**** DERNIERE MINUTE : à quelques semaines du début des prochaines Journées du Pardon, le programme s'enrichit de la venue de Phakyab Rinpoché et de sa biographe et traductrice Sophie Stril-Rever, également biographe du Dalaï-Lama. Abbé du monastère d'Ashi au Tibet Oriental, Phakyab Rinpoché est emprisonné par les chinois en 2000. Malgré les mauvais traitements et la torture qu'il subit, il parvient à s'évader et se réfugier à New-York en 2003. Pressenti pour une amputation de sa jambe gangrénée, il est invité par le Dalaï-Lama à chercher sa propre méthode de guérison. Il participe aujourd'hui à des protocoles internationaux sur les bienfaits thérapeutiques de la méditation. Il publie en octobre 2014 le récit de son incroyable parcours aux éditions du Cherche-Midi : "La méditation m'a sauvée".
>> Le programme complet en PDF : les Journées du Pardon, du 30 octobre au 2 novembre 2014 au Val de Consolation (25).
FemininBio : Comment vous est venue l’idée de ces journées ? Pourquoi organiser un tel événement ?
Olivier Clerc : En 1999, j'ai vécu avec don Miguel Ruiz au Mexique une expérience de pardon qui a changé ma vie. J'en ai fait un livre 10 ans plus tard, et j'en ai tiré un rituel du même nom – le Don du Pardon - à vivre en groupe, rituel que je partage depuis 4 ans dans de nombreux pays, et que propagent à leur tour les Cercles de Pardon que j'ai initiés voici un an pour répondre à la demande croissante. A l'heure où je vous parle, il y en a 30 d'actifs.
En matière de pardon, j'estime qu'il n'y a pas de panacée. L'idée des Journées du Pardon était donc d'organiser un grand événement où proposer tout un éventail d'approches du pardon qui puissent convenir à différentes personnes, à différents moments de leur vie. Un menu dégustation, en quelque sorte, où chacun puisse trouver ce qui lui convient et l'approfondir ensuite.
Quelle(s) forme(s) prennent ces journées ?
O.C. : Les Journées du Pardon durent 4 jours, autour de la Toussaint. Elles comprennent des conférences plénières, qui réunissent les 200 personnes qu'on peut accueillir au maximum. Nos intervenants proposent aussi des ateliers en plus petits groupes qui permettent aux participants de découvrir concrètement telle ou telle approche du pardon. Il y aura aussi 3 grandes cérémonies qui réuniront tout le monde pour des temps très forts. Enfin, il y a aussi des moments de musique et de détente, des films, etc.
Notre première édition en 2012 a connu un gros succès : nous avons fait le plein et les gens nous ont demandé de renouveler l'événement. L'an dernier, c'était Findhorn qui organisait un congrès autour du pardon, et cette année nous avons décidé de recommencer, dans cet écrin idéal qu'est le Val de Consolation (!), dans le Doubs, que dirige Alain Michel, avec l'association Artisans de Paix.
Le pardon est-il un passage obligé de toute existence ?
O.C. : Je dis souvent que le pardon est la guérison des blessures du coeur. La cicatrisation. Donc, oui, le pardon me semble un passage obligé pour qui veut vivre avec un coeur libre de blessures, pour qui veut pouvoir à nouveau aimer librement, après avoir connu des souffrances, voire des traumatismes. Tel que je l'enseigne, le pardon vise à guérir son coeur : c'est d'abord pour soi qu'on avance sur ce chemin. Mais pour avancer librement, il faut notamment éliminer ces divers obstacles sur ce chemin que sont les notions eronnées que nous avons à ce sujet.
Certains croient que pardonner, c'est cautionner ce qu'a fait l'autre ou l'excuser ; que pardonner, c'est nécessairement se réconcilier ; que pardonner, c'est oublier, etc. Tant d'idées fausses ! En réalité, on peut faire oeuvre de pardon… et déposer plainte au commissariat, traîner l'autre en justice. Mais sans haine. Le pardon, c'est pour guérir mon coeur. Mais j'ai aussi une tête qui doit faire preuve de discernement et m'indiquer quelle attitude juste adopter face à chacun, en ayant le coeur en paix. C'est difficile de développer tout cela en quelques lignes, car le sujet est finalement plus profond qu'il n'y paraît. Disons pour faire simple qu'on peut à la fois faire oeuvre de guérison (le pardon) et de prévention de nouvelles blessures (le discernement).
Pourquoi est-il essentiel ?
O.C. : Parce que guérir est essentiel ! Parce qu'à défaut de pardon, on vit dans le passé, on souffre, on reste dans une posture de victime. Parce que le ressentiment est un lien toxique. Parce que la rancune et la haine sont des poisons relationnels qui pourrissent notre vie à l'échelon individuel et collectif. Je dis aussi parfois que le pardon est la résurrection de l'amour : quelque chose était mort en nous, suite à un drame, un traumatisme, un événement douloureux, insoutenable ; et soudain, lorsque le pardon arrive, l'amour renaît de ses cendres, plus fort qu'avant.
Il faut lire les centaines témoignages de l'exposition "The F… Word", du Forgiveness Project à Londres, dont nous avons traduit une douzaine pour les premières Journées du Pardon : tous ces gens qui ont vécu l'indicible, parfois l'horreur, expliquent pourquoi et comment ils ont un jour fait le choix du pardon, et leurs témoignages sont bouleversants et inspirants.
Que propose l’Association Artisans de Paix avec qui vous organisez ces journées ? Est-elle rattachée à une pratique religieuse ?
O.C. : L'association Artisans de Paix, que dirige Alain Michel – que beaucoup connaissent via l'ONG Equilibres qu'il a dirigée durant 15 ans, par les colloques Imams-Rabbins qu'il a organisés avec la Fondation Hommes de Parole, ou par ses interventions au Forum de Terre du Ciel - a pour but de promouvoir la paix intérieure et la paix entre les hommes, et de sauvegarder le patrimoine architectural et naturel du Val de Consolation. Elle vise à transmettre des outils dʼobservation, de discernement et dʼaction permettant à chacun de vivre en conscience de soi, de lʼautre et de lʼenvironnement. Elle n'est rattachée à aucune religion, tout en étant ouverte à toutes : Shri Tathâta y est venu, le cheikh Khaled Bentounès aussi, Jean-Yves Leloup également, pour donner une idée de la diversité.
Parmi les intervenants, des personnes ayant vécu des drames terribles. Pourquoi ont-ils accepté de témoigner ?
O.C. : Parce que ce qu'ils ont vécu a changé à jamais leur vie, et a souvent impacté positivement celle de dizaines de milliers d'autres personnes. Ginn Fourie, par exemple, a perdu sa fille dans un attentat à Johannesburg. Un film bouleversant raconte comment elle a retrouvé la trace quelques années plus tard du Noir qui avait commandité cet attentat, en riposte aux exactions du gouvernement sud-africain de l'époque (pro-apartheid) contre les siens. Le chemin de compréhension et de pardon qu'ils ont parcouru ensemble a conduit à la création de la Foundation Lyndi Fourrie (du nom de sa fille), qui promeut le pardon et la réconcilation dans le monde entier. C'est bouleversant !
Nous aurons aussi Robi, Israélienne, et Bassam, Palestinien, qui ont chacun perdus un enfant dans le conflit israélo-palestinien et oeuvrent ensemble dans l'association Parent's Circle à faire cesser ce conflit qui endeuille tant de parents. Leur travail est extraordinaire et inspirant.
Peut-on tout pardonner ?
O.C. : C'est la grande question ! Mais avant d'y répondre, il faut déjà faire la distinction entre l'acte et celui ou celle qui le commet. Le pardon s'adresse à l'individu, pas à l'acte. Certains actes sont abominables, inacceptables. Mais doit-on pour autant réduire celui qui l'a commis à son geste ? Là encore, le discernement joue un rôle crucial pour cheminer vers le pardon. Paradoxalement, pour ma part, je n'enseigne pas aux gens à pardonner, mais à demander pardon.
L'objectif de l'approche que je transmets est de libérer notre coeur du jugement et de la haine, car c'est nous qu'ils détruisent. Le Don du Pardon, comme je l'appelle, n'a pas pour vocation première de pardonner l'autre, mais de se guérir soi-même de la haine, du ressentiment, de la rancune et l'envie de vengeance. La focale n'est plus l'autre, les autres : c'est soi. Se guérir. La magie, c'est que cette libération transforme du même coup le rapport à l'autre, évidemment, mais en passant par un biais inattendu. Donc, la vraie question, pour moi, ce n'est pas "Peut-on tout pardonner ?" mais "Est-ce que je peux guérir mon coeur ?". Et la réponse est résolument : oui !
Tarifs et inscriptions Journées du Pardon 2014
30 octobre – 2 novembre 2014
Au Val de Consolation (25)