Le Dr Patrice Halimi, chirurgien-pédiatre à Aix en Provence et co-fondateur de l'Association Santé Environnement France (ASEF) répond à nos questions. Interview réalisée par l'ASEF.
Aujourd’hui, de nombreuses études montrent que les ondes électromagnétiques ont un impact sur la santé. Pourtant, supprimer les technologies sans fils semble impossible. Alors que faut-il faire ?
Dr Patrice Halimi : Il est bien évident, que nous souhaitons tous conserver ce moyen de communication ! Il ne s'agit donc pas de revenir en arrière, mais bien de réfléchir ensemble à comment nous protéger au niveau collectif en réglementant les antennes relais et au niveau individuel en utilisant avec « précaution » son téléphone portable.
Justement sur les antennes relais, sont-elles dangereuses pour la santé ?
Dr P.H : Bien que nous ne soyons pas en mesure de trancher, il apparait de façon évidente que l'absence de certitude scientifique nécessite l'adoption sans concession de mesures de précaution. Le temps nécessaire aux recherches scientifiques ne doit pas nuire à la santé des populations ! Le rapport de l'Afsset appelle à la réduction de l'exposition du public aux ondes électromagnétiques. Il préconise notamment la mise en place du principe ALARA qui consiste à ce que la puissance des antennes soient réduites à la plus basse fréquence possible. La semaine dernière le Conseil de l’Europe a même reconnu que les émissions de la téléphonie mobile étaient une attaque à la santé publique. Nous avons donc besoin de normes collectives telles qu'il en existe sur l'air ou sur l'eau. En France, la norme d’émission des antennes relais oscille entre 41 et 61 volts/mètre alors que l’ensemble de nos voisins européens a adopté des normes comprises entre 3 et 6 volts/mètre. L’Autriche étant même passée à une réglementation de 0.6 volt/mètre. La France a donc des efforts à faire !
Que peut-on faire si on en a sur notre toit ?
Dr P.H : Il existe un arrêt daté du 7 avril 2005 qui décrète qu’une antenne relais ne peut être implantée que si les propriétaires de l’immeuble l’acceptent à l’unanimité. En clair, les locataires d’appartements privés ou d’HLM n’ont pas leur mot à dire, seul les propriétaires ont la possibilité de refuser l’implantation d’antennes sur leur toit. Cette façon de faire est à mes yeux anti-démocratique ! Il s'agit là de reléguer les locataires au rang de citoyen de seconde zone. C’est inacceptable ! Lorsqu’on est locataire, on a aussi le droit de s'inquiéter pour sa santé. Il est donc capital de mettre en place un véritable débat public fondé sur la transparence notamment en rendant publique une cartographie du bain d'ondes que subissent les gens en fonction de l'endroit où ils se trouvent. Aujourd'hui, on demande simplement aux autorités compétentes de faire mesurer les niveaux d'ondes auxquels sont soumis les habitants pour que l'on puisse en évaluer la nocivité et décider en connaissance de cause.
Vous parliez de téléphoner « avec précaution » pour se protéger au niveau individuel, comment faire ?
Dr P.H : Nous sommes obligés d’agir individuellement ! On nous dit que tout ira mieux demain ou après-demain quand on aura inventé le téléphone de "demain", ou dans 10 ans quand on aura validé la seconde étude épidémiologique. Or, le problème, c'est que moi je vis ici et maintenant et que j'aimerais qu'on me dise comment me protéger ici et maintenant des pollutions d'aujourd'hui... Il est donc important que chacun d’entre nous utilise son téléphone portable avec prudence pour limiter l'impact des ondes. Quand je dis téléphoner « avec précaution », je parle d’utiliser un kit main libre, de privilégier les textos ou encore d’interdire à ses enfants d'en utiliser un. Il faudrait également mettre en place un principe de protection des personnes les plus vulnérables (enfants, adolescents, femmes enceintes, etc.).
Les enfants sont donc plus sensibles, que doit-on faire pour les protéger ?
Dr P.H : En consultation, nous avons souvent des parents qui s'inquiètent, qui nous posent des questions sur les dangers du mobile pour leur enfant, sur l'âge auquel ils doivent accepter que leur adolescent ait un mobile... Aujourd'hui, les adolescents ont quasiment tous un téléphone mobile – et dans la pratique il n'est pas envisageable de revenir là dessus. Mais contrairement aux adultes, leur cerveau est encore en développement et le risque de pénétration des ondes est plus important. Il existe une quinzaine d'études biologiques sérieuses qui montrent que les ondes électromagnétiques ont un impact sur la santé humaine notamment sur le développement neurologique des enfants. Pour aider les parents, nous avons réalisé un poster avec des conseils simples sur l’utilisation de téléphone mobile pour les ados : utiliser un kit main libre, ne pas dormir avec le mobile, envoyer des textos plutôt que de passer des appels... Il est également important que les opérateurs de téléphonie mobile prennent leur part de responsabilité et proposent aux consommateurs des oreillettes plus faciles d'utilisation, des portables moins nocifs (DAS le plus faible possible) et également des forfaits "sans voix" pour les adolescents entre 12 et 18 ans permettant uniquement d’envoyer des textos, pour qu’ils ne collent pas leur portable à leur boîte crânienne...
Retrouvez le Dr Halimi, mercredi 18 mai 2011 à 20h35 en direct sur France 3.