Après la sidération du confinement et l'euphorie d'une pseudo-reprise cet été, les premiers vents de la tempête économique qui nous attend commencent à peine à souffler. Baisse d'activité, annulation de l'embauche des jeunes, et potentielles vagues de licenciements attisent la peur de perdre son emploi. Celles et ceux qui en ont encore un voient déjà la pression productiviste redoubler, baignant dans un climat de défiance généralisé. Faire plus avec moins, pour maintenir les services de santé et d'éducation, pour sauver l'entreprise, pour sauver son job.
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Loin des idéaux caressés au printemps à propos d’un “monde d'après” qui serait plus égalitaire et plus vert, la crise qui se profile est bien en train de creuser un écart énorme entre une poignée de “gagnants” et une masse grandissante de “perdants”.
Dualismes au coeur de la crise : marchés contre nature
L'écoféminisme est l’un des rares courants de pensée à avoir identifié ces dualismes qui sont à la fois à l'origine de l'essor de notre système économique, et une conséquence de son fonctionnement. L’appropriation gratuite de la nature (y compris la reproduction humaine et le secteur du soin) permet de générer et d’accumuler de larges profits grâce à la marchandisation de tous les autres domaines de la vie. Le système actuel a certes apporté de grandes avancées technologiques, mais a aussi détruit la nature et la société, et nous en touchons aujourd’hui les limites.
Des solutions à la portée de chacun.e
Les propositions politiques de grande envergure, visant à modifier les structures du système économique et les institutions qui nous gouvernent, peuvent nous sembler hors de portée. Alors, quelles sont les initiatives à la portée de chacun.e ?
La première est sans doute l’expression et l’accueil de ses peurs, afin d’accepter la situation actuelle. Accepter n’est pas se résigner. Accepter c’est surtout faire un bilan de la situation afin de pouvoir envisager l’avenir avec des solutions, au lieu de se laisser grignoter par le ruminement de ses émotions négatives.
La seconde est peut-être d’identifier la violence de nos désirs collectifs de pouvoir, de possession, de consommation insatiable comme origines de la crise actuelle. Ce sont les individus qui façonnent le système tel qu'il est, et un moyen de refondre le système est de changer la nature de nos propres désirs.
Construire un nouvel imaginaire
Il s’agit de construire un nouvel imaginaire, d'explorer de nouveaux désirs et changer nos préférences. Les idéaux et l'imaginaire émergent en général d'une expérience intérieure, une expérience spirituelle qui n'est pas portée par une religion dogmatique, une spiritualité de la Terre fondée sur les concepts d'immanence, d'interrelation et de communauté, et à laquelle on peut accéder de différentes manières. La palette est large, que ce soit la méditation, la prière, les retraites silencieuses, les immersions dans la nature, les pèlerinages, les cercle de parole... toutes ces initiatives qui nous permettent de faire l'expérience de soi en limitant au maximum les influences extérieures, pour accéder à un imaginaire qui sortirait du système, et nous permettrait d'envisager la vie autrement, avec d'autres désirs générant plus d'amour et moins de violence.
Ce nouvel idéal, cet imaginaire, et les désirs correspondant - formés dans un aller-retour permanent entre retrait du monde et interaction sociale, viendraient alors rebattre les cartes des valeurs de nos sociétés - ce que l'on estime être désirable, souhaitable, ce que l'on pense être juste. Ces valeurs viendraient construire une nouvelle éthique qui sous-tendrait nos rapports à autrui et au monde, c'est à dire au vivant et au sensible.
Wild Wise Witches est une sororité écoféministe qui publie des analyses hebdomadaires et des réflexions quotidiennes. Elle propose des cercles de parole, des podcasts et des ateliers d’accompagnement.