Ghazal est une jeune actrice Iranienne de 21 ans. Passionnée par ses études de comédienne, elle rêve un jour de devenir une grande actrice. Je l’ai rencontré dans un café à Téhéran où pour la première fois en Iran je voyais une femme avec le voile complètement tombé. Beaucoup d’entre elles manifestaient la pénibilité de porter cet accessoire contraint, mais aucune « n’osait ». « Ne t’en fait pas » m’a-t-elle dit quand elle perçu mon regard mêlé d’inquiétude et de surprise. Je savais en effet à quelles représailles elle s’exposait. Elle m’a ensuite beaucoup questionné sur les écoles de théâtre en France et en Europe, et sur comment y entrer. Espérons la revoir prochainement sur nos écrans !
>> Découvrez le portrait de Cyril Bruyelle, initiateur du projet 20 questions to the World
Qu’est-ce que vous vouliez faire quand vous étiez enfant ?
Quand j’étais enfant, ma mère voulait que je devienne médecin. C’est pour cela que j’ai toujours voulu être docteur, une gynécologue. J’aimais aussi beaucoup la comédie mais cela ne plaisait pas à ma famille. Ils ont toujours voulu que je sois docteur ou potentiellement ingénieur, même si médecin c’était mieux. Ils avaient l’habitude de me dire :« médecine tu l’as dans le sang ». Quand j’ai grandi, j’ai réalisé que ce n’était pas ce que je voulais faire et j’ai décidé de suivre mes rêves.
Avez qui aimeriez-vous boire un café ?
Al Pacino je pense. Parce qu’il est l’un de mes idoles et un acteur formidable. J’aimerais qu’il me parle de sa vie, de ses expériences, qu’on discute.
Si vous pouviez faire enseigner quelque chose dans toutes les écoles du monde, qu’est-ce que ce serait ?
Ce que l’on n’apprend pas aux élèves iraniens, est qu’il faut suivre ses rêves, faire ce que l’on aime, les choses pour lesquelles on est bon. Nous apprenons juste aux enfants les manières les plus « normales » de vivre. Si j’ai un enfant, je lui dirais de trouver en quoi elle/il est bon et d’être heureux. Nous vivons qu’une fois, et être heureux est le but de la vie. Nous devons trouver une manière d’être heureux. J’aime beaucoup dire aux enfants ou aux gens que je croise : « Suivez vos rêves, faites ce que vous aimez ! ».
Quelle est pour vous la principale caractéristique commune à l’être humain ?
Il m’est arrivé des évènements malheureux. Il y a deux jours j’ai perdu ma cousine qui était comme une sœur pour moi. Elle est morte en Allemagne. Cela prend 10 jours de rapatrier le corps en Iran. Nous avions décidé de ne pas l’annoncer à sa mère car elle est malade et aurait trop souffert durant l’attente du corps de sa fille. Il s’avère qu’elle l’a tout de même appris. Durant cette longue attente, j’étais présente avec elle, je lui donnais de l’eau, je la nourrissais...
Je me souviens encore très clairement qu’au moment même où elle a appris la mort, elle m’a demandé de lui préparer ses médicaments journaliers. Je me suis dis dans un moment si difficile, dans un si grand deuil elle reste concernée par sa propre santé, elle pensait à prendre ses médicaments, elle avait la volonté de vivre. L’humain a la volonté de vivre, d’être immortel. Un artiste fait de l’art pour devenir immortel, de manière à ce que dans des centaines d’années on se souvienne de lui. De mon point de vue, tout le monde a la volonté de vivre et d’être immortel.
Selon vous, quelle est la personne la plus heureuse du monde ?
Je pense que personne n’est vraiment heureux. Tout dépend de comment on arrive à faire semblant. Tout le monde pense que je suis heureuse et joyeuse mais en réalité c’est faux. La personne la plus heureuse que je connaisse c’est moi, car je sais faire semblant le mieux ! Personne n’est toujours heureux. Mais si je devais nommer quelqu’un d’autre je dirais mon père, parce que c’est la personne la plus gentille que je connaisse.
Si vous étiez président des Etats-Unis, quelle serait votre première réforme ?
Premièrement j’améliorerais les relations avec l’Iran. Parce qu’aujourd’hui les mauvaises relations ont été sources de nombreux problèmes pour nous. Il y a eu beaucoup de sanctions ; et le peuple iranien a beaucoup souffert, y compris mon père qui tient un commerce. Les gens ont dû gérer les sanctions, l’augmentation du coût de la vie en Iran, ainsi que le mal qui a été fait. Beaucoup d’entreprises ont fermé. La première chose que je ferais, car je suis iranienne après tout, c’est améliorer les relations avec l’Iran.
De quoi avez-vous besoin ?
De bonheur.
Que feriez-vous si l’on vous donnait maintenant 1 million de dollars ?
Je dépenserais la moitié en charité, contre le travail des enfants en Iran, car ça me touche vraiment de voir des enfants aussi jeunes que 4 ou 5 ans vendre des fleurs ou d’autres produits dans la rue. Et l’autre moitié je l’utiliserais pour voyager et me faire plaisir.
Quelle innovation, réaliste ou non, faciliterait grandement votre quotidien ?
J’inventerais quelque chose qui aiderait les gens à se téléporter. Quand une personne te manque, même si elle est à l’autre bout de la planète, tu pourrais aller la retrouver en quelques secondes pour lui faire un câlin et revenir.
Quelles sont les informations qui vous touchent le plus dans votre pays et pourquoi ?
La chose catastrophique qui a eu lieu cette année dans mon pays est l’incendie du bâtimentPlasco. L’immeuble s’est effondré alors que les pompiers étaient encore à l’intérieur en train d’éteindre le feu. Je connaissais un de ces pompiers, il lui restait moins d’un mois avant qu’il puisse partir en retraite. Il avait une fille de 4 ou 5 ans. J’étais dévastée quand j’ai appris qu’il était mort sous les décombres. De manière générale, je crois que cet accident a touché et marqué les gens.
Avez-vous la sensation que votre vie est plus simple ou plus difficile que celle de vos parents ?
Ma vie est plus compliquée que celle de mes parents car ils sont nés pendant une période plus simple au moins pour mon pays. Au temps de ma mère, les filles se mariaient et créaient une famille beaucoup plus jeune. Les hommes allaient travailler pour soutenir leurs familles. Mais maintenant quand je regarde ma vie ou celle de mes amis, je réalise que la vie n’est plus simplement être marié, avoir des enfants et mourir. La vie c’est poursuivre ce que tu veux, tes rêves et laisser une trace avant de mourir pour ajouter quelque chose à ce monde.
Si vous deviez créer une entreprise, ce serait quoi ?
Je créerais des cours pour éduquer les gens sur comment vivre une meilleure vie, comment atteindre leursrêves, comment être heureux, comment être de bons parents, de bons enfants, etc…
Pouvez vous dessinez quelque chose de beau ?
C’est un vase avec des roses dedans, quelques-unes sont tombées. J’ai appris à dessiner à l’école primaire, c’est ma professeur d’art qui m’a appris à dessiner ce vase. Dès que je m’ennuie, je dessine ça je ne sais pas pourquoi. Toujours un vase avec des roses.
De quoi avez-vous peur ?
J’ai peur de la mort. La mort d’un des membres de ma famille, spécialement mon père. Dès que j’y pense, j’ai les larmes aux yeux, ce qui n’est pas normal du tout. C’est subconscient, je ne peux pas l’empêcher. J’ai aussi peur de ma propre mort, énormément. J’ai peur de mourir à chaque instant avant d’avoir accompli mes rêves et n’ayant pas fini certains travaux.
Quel est votre rêve ?
Devenir une actrice.
Fermez les yeux, vous êtes en 2100, que voyez-vous ?
Tout est plus ou moins développé, les humains interagissent de moins en moins. Je pense que moins d’amour sera ressenti dans les prochaines décennies. Tout devient de plus en plus robotisé, bien plus que ce que l’on connaît aujourd’hui. Tout le monde est sur son téléphone ou utilise des nouveaux gadgets inventés d’ici là.
Il y a de moins en moins d’interaction humaine, les amitiés ne veulent plus dire grand chose, les oncles et tantes ne feront plus partie du paysage familiale, les gens seront de plus en plus seuls je pense.
Quelle est la plus belle chose que vous ayez vue dans votre vie ?
Quand j’ai sauté du plus haut saut à l’élastique du monde. J’étais la tête à l’envers donc j’ai pu voir la rivière et la vallée verte sous mes pieds d’un point de vue totalement différent, ce qui était magnifique. C’est ça la chose la plus belle que j’ai vue.
Si vous deviez écrire un livre sur le monde d’aujourd’hui, quel titre lui donneriez-vous ?
« C’est joli »
Qu’est-ce que représente la religion pour vous ?
Je suis née dans un pays avec beaucoup de personnes religieuses et même des fanatiques. Beaucoup des préceptes religieux nous ont été transmis pendant notre enfance. On m’a dit que cette religion était la plus complète et que tu n’as pas le droit de te convertir à une autre religion où tu seras exécuté. De mon point de vue, ils ont tué la curiosité qui était en nous, nous ne sommes pas autorisés à investiguer notre propre religion. Personnellement, en tant que jeune femme musulmane, je n’ai pas beaucoup étudié ma religion. Quand j’ai voyagé et rencontré des gens de différentes religions, j’ai réalisé qu’en générale la religion est dénuée de sens et est même absurde. Il y a seulement une seule religion et c’est l’humanité. Nous devrions apprendre à être humains. Si tout le monde avait appris l’humanité depuis le début de l’histoire de l’homme, il n’y aurait pas eu besoin de religion ou de tant de cultes différents qui ont causé tant de guerre, de morts. De mon point de vue, la seule religion c’est l’humanité, l’habilité d’être une bonne personne, de s’aider les uns les autres, d’ajouter quelque chose de beau dans ce monde avant de mourir. C’est tout.
Quelle est la spécificité culturelle iranienne qui vous rend le plus fier ?
Nous sommes très accueillants. Il y a des gens merveilleux ici, tellement gentils que parfois c’est difficile de croire que l’on ne peut pas trouver autant de gentillesse ailleurs sur terre. Cela vient de nos ancêtres, de notre passé et je pense que c’est cet aspect qui est le plus intéressant de notre culture.
Si vous pouviez faire n’importe quel métier, sans rapport à l’argent, que feriez-vous ?
Actrice.
Si vous deviez décrire notre planète à un extraterrestre, que lui diriez-vous ?
L’air est très pollué, nous ne pouvons pas respirer, ne venez pas ici.
Et vous, quelle question aimeriez-vous poser au monde entier ?
"Qu’est ce que la beauté ?"
Je pense que la beauté est quelque chose qui a été crée par Dieu et chaque fois que nous, humains, provoquons des changements, nous lui enlevons sa beauté, que ce soit un visage, un corps, la nature n’importe quoi.
Je m'abonne au bimestriel FemininBio magazine en version papier, ou en version pdf à partir de 15€ par an