant survenu en septembre. Se vacciner actuellement peut être un pari sur un risque de contamination à plus de 15 jours.

Enfin, il faut préciser que la vaccination d’un sujet ayant déjà contracté la nouvelle grippe H1N1 sans s’en rendre compte n’expose à aucun risque connu.

Copies d’écran de Google Flutrends réalisées le 27 novembre 2009. Notez l’intensité très variable des épidémies par rapport à celles des années précédentes en fonction des pays. La France est en plein pic épidémique.

Une autre donnée fiable est le rapport hebdomadaire de l’activité du service d’urgences médicales SOS Médecins. Le graphique ci-dessous montre que nous avons probablement commencé la décroissance. Le prochain rapport sera déterminant pour le confirmer ou l’infirmer.

Que concluez vous ?

Mais rien bien sûr. Il n’y a que vous qui pouvez conclure, en fonction de vos objectifs personnels, de votre acceptation du risque lié à la grippe ou de celui lié au vaccin. Vous avez ci-dessus les éléments qui vous permettent de prendre une décision pour vous ou vos proches. Elle sera toujours personnelle et unique. Sachez que, quelle que soit votre décision, la probabilité que vous soyez confronté à des conséquences graves liées à un mauvais choix est infime.

Article tiré du site internet Atoute.org, publié le 2 décembre 2009.

Dr. Dominique Dupagne

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