Contrairement à ce qu'affirment les autorités sanitaires, les médicaments génériques ne sont pas des médicaments comme les autres. Début avril 2013, le Dr Sauveur Boukris publiait son livre "Médicaments génériques : la grande arnaque". Aujourd'hui, une enquête a été ouverte à Toulon après la mort d'un patient sous Furosémide, le diurétique des laboratoires Teva.
Comment s'y retrouver ? Faut-il systématiquement refuser les génériques ? Nous avons interrogé le Dr Sauveur Boukris.
Qu'est-ce qu'un médicament générique ? Quelles sont les différentes sortes de génériques ?
Selon la définition économique et juridique, un médicament générique est un médicament dont la molécule originale est tombée dans le domaine public et existe depuis 20 ans. De plus, ce médicament générique est moins cher de 40 à 50 % par rapport à la molécule originale. En ce qui concerne la définition médicale, un médicament générique est un médicament qui doit avoir les mêmes propriétés pharmacologiques et cliniques que la molécule originale.
II existe 3 types de génériques :
- Auto générique : médicament qui sont les vraies copies des molécules originales avec les mêmes principes actifs (efficacité du médicament) et excipients (forme, couleur, goût).
- Générique similaire : même principe actif avec des excipients différents.
- Générique assimilable : principe actif différent, forme galénique différente (gélule, comprimé sec, effervescent) et des excipients différents.
Mais il est quasiment impossible de savoir à quel type de générique vous avez à faire. Ni le médecin, ni le malade, ni les pharmaciens ne savent s’il s’agit d’un générique assimilable, similaire ou d’un auto générique. Seul le fabriquant le sait mais ne l’indique pas sur les boîtes.
Quels sont les risques de prendre un médicament générique, par rapport au médicament d'origine ?
Tout d’abord, les médicaments génériques ont des biodisponibilités (concentration du médicament dans l’organisme) qui peuvent varier de -20 à +20% par rapport à la molécule originale. Cette marge de tolérance a été acceptée et validée par la Commission européenne. Mais cette biodisponibilité ne veut pas dire qu’il y a une bioéquivalence thérapeutique. Les patients n’auront pas forcément le même ressenti clinique.
De plus, on prescrit des médicaments qui n’ont pas toujours la même diffusion et le même métabolisme, ce qui procure une incidence clinique. Un antibiotique peut guérir en 2 jours contre 6 jours pour un générique en raison de sa concentration plus faible.
Certains médicaments génériques peuvent contenir des excipients à effets notoires comme des réactions allergiques. Dans les génériques, on retrouve beaucoup de bleu patenté ou du rouge cochenille, des colorants qui ne sont pas présents dans la molécule originale. Ces colorants peuvent être allergisants. Certains génériques possèdent aussi du lactose ou du lécithine de soja qui peuvent être moins bien tolérés sur le plan digestif. Les malades peuvent avoir des éruptions cutanées ou des démangeaisons.
Quel est le principal problème des génériques ?
Selon moi, les génériques ne sont pas des copies conformes des molécules originales et on peut noter des changements au sein même des génériques. Pour une molécule originale, il peut exister 15 génériques différents et différents entre eux. Un patient qui a l’habitude de prendre un générique particulier et qui le tolère, peut ne pas supporter le changement de générique et faire des réactions allergiques ou avoir un ressenti clinique différent.
La loi est-elle plus souple avec les génériques ?
La Commission européenne demande à ce qu’il y ait une promotion des médicaments génériques pour réduire le déficit de la sécurité sociale. Et pour faire cette promotion, la définition du générique a été élargie. On a facilité les procédures d’obtention de mise en circulation sur le marché (AMM). Pour obtenir une AMM de molécule originale, il faut réaliser des tests cliniques sur 1000 ou 2000 patients. A l’inverse, comme la molécule du médicament générique existe depuis 20 ans, on exige que des tests sur une dizaine de patients. Bien entendu, les fabricants de génériques se sont engouffrés dans cette faille juridique.
Finalement, à qui profite la politique obligeant les pharmaciens à prescrire un générique (sauf mention contraire du médecin) ?
Tout d’abord, la sécurité sociale car le médicament coûte 50 à 60% moins cher. La sécu fait donc des économies puisque les remboursements des patients sont moins importants, ce qui permet une réduction du déficit d’environ 1 milliard d’euro par an. Elle a signé des accords avec le syndicat des pharmaciens pour prescrire d’avantage de générique et a mis en place le dispositif : tiers payant contre génériques. C’est un dispositif parfaitement injuste qui touche au portefeuille des français et qui accentue les inégalités.
Le deuxième gagnant est bien évidemment le fabricant. Le pharmacien, qui a le devoir de substituer le médicament original par un générique assure ainsi sa promotion. C’est ainsi que TEVA est devenu le leader mondial des génériques. La marque ne fait aucune recherche et se contente d’une activé commerciale.
Et enfin, le pharmacien. Il bénéficie d’avantages commerciaux qui lui sont donnés par le fabricant de génériques avec lequel il a des accords commerciaux. Si il obtient 85% de substitution, il touche une prime de 3000 € par an et par pharmacie. Il y a donc des incitations financières à la prescription de génériques.
Mais le grand perdant de cette histoire est le malade qui subit. Il y a parfois tromperie car certains génériques coûtent plus chers que les originaux.
Selon moi, le médicament générique est une arnaque, une escroquerie intellectuelle et une tromperie économique. Le seul moyen d’échapper au pharmacien est de demander au médecin d’écrire en toutes lettres sur l’ordonnance : non substituable à côté de chaque médicament.
Le système est verrouillé de telle sorte que l’on impose le générique à la méthode forceps, à la méthode bulldozer.
Quelles sont vos recommandations concernant les médicaments génériques ?
- Vous avez le droit de refuser les génériques contrairement à ce que disent les pharmaciens. Vous n’êtes obligés de rien mais vous payerez la différence.
- Ne surtout pas changer de marque de générique quand vous en avez trouvé un qui vous convient.
- Il n’y a pas de risque majeur à prendre des génériques si vous êtes jeune, en bonne santé et atteint de maladies bénignes de courte durée de type grippe, gastro…
- En revanche, les personnes âgées, poly-médicamentées, qui prennent des médicaments pendant 10 ou 20 ans, doivent toujours prendre le même médicament sans en changer.
Médecin généraliste à Paris, le Docteur Sauveur Boukris est l'auteur du livre "Médicaments génériques : la grande arnaque" aux éditions du Moment.
Par Capucine Jacob et Audrey Etner