Voici une liste partielle d'indications vous permettant de savoir si un professionnel de la santé soutient ou non l'allaitement maternel ou du moins suffisamment pour qu'en cas de problème il (elle) fera les efforts nécessaires afin de vous aider à continuer l'allaitement.
1. Il (elle) vous distribue des échantillons de préparations pour nourrisson ou encore des documents provenant des sociétés d'aliments infantiles lorsque vous êtes enceinte ou après la naissance du bébé (1).
Ces échantillons ou cette documentation sont des appels à utiliser le produit en question, leur distribution est donc du marketing. Il n'y a aucune preuve qu'une marque soit meilleure ou pire qu'une autre pour tout bébé normal.
Toute information ou vidéo accompagnant les échantillons ne sont ni plus ni moins que des messages subjectifs pour dénigrer l'allaitement maternel et glorifier les substituts.
Si vous ne le croyez pas, demandez-vous pourquoi les sociétés de préparations pour nourrissons déploient avec acharnement des techniques pour amener les médecins ou les hôpitaux à distribuer leurs documentations et échantillons et non ceux des autres sociétés ? Et pourquoi les professionnels de la santé ne défendent-ils pas l'allaitement maternel ?
2. Il (elle) vous dit que l'allaitement au sein ou au biberon sont pratiquement équivalents.
La plupart des bébés nourris au biberon se développent harmonieusement et en bonne santé et tous les bébés nourris au sein ne sont pas exempts de troubles de santé.
Mais cela ne signifie pas que l'allaitement maternel et artificiel soient à peu près équivalents. Les préparations pour nourrissons ne sont qu'une grossière approximation par rapport aux connaissances que nous avions sur le lait maternel il y a plusieurs années déjà, ce qui ne représente encore qu'une grossière approximation de ce que nous découvrons et qui nous émerveille toujours davantage.
Leurs différences ont d'importantes conséquences sur la santé. Certains éléments du lait maternel sont absents des préparations pour nourrissons bien que nous connaissions leur importance pour le bébé depuis plusieurs années déjà. Par exemple, les anticorps et les cellules protégeant le bébé des infections, les longues chaînes d'acides gras polyinsaturés nécessaires au développement optimal du cerveau et de la vision de l'enfant. Allaiter au sein n'est pas la même chose que de nourrir au biberon, c'est une relation totalement différente. Si vous n'avez pas pu allaiter, c'est malheureux (bien que la plupart du temps les problèmes auraient pu être évités) mais déclarer que cela n'a pas d'importance, c'est de la condescendance et c'est parfaitement faux.
Un bébé n'a pas besoin d'être allaité pour croître heureux, en pleine santé et sécurité, mais c'est un avantage.
3. Il (elle) vous dit que la préparation pour nourrisson X est la meilleure.
Cela signifie généralement qu'il (elle) est trop influencé(e) par le représentant de cette marque particulière. Cela peut aussi signifier que ses enfants ont toléré cette marque-là plutôt qu'une autre. Cela signifie qu'il (elle) a des préjugés non fondés.
4. Il (elle) vous dit qu'il n'est pas nécessaire de faire téter le bébé juste après la naissance si vous êtes fatiguée et parce que de toute façon le bébé est souvent peu intéressé.
Ce n'est pas nécessaire, mais c'est très utile. Les bébés peuvent téter alors que leur mère est allongée ou qu'elle dort, bien que la plupart des mères n'éprouvent pas le désir de dormir à un moment pareil.
Les bébés ne montrent pas toujours un intérêt pour téter immédiatement mais ce n'est pas une raison pour les empêcher d'en manifester le besoin.
La plupart des bébés tètent dans l'heure ou les deux heures qui suivent la naissance et c'est le moment le plus propice à un bon départ, mais ils ne le peuvent pas s'ils sont séparés de leur mère.
Si vous avez l'impression que la pesée, les gouttes pour les yeux et l'injection de vitamine K sont prioritaires par rapport à la mise en route de l'allaitement, vous pourrez vous rendre compte des engagements des uns et des autres vis-à-vis de l'allaitement.
5. Il (elle) vous dit qu'il n'existe pas de confusion sein/tétine et que vous devriez commencer à donner des biberons le plus tôt possible à votre bébé pour vous assurer que celui-ci acceptera la tétine.
Pourquoi devriez-vous commencer les biberons de bonne heure s'il n'existe pas de confusion sein/tétine ? Nier l'évidence de l'existence d'un tel problème, c'est mettre la charrue devant les bœufs. C'est la tétine, dont aucun mammifère autre que l'homme ne s'est jamais servi, et dont l'homme lui-même n'a fait un usage courant que depuis la fin du XIXème siècle, qui doit démontrer son innocuité.
Mais cette innocuité vis à vis de l'allaitement n'a pas été prouvée. Les professionnels de la santé qui affirment que les tétines sont anodines, donnent à croire que l'alimentation au biberon serait la méthode physiologique normale de l'alimentation du nourrisson, et non l'allaitement au sein.
Qu'une majorité de bébés ayant sucé des tétines n'aient pas eu de problèmes ensuite pour téter, n'implique pas que leur usage précoce ne puisse causer des dommages pour certains bébés. C'est souvent une combinaison de facteurs, dont l'un peut être l'utilisation d'une tétine, qui s'additionnent pour donner des problèmes.
6. Il (elle) vous dit que vous devriez arrêter l'allaitement parce que vous êtes malade ou que votre bébé est malade, ou parce que vous allez prendre des médicaments ou bien encore vous allez subir des examens médicaux.
Il y a de rares situations où l'allaitement ne peut être poursuivi, mais souvent les professionnels de la santé ont tort de supposer que la mère ne peut pas continuer.
Le professionnel de la santé qui soutient l'allaitement maternel fera l'effort de trouver un moyen pour éviter l'interruption de l'allaitement (l'information des pages blanches du livre bleu Compendium des spécialités pharmaceutiques n'est pas une bonne référence : chaque médicament y est contre-indiqué parce que les laboratoires pharmaceutiques se sentent plus concernés par le risque de poursuites que par l'intérêt des mères et des bébés).
Lorsqu'une mère doit prendre un médicament, le médecin essayera de prescrire un traitement compatible avec l'allaitement (en fait, très peu de traitements imposent l'arrêt de l'allaitement). Il est extrêmement rare qu'il n'existe qu'un seul traitement pour un type de problème.
Si le premier choix du médecin est un traitement médical demandant l'interruption de l'allaitement, vous êtes en droit de penser qu'il (elle) ne se sent pas réellement concerné par l'importance de l'allaitement.
7. Il (elle) est étonné(e) d'apprendre que votre bébé de 6 mois est toujours allaité.
Beaucoup de professionnels de la santé croient que les bébés devraient bénéficier de préparations pour nourrisson au moins jusqu'à 9 mois et même 1 an, mais en même temps semblent croire que le lait maternel et l'allaitement ne sont pas nécessaires et même nuisibles au-delà de 6 mois.
Pourquoi l'imitation serait-elle meilleure que l'original ? Pouvez-vous imaginer ce que ce raisonnement implique ? Sur l'ensemble de la planète, l'allaitement poursuivi jusqu'à 2 ou 3 ans est fréquent et normal.
8. Il (elle) vous dit que le lait maternel n'a plus d'intérêt nutritionnel pour le bébé au-delà de 6 mois.
Même si c'était vrai, il y a toujours intérêt à allaiter parce que l'allaitement est une interaction unique entre deux personnes qui s'aiment, même sans lait.
Mais ce n'est pas vrai. Le lait maternel reste du lait contenant des lipides, protéines, calories, vitamines et le reste, et les anticorps et autres éléments qui protègent le bébé contre les infections sont toujours là, certains même en plus grosse quantité que lorsque le bébé était plus jeune. Quiconque omet de vous le dire ne sait rien de l'allaitement.
9. Il (elle) vous dit que vous ne devriez jamais permettre à votre bébé de s'endormir au sein.
Pourquoi pas ? C'est bien si un bébé peut aussi s'endormir sans téter, mais un des avantages de l'allaitement est justement d'avoir un moyen commode pour endormir votre enfant fatigué. Toutes les mères du monde, depuis les premiers mammifères, ont agi de la sorte.
Un des grands plaisirs du maternage est d'avoir un enfant endormi dans les bras, et de ressentir la quiétude qui le submerge avec le sommeil. C'est l'un des plaisirs de l'allaitement, pour la mère comme probablement pour le bébé, lorsque celui-ci s'endort au sein.
10. Il (elle) vous dit que vous ne devriez pas rester à l'hôpital pour nourrir votre enfant malade parce qu'il est important que vous vous reposiez chez vous.
C'est important que vous vous reposiez, et l'hôpital qui soutient l'allaitement maternel s'arrangera pour que vous puissiez vous y reposer tout en nourrissant votre bébé. Les bébés malades n'ont pas moins besoin d'être allaités que les bébés en bonne santé, ils ont plus besoin.
Dr Jack Newman, MD, FRCPC - Pédiatre, Responsable d'une consultation de lactation - Toronto - Canada
(1): en France, la loi n°92-442 du 3 juin 1994 et son décret d'application paru le 8 août 1998, interdisent la distribution gratuite de préparations pour nourrissons (lait premier âge) par l'intermédiaire du système de santé et précisent certains éléments devant apparaitre dans les documents concernant l'alimentation infantile et distribués au grand public (précisions ajoutée par IPA).