Cet article a été publié dans le magazine #30 septembre-octobre 2020
>> Pour retrouver la liste des points de vente, c'est ici
Le gouvernement l'annonce comme un indéniable «progrès», ou encore une «révolution technologique» censée améliorer notre qualité de vie. Pourtant, la mise en place du réseau 5G interroge de plus en plus de citoyen·nes : est-elle nécessaire ? Est-elle souhaitable ? Quels risques présente ce réseau pour la santé et l'environnement ?
En une trentaine d'années, nous sommes passés du réseau de première génération (1G) à la deuxième, troisième puis quatrième génération (4G). Mais jamais l'arrivée d'un nouveau réseau n'avait suscité autant de remous. Même la Convention citoyenne pour le climat – ce groupe de 150 citoyen·nes tiré·es au sort pour faire des propositions sur la transition écologique – se montre plus que sceptique sur l'opportunité de développer la 5G. Parmi ses 149 propositions, l'une propose de «sortir de 'l’innovation pour l’innovation' (…). Par exemple, le passage de la 4G vers la 5G générerait plus de 30% de consommation d’énergie carbonée en plus, sans réelle utilité (pas de plus-value pour notre bien-être)». En plus des associations «historiques» qui luttent contre l'utilisation tous azimuts des technologies sans fil (Robin des toits, Priartem, Agir pour l'environnement…), de nombreux collectifs anti-5G se sont créés un peu partout sur le territoire. Alors, pourquoi une telle défiance ?
Des risques sanitaires
En réalité, les causes sont multiples. Pour certains, la principale raison de s'opposer à ce nouveau réseau est d'ordre sanitaire. Depuis l'avènement du portable, au tournant des années 2000, le «brouillard électromagnétique» n'a cessé de s'épaissir. Dans le même temps, de plus en plus de personnes affirment souffrir de ces ondes : insomnies, maux de tête, vertiges… Les cas les plus graves, les personnes électrohypersensibles, ne supportent plus d'être exposées à des champs électromagnétiques et sont donc contraintes de vivre dans des zones très reculées encore relativement épargnées par les ondes. La très officielle Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) estime que cette hypersensibilité pourrait concerner jusqu'à 5% de la population.
En outre, ces ondes pourraient également être cause de cancers. C'est ce que suggèrent certains chercheurs depuis de nombreuses années, et ce que semble confirmer certaines études. Le NTP – principale agence sanitaire des États-Unis –, notamment, a publié fin 2018 une étude réalisée sur 1200 rats, pour un budget de 25 millions de dollars. Celle-ci conclut sur «une preuve évidente d’un risque de cancérogénicité associé aux champs électromagnétiques radiofréquences».
Des antennes par milliers
Or la 5G augmenterait considérablement notre exposition aux champs électromagnétiques. Car il ne s'agit plus, avec ce réseau, de relier uniquement nos Smartphones : il a également été pensé pour connecter tous les objets du quotidien et constituer «l'Internet des objets». Selon une prévision de la Commission européenne, nous pourrions bientôt compter jusqu'à un million d'objets connectés au kilomètre carré ! Ce n'est pas tout : la 5G doit aussi faire fonctionner les drones (pour surveiller les populations ou livrer des colis) ou encore les voitures autonomes. Pour cela, il faudra pouvoir s'appuyer sur un réseau beaucoup plus puissant que ceux existants. La mise en place de la 5G se traduirait notamment par une multiplication des antennes: là où nous en comptons actuellement 8, il pourrait y en avoir jusqu'à 256 !
Avec quels effets sur la santé ? L'Anses reconnaît elle-même qu'elle ne dispose d'aucune étude sur la question et réclame donc que des recherches puissent être menées avant l'installation de cette technologie. Au niveau mondial, des médecins et des scientifiques issus de 204 pays ont lancé un appel pour demander «urgemment l’arrêt du déploiement du réseau 5G». Mais ni les uns ni les autres n'ont pour l'instant été entendus, en tout cas au niveau français : le gouvernement espère toujours lancer le déploiement avant la fin de l'année 2020, sans attendre de nouvelles études.
À contre-courant des préconisations environnementales
Si la 5G suscite une telle opposition, c'est aussi parce que les risques environnementaux qu'elle engendre ne se limitent pas à ses effets sur la santé publique. L'humain étant un animal comme un autre, signalons d'abord que c'est l'ensemble du règne animal qui serait soumis aux ondes de la 5G. Les végétaux, eux non plus, n'y sont pas insensibles : en 2008, une étude menée par le professeur Ledoigt a montré que les champs électromagnétiques suscitaient du «stress» chez les pieds de tomate, ces derniers se défendant de la même manière que s'ils subissaient une gelée ou une canicule.
À l'heure de la crise écologique, la 5G semble aller à contre-courant de toutes les préconisations environnementales. Un de ses premiers effets serait par exemple d'entraîner un renouvellement très rapide de la flotte de Smartphones, les utilisateurs étant incités à s'équiper d'un appareil compatible avec cette nouvelle technologie. Et comme l'objectif de la 5G est de nous faire basculer dans un monde ultraconnecté, nous serions, de la même manière, encouragés à nous équiper en frigos, radiateurs, voitures ou oreillers connectés! S'il aboutit, ce projet engendrerait ainsi de gigantesques quantités de déchets, ainsi qu'une forte extraction minière pour construire tous ces objets 5G-compatibles.
Plus vite, pour quoi faire ?
Or, face au péril écologique, la possibilité de pouvoir télécharger un film de deux heures en quelques secondes sur son téléphone portable paraît assez insignifiante. La lutte contre la 5G arrive peut-être à point nommé pour nous poser quelques bonnes questions: a-t-on vraiment besoin d'aller toujours plus vite ? En a-t-on envie ? Serons-nous plus heureux·ses lorsque tous nos objets seront reliés à Internet ? N'est-il pas temps de trouver des sources de bonheur qui ne passent pas par la consommation ? S'il a lieu, le débat sera passionnant.
En attendant, quelques gestes simples permettront de diminuer la pollution électromagnétique qui vous entoure. Lorsque vous êtes chez vous, privilégiez le téléphone filaire fixe au portable pour passer vos appels. Reliez votre ordinateur à votre box via un câble Ethernet pour éviter le Wi-Fi ou, au minimum, éteignez votre box la nuit ou quand vous vous reposez. Maintenez vos enfants le plus éloignés possible des téléphones portables et des objets connectés au Wi-Fi : ils sont encore plus sensibles que les adultes aux ondes électromagnétiques, notamment parce que leur boîte crânienne est moins épaisse que la leur.
Notre expert
Nicolas Bérard est journaliste au sein de L'âge de faire, mensuel indépendant. Après Sexy, Linky ? Son dernier ouvrage 5G mon amour est paru aux éditions le passager clandestin.