Dans son numéro de juin 2018, le magazine 60 millions de consommateurs alerte sur le potentiel polluant et allergisant de certains désodorisants à base d’huiles essentielles (HE). Ces sprays industriels généralement composés d’un mélange d’HE diffusent des Composés Organiques Volatiles (COV) finalement plus susceptibles d’irriter nos voies respiratoires que de dépolluer l’air intérieur comme ils le promettent.
A condition de les utiliser avec précaution, les huiles essentielles ont cependant des vertus certaines pour la qualité de l’air et pour notre bien-être. Le point en 6 questions avec un expert en la matière, Philippe Banel.
De quelle manière la diffusion d’huiles essentielles peut agir sur notre santé ?
En aromathérapie, on utilise l’olfaction pour agir sur l’humeur et prendre soin de la sphère psycho-émotionnelle. Quand on respire une ou plusieurs huiles, par l’action du nerf olfactif, on informe directement le cerveau limbique, on passe au-delà de l’intellect pour s’adresser au réservoir émotionnel. On déclenche alors une réaction : on apaise une angoisse, on installe une détente qui se propage dans tout le corps…
Quelle est la meilleure manière de diffuser les huiles essentielles ?
Il y a deux procédés. Le meilleur est la voie sèche, aussi appelée nébulisation. Les huiles sont déposées dans un diffuseur, généralement doté d’une jolie verrerie, et son fractionnées en micro-particules qui vont s’épanouir dans l’air. Si l’on utilise les HE dans un but thérapeutique, pour désinfecter une pièce par exemple, c’est le moyen le plus performant.
Le second type de diffuseur fonctionne également à ultra-son mais on lui ajoute de l’eau : il dégagera de la vapeur d’eau chargée de molécules aromatiques. Ce type de diffusion est plus doux. On est moins dans le thérapeutique que dans la recherche d’une diffusion plaisir, dans le cocooning.
Dans les deux cas, on n’utilise jamais plus de 30 gouttes d’HE par séquence de diffusion, qui ne doit pas durer plus de 15 minutes par séquence de 2 heures. Au-delà, la pièce sera saturée de molécules aromatiques. Ce n’est pas dangereux en soi, mais cela peut entraîner des nausées et des maux de tête.
Quelles sont les précautions à prendre lorsque l’on souhaite diffuser des huiles essentielles chez soi ?
Il est d’abord fondamental de ne pas chauffer les huiles. Non seulement elles perdent leurs vertus mais la chaleur peut avoir une action délétère sur les molécules. C’est quand ces composés volatiles sont chauffés qu’ils peuvent présenter un danger.
Deuxième règle incontournable : on ne diffuse en aucun cas en présence d’enfants, de femmes enceintes ou allaitantes, ou de personnes qui ont des pathologies respiratoires (et notamment de l’asthme).
On ne diffuse jamais non plus durant le sommeil, au risque de le perturber. Si l’on souhaite diffuser une huile désinfectante ou apaisante dans une chambre, on arrête la diffusion 30 minutes avant de se coucher.
Enfin dernière grande règle : on ne diffuse jamais dans l’atmosphère des huiles irritantes. Toutes celle qui piquent lorsqu’on les respire ou lorsqu’on les dépose sur la peau ne doivent pas être utilisées. Je pense notamment à la cannelle et à la menthe poivrée, cette dernière étant neurotoxique. Si ces huiles sont présentes dans des préparations toutes faites, on peut y aller car ce sera en très petite quantité.
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Pouvez-vous citer quelques synergies d’HE pour nos envies et besoins les plus courants ?
En cette saison, on appréciera sans doute un mélange qui repousse les moustiques. L’idéal : eucalyptus citronné + géranium (bourbon ou égyptien, mais ce dernier est plus facile à trouver et moins cher). On verse 15 gouttes de chaque huile dans le diffuseur dont se dégagera une odeur citronnée, florale. Bon à savoir : les moustiques n’aiment quoi qu’il arrive aucune huile essentielle…
Si l’on cherche une diffusion calmante, pour la chambre par exemple, on pense à la lavande fine. Une huile cependant chère que l’on peut avantageusement remplacer par le lavandin super que l’on associera au Petit Grain Bigarade. Ils vont très bien ensemble.
Si vous vous apprêtez à recevoir des amis et voulez répandre un parfum accueillant dans votre maison, pensez aux huiles essentielles d'agrumes. On peut tous les mélanger : bergamote, orange sanguine, pamplemousse rosé, citron mandarine, clémentine… On mélange à sa guise, jusqu’à trois huiles maximum, pour obtenir jusqu’à 30 gouttes. Attention, les agrumes ont l’inconvénient de salir les verreries des diffuseurs car contrairement aux autres huiles, ils ne sont pas obtenus par distillation mais en pressant l’écorce.
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Lorsque vient la saison froide, on pense bien sûr à la grande huile de l’hiver, le Ravinstara. C’est un excellent désinfectant des pièces, que l’on peut mélanger à l’eucalyptus radié (attention à ne pas le confondre avec l’eucalyptus globulus - dont la fragrance est particulièrement lourde). N’hésitez pas à ajouter quelques goutte d’HE de citron, puissant désinfectant. Rappelons au passage une règle de base : on ne diffuse pas en présence d’une personne déjà atteinte d’une affection ORL car les mollécules diffusées pourraient accentuer une irritation.
Faut-il impérativement choisir des huiles essentielles biologiques ?
Absolument ! Car contrairement aux idées reçues, la distillation ne supprime pas les pesticides. Et l’on diffuserait donc ces pesticides. Cependant, tous les types d’huiles n’existent pas en bio. On peut en revanche miser sur les plantes en provenance de Madagascar, où les pesticides ne sont pas utilisés dans la culture des plantes. Toutes les HE d'agrumes doivent être choisies bio.
Un autre conseil pour bien choisir les huiles essentielles à diffuser chez soi ?
Avant de choisir une huile pour la diffuser chez soi, il faut la sentir au flacon. Si on ne l’apprécie pas, il ne faut pas se forcer, même s’il s’agit de désinfecter une pièce.
Philippe Banel est aromatologue à Paris et consulte sur rendez-vous.