Dans le magazine FemininBio #21, le Dr Béatrice Milbert expliquait qu'avec la maladie de Lyme, nous assistons désormais à une maladie de civilisation, voire une pandémie. Comme symptôme majeur, on identifie la fatigue, mais aussi le syndrôme grippal, des migraines etc. Reconnue par l’Europe comme pandémie grave, elle nécessite une prise en charge et un traitement spécifique.
FemininBio : Quand et comment avez-vous appris que vous étiez atteinte de la maladie de Lyme ?
Laura Arnal : Cinq ans après le démarrage de symptômes multiples, allant du désagréable au franchement invalidant, après une opération du cœur et une progressive incapacité à assurer notre quotidien familial, un médecin interniste de Cologne m’a diagnostiqué une maladie de Lyme.
Comment avez-vous accueilli ce diagnostic ? Vous aviez déjà entendu parler de cette maladie ?
Avec une joie immense. Ce diagnostic m’a apporté l’espoir – auquel je ne croyais plus – d’un traitement et surtout d’une probable guérison. J’avais bien entendu vaguement parler de Lyme, mais je l’associais aux animaux ou alors à des symptômes du type paralysie faciale…. Je dois reconnaitre que ni moi ni personne autour de moi n’avait fait le rapprochement entre mes cinq ans d’irrémédiable dégringolade, avec la maladie transmise par les tiques.
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Quels étaient les symptômes ? Persistent-ils aujourd'hui ?
Une quarantaine de symptômes se disputaient non seulement mon corps de la tête aux pieds, mais aussi ma mémoire ou encore mes facultés de concentration. Ils allaient et venaient, se succédaient, s’enchaînaient.
Un matin je me levais avec l’épiderme sensible au point de ne pouvoir supporter le baiser d’un de mes enfants, le lendemain c’était une atroce douleur au mollet qui me clouait chez moi au mieux, mais pouvait aussi me visser à une chaise roulante. Le tout sur fond de brouillard permanent, de fatigue comme celle dont vous accable la plus coriace des grippes, et de maux de têtes insupportables. Je sais que certains de ces symptômes guettent toujours une faille de mon système immunitaire pour refaire leur apparition mais un traitement adapté et une hygiène de vie très stricte sont mes armes pour leur barrer la route.
Le diagnostic s'est-il révélé rapidement ou les médecins ont-ils mis du temps à trouver l'origine de vos maux ?
J’ai vu 69 médecins et spécialistes et ils sont tous passés à côté laissant à la maladie tout le loisir de s’installer et de se développer. En Europe, on ne cherche pas souvent plus loin que le diagnostic révélé par les tests sanguins, et les miens étaient effectivement parfaitement négatifs. De plus, la plupart des symptômes de Lyme sont non spécifiques et peuvent être attribués à une toute autre pathologie. Enfin, une raison encore trop méconnue des médecins, c’est l’existence de co-infections qui achèvent de brouiller les pistes de diagnostic.
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À l’instar de Borrelia, ces co-infections sont transmises par les tiques et si elles ne sont pas traitées, elles constituent souvent une entrave aux traitements contre Lyme. Dans mon cas, ce sont ces infections périphériques en particulier, qui verrouillaient le passage vers la voie de la guérison.
Prenez-vous un traitement ? Vous aide t-il à aller mieux ? Existe t-il des alternatives naturelles pour vous soulager ?
Oui, je suis toujours en traitement mais il est régulièrement ajusté, équilibré, de sorte que j’ai bon espoir de progressivement m’en affranchir. Grâce à lui, à la phytothérapie et aussi à une hygiène de vie rigoureuse, je peux mener une vie normale. Chercheurs et malades fondent beaucoup d’espoir sur les thérapies naturelles pour combattre Lyme et j’y crois moi aussi, même si l’antibiothérapie reste à ce jour et a minima, le traitement officiel validé par les autorités de santé en France comme en Europe.
Depuis, votre vie a t-elle changé ?
Le traitement a d’abord été très éprouvant. Parmi les indices permettant de juger de son efficacité, il y a notamment les "Herx", une exacerbation des symptômes due à la toxicité du combat antibiotique/ borrélies. Je me suis souvent trouvée au bord d’un lâcher prise qui aurait pu s’avérer fatal, mais au fond, j’étais si décidée à régler son compte à la maladie que j’étais prête à tout supporter. Et puis il faut s’armer de patience pour enfin arriver à trouver le traitement qui marche.
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J’estime avoir aujourd’hui recouvré à 95% mes capacités, il faut des mois et des mois pour effacer le souvenir d’une maladie qui a pris le contrôle de votre vie pendant des années.
Comment ont réagi vos proches face à la maladie ?
Mon entourage s’est montré soulagé bien sûr, et perplexe aussi car la plupart des douleurs que je leur décrivais ne se voyaient pas et ne pouvaient pas non plus se mesurer. Certains jours, même eux pouvaient passer à côté de la lutte sans merci que mon corps livrait sans discontinuer. Mais ce sont eux qui m’ont permis de tenir. L’invisibilité est une caractéristique de cette maladie, elle commence même parfois dès la piqure qui passe souvent inaperçue. C’est l'une des difficultés majeures couramment évoquée par les malades.
Avez-vous un message à faire passer auprès du corps médical mais aussi de la population à propos de la maladie de Lyme ?
Malades, informez-vous, restez aux commandes et battez-vous. Lisez le livre aussi, il donne des clefs qui peuvent ouvrir vers des solutions non explorées, il croise les parcours d’autres malades, et donc une palette d’expériences face à cette maladie. Médecins, servez-vous des patients pour approfondir votre connaissance sur cette maladie obscure, faites-nous énumérer, décrire, évaluer nos symptômes puisque leur origine échappe aux méthodes traditionnelles de diagnostic. Chercheurs, des milliers de malades sont suspendus à la progression de vos études : croyez que leurs voix finiront par être écoutées par ceux qui ont le pouvoir de reconnaitre et de soutenir vos recherches.
Laura Arnal est consultante free-lance en management de projets franco-allemands et traductrice. Elle consacre une partie de son temps à l'information des personnes atteintes de Lyme. Elle a co-écrit J'ai surmonté la maladie de Lyme avec Charlotte Guttinger, paru aux éditions Odile Jacob.