Les deux premières études de Soffritti et son équipe (2005-2007) de l’Institut Ramizzini (Bologne, Italie) avaient conclut au potentiel cancérogène sur plusieurs cibles (leucémies et tumeurs mammaires notamment) sur des lignées de rats.
Cette fois, des souris ont été exposées via l’alimentation à différentes doses d’Aspartame, - à partir du 12è jour de grossesse (in utero par l’alimentation de la mère), lors de la période de lactation et jusqu’à leur 130ème semaine de vie où elles ont été sacrifiées puis autopsiées.
Les résultats montrent une relation significative entre les doses ingérées et l’apparition de carcinomes hépatocellulaires (cancer du foie) ainsi que des cancers des poumons (alvéolaires et bronches) dans les groupes exposés aux plus fortes doses,16 000 et 32 000 mg par kg de poids corporel et par jour mg/kg p.c./j), en particulier chez les mâles. Pour les auteurs de l’étude, l’Aspartame induit des cancers du foie et des poumons chez les souris mâles (Swiss), confirmant leurs études précédentes.
L’avis des autorités sanitaires
Le 11 février 2011, l’EFSA rend son avis sur cette étude. L’agence européenne de sécurité des aliments (EFSA/AESA) reprend les mêmes arguments déployés lors des deux études précédentes, à savoir : puisque ces résultats ont été obtenus après une exposition tout au long de la vie (130 semaines), ils ne peuvent être exploités, ni évalués. L’EFSA part du principe que les vieux animaux sont plus susceptibles de développer des tumeurs ou d’autres pathologies et que de plus, la lignée de souris choisie a naturellement tendance à développer précisément ce type de tumeurs (foie et poumons).
Pour expliquer l’augmentation des cancers du foie, l’équipe italienne précise que la métabolisation (c’est-à-dire la transformation de la substance par l’organisme) de l’APM conduit à la formation de méthanol, lequel pourrait jouer un rôle dans le développement des tumeurs hépatocellulaires. L’EFSA condescend néanmoins à examiner ultérieurement cette hypothèse tout en excluant de revoir la dose journalière admissible d’APM fixée à 40mg/kg p.c./j. Côté français, l’Anses emboîte le pas dans son avis du 14 mars 2011, jugeant qu’en raison des incertitudes et des "déficiences méthodologiques, il n’est pas possible de transposer les effets observés à l’homme".
L’anses précise qu’elle va cependant mettre en place un groupe de travail "chargé d'évaluer les bénéfices et les risques nutritionnels des édulcorants intenses et la nécessité éventuelle d'élaborer des recommandations pour des populations sensibles - parmi lesquelles les femmes enceintes - qui seraient identifiées au cours de ce travail".
Soulignons qu’il s’agit dans ce futur travail d’évaluer la question "nutritionnelle" et en aucun cas, celle de la cancérogénicité.
Référence : Soffritti M, Belpoggi F, Manservigi M, Tibaldi E, Lauriola M, Falcioni L, Bua L, 2010. Aspartame administered in feed, beginning prenatally through life span, induces cancers of the liver and lung in male Swiss mice. American Journal of Industrial Medicine 53, 1197-1206. ("L’Aspartame administré dans la nourriture, en période prénatale et tout au long de la vie induit des cancers du foie et des poumons chez les souris mâles Swiss")