Cet article a été publié dans le magazine FemininBio #16 Avril-Mai 2018
Imaginez-vous nouveau-né. Vous avez traversé les affres de l’accouchement : les contractions, la première bouffée d’oxygène qui brûle les poumons, le froid, la peur. Et enfin, soulagement : votre maman vous pose contre sa peau et vous donne du lait. Que ce soit le sien ou celui d’un animal, c’est pareil : le liquide chaud et sucré coule dans votre gorge et vous réconforte. Même si le lait n’est pas sucré, il est doux par nature, car il est majoritairement constitué de glucides, le fameux lactose, sucre du lait. Notre premier goût est donc sucré, et il est lié au réconfort, à l’amour et au plaisir !
Il existe des âges de la vie plus sucrés que d’autres. En tant qu’enfant, nous sommes très attirés par le sucre : bonbons, gâteaux, boissons sucrées... Parfois, on aimerait se nourrir uniquement de sucre ! Et puis, les années passant, d’autres goûts nous attirent. Le temps de l’adolescence est celui de l’acide. Je me souviens, ado, avoir adoré ces bonbons très acides entourés de sucre ; vous voyez de quels bonbons je parle ? Puis vient le temps de l’âge adulte où le salé prend toute sa place. Enfin, celui de la sagesse, où l’on se met à apprécier l’amer. La vieillesse arrivant, on observe souvent un retour au temps de l’enfance, et le sucre revient en force.
Parfois, cette évolution des goûts n’a pas lieu et l’on reste comme bloqué sur la saveur sucrée. Nous ne pouvons pas passer une journée sans en manger. Finir un repas sans dessert nous semble une punition terrible. Et nous vivons des envies de sucre en permanence : en fin de repas le midi, dans l’après-midi, le soir devant un film... et parfois même dès le réveil, au petit déjeuner.
Pourquoi sommes-nous si accros au sucre ? Et pourquoi cette saveur nous procure-t-elle tant de plaisir ?
Déjà, parce que nous en consommons beaucoup plus qu’avant : nous sommes passés de 1 kilo de sucre par an et par personne en 1850, à 35 kilos aujourd’hui ! Le sucre étant très addictif – plus encore que la cocaïne, selon une étude datant de 2007 –, plus nous en consommons, plus notre corps en demande. À cela s’ajoute le fait qu’il est difficile de l’éviter : le sucre est caché dans de très nombreux produits industriels sous des noms compliqués (saccharose, amidon, dextrine, isoglucose, entre autres), pour donner de la texture, de la douceur, et pour nous pousser à la consommation ! Plus nous délaissons nos cuisines pour laisser aux autres le soin de nous nourrir, plus nous sommes accros au sucre et en mauvaise santé.
La notion d’index glycémique est importante elle aussi : lorsque nous consommons des produits raffinés (pain, pâtes, riz blancs) nous ingérons beaucoup de sucre, sans même nous en rendre compte. Ces glucides, même s’ils ne sont pas sucrés au goût, se transforment en sucre dans l’organisme et engendrent une forte montée de la glycémie. Nous consommons donc beaucoup trop de glucides.
Pourtant, nous avons besoin de sucre. Notre cerveau carbure au glucose : il en consomme cinq grammes à l’heure. Sans glucose, nos muscles ne pourraient pas se contracter. Alors, à l’âge du chasseur-cueilleur, lorsque les glucides étaient rares et que nous trouvions des baies sucrées, notre cerveau nous récompensait avec de la dopamine, neuromédiateur du plaisir. Aujourd’hui nous continuons à fonctionner ainsi malgré la surabondance de sucre.
J’ai reçu en consultation de naturopathie des personnes qui étaient déprimées après avoir essayé de diminuer le sucre... qu'elles reprenaient dans les quantités habituelles afin de soulager les montagnes russes de leurs émotions. Car le sucre est une béquille émotionnelle comme une autre : si on l'enlève sans la remplacer par autre chose, on tombe. Les blessures émotionnelles sont une des raisons pour lesquelles nous avons tant besoin de sucre dans nos vies, surtout lorsque ces blessures datent de l’enfance. Alors sucre et réconfort deviennent intimement liés et il faut plus que la simple volonté pour diminuer sa consommation de sucre : il faut guérir ses blessures.
En tant que femmes, nous sommes plus sujettes à l’addiction au sucre. Les hommes aussi peuvent être accros, bien sûr, mais nous avons une raison supplémentaire de l’être : notre cycle menstruel. Peut-être avez-vous déjà remarqué que les envies de sucre (et de manger en général) ne sont pas les mêmes en fonction des périodes de votre cycle ? En général, les envies sont plus fortes au moment de la période prémenstruelle et menstruelle. Les femmes les plus touchées sont celles qui sont sujettes au syndrome prémenstruel. Les fortes fluctuations hormonales en deuxième partie de cycle entraînent la perturbation de la sérotonine et de la dopamine, engendrant alors des troubles de l’humeur et plus d’envies de sucre. Les femmes ménopausées connaissent les mêmes perturbations et deviennent souvent accros au sucre, même lorsqu’elles n’étaient pas particulièrement des "becs sucrés" auparavant.
Retrouvez l'actualité de Marion Thelliez sur son site de naturopathie.Je me libère du sucre, le livre de Marion Thelliez aux éditions Eyrolles