« Je suis ce que je suis » est un mouvement. Je ne suis pas ce que je suis une fois pour toutes. On ne peut pas faire un arrêt sur image de « ce que je suis ». Faire des selfies toute la journée et les poster sur Facebook et Instagram ne permettra jamais de construire un sens de soi fort.
Attendre des likes sur la toile est semblable aux enfants qui répètent inlassablement : «Regarde, papa (ou maman), t’as vu? » Comme si nous attendions une reconnaissance (une existence ?) de qui nous sommes via les réseaux !
Nous nous efforçons de créer une image de nous parfaite, comme si elle constituait la preuve, à nos propres yeux, que nous nous sommes « réalisés ». Miroir aux alouettes : cette démarche et le but qu’elle semble nous fixer ne font que nous détourner d’une réelle exploration intérieure. Se découvrir, devenir qui l’on est est une quête qui ne finit pas.
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En parallèle de ce monde de l’image, on nous a tellement dit que s’occuper de soi est égoïste que nous sommes comme des coquilles vides. Retrouvons Fabrice Midal qui, dans son livre Sauvez votre peau ! Devenez narcissique, explique très bien qu’en réalité nous avons tous une immense faille narcissique et que nous prenons pour réel ce qui n’est qu’une image. Nous prenons, en général, pour argent comptant l’image que l’on nous renvoie de nous-mêmes : à tort ou à raison, nous nous identifions à elle, qu’elle soit valorisante ou non. Mais être fasciné par une image (même la sienne), ce n’est pas s’occuper trop de soi. Ce serait même plutôt l’inverse ! « Faire attention à son image ce n’est pas du tout s’occuper de soi, c’est au contraire se manquer, se méprendre sur soi-même. S’occuper de soi, se tourner vers soi, c’est au contraire oser se rencontrer vraiment. C’est un acte de réconciliation. »
Le philosophe poursuit en exposant les dangers du « monde de l’image » dans lequel nous vivons. Dans la multiplication des images de soi, c’est par l’extérieur que nous cherchons à être définis. Cela conduit à une grande confusion, dans laquelle n’est établie nulle séparation claire entre moi et le reste. Le processus d’individuation est entravé, voire freiné : nous sommes « en carence de soi ». Or, sans séparation, sans distance, on ne peut s’ouvrir à l’autre ; on ne peut rien lui offrir sans savoir qui l’on est : nous sommes « en carence de lien ».
Pour renouer avec l’autre, il s’agit donc d’abord de se retrouver ou de se chercher soi-même. Au lieu de laisser notre regard errer, hypnotisés, à la surface d’images éphémères et changeantes, nous devons le tourner vers nous-mêmes, vers l’intérieur, afin d’y découvrir qui nous sommes vraiment et la source de notre beauté. Nous en revenons au fait que le terreau de notre puissance est au cœur de notre intériorité, comme nous l’avons vu précédemment.
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Se différencier, oui ; s’enfermer dans notre matrice, dans l’identique, non. Tout l’enjeu est d’apprendre à danser avec les polarités opposées et faire du « ET » au lieu du « OU ». Je ne peux rien ouvrir, si je ne connais pas mes contours. Il est donc d’abord impératif de se différencier pour se connaître dans son unicité, non pas pour y rester, mais au contraire pour ouvrir et se laisser transformer. C’est l’un puis l’autre, l’un ET l’autre, sinon c’est la guerre de « celui qui a la plus grosse » ou l’oubli total de soi.
Notre experte
Cet extrait est tiré du livre Clivages hommes/femmes, ça suffit ! d'Anne Benassouli, paru aux Editions Véga.