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Panaches radioactifs : les risques attendus en France

Mis à jour le 25 février 2021
La CRIIRAD a décidé de rédiger un texte d’information destiné à rassurer, autant qu’il est possible, les personnes qui l’ont interpellée sans pour autant aller au-delà de ce que permettent les données disponibles. On ne parle pas d'un nuage radioactif qui touchera la France mais bien de panaches qui proviennent des rejets des réacteurs endommagés de la centrale de Fukushima.

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Les panaches radioactifs en France

Les mécanismes qui diminuent la radioactivité de l'air

La centrale nucléaire de Fukushima Daiichi rejette dans l’atmosphère, depuis 10 jours, tout un cocktail de produits radioactifs. Schématiquement, 3 mécanismes concourent à abaisser les niveaux de contamination et par conséquent les niveaux de risque :

  1. les émissions radioactives sont progressivement diluées dans des volumes d’air de plus en plus importants. Ceci conduit évidemment à une baisse de la concentration de l’air en produits radioactifs (ou plus exactement à une baisse de l’activité de l’air qui s’exprime en Bq/m 3). L’air que les populations sont susceptibles de respirer est ainsi de moins en moins radioactif.
  2. les produits radioactifs présents dans l’air se déposent progressivement au sol, ce qui conduit à appauvrir progressivement le panache et à abaisser d’autant sa dangerosité. Deux mécanismes convergent : les dépôts secs, qui se produisent en permanence, quelles que soient les conditions météorologiques, et les dépôts humides, plus intenses, qui sont provoqués par la pluie ou la neige. En tombant, elles lessivent en effet les masses d’air contaminé, précipitant au sol (ou sur les océans) les particules radioactives en suspension (aérosols) et les gaz solubles (c’est le cas des iodes radioactifs). Il faut espérer à ce propos que les panaches radioactifs restent le plus longtemps possible sur le Pacifique et l’Atlantique où l’impact des retombées est moindre d’un point de vue sanitaire.
  3. l’activité des produits radioactifs diminue dans le temps : pour certains, comme le césium 137 ou le krypton 85, très lentement ; pour d’autres, assez rapidement. Le rythme de décroissance est déterminé par la période radioactive de chaque radionucléide. Celle de l’iode 131 est de 8 jours. Cela signifie qu’en 1 période, soit 8 jours, l’activité initiale est divisée par 2 ; en 2 périodes, soit 16 jours, par 4 ; en 3 périodes, par 8, etc.

L'impact de ces 3 mécanismes - dilution, dépôts, désintégration - augmente évidemment avec le temps et la distance.

Le passage des panaches radioactifs sur l'Amérique du Nord

Via l’océan pacifique, la France est située à près de 15 000 km des côtes japonaises. En utilisant le logiciel HYSPLIT du NOAA américain, la CRIIRAD a modélisé les trajectoires des rejets émis à Fukushima (voir pdf « trajectoires » ci-joint).). Il s’agit du parcours des produits radioactifs rejetés le 12 mars à 12h TU (soit 21h Japon). La simulation est basée sur les données météorologiques du 12 mars 12h TU au 21 mars 06h00 TU archivées par le NOAA. Trois trajectoires sont considérées en fonction de l’altitude de départ des radionucléides : en vert notamment la trajectoire des particules radioactives émise à 50 mètres de hauteur (en bleu 500 mètres, en rouge 1 000 mètres, assez peu réaliste dans le cas de Fukushima).

Selon cette modélisation, les premiers rejets radioactifs de la centrale de Fukushima Daiichi devaient atteindre la côte ouest des Etats-Unis et du Canada vers les 17-18 mars.

Nous avons alors recherché des sites Internet susceptibles de donner des résultats d’analyse ce qui nous aurait permis d’établir un bilan intermédiaire des niveaux de contamination et de risque. En suivant l’évolution des concentrations tout au long de la traversée des Etats-Unis, nous espérions pouvoir anticiper plus précisément l’impact sur la France.

Nous avons effectivement trouvé des résultats, notamment auprès de l’Environmental Protection Agency. Malheureusement, ces résultats ne portent pas sur l’activité volumique mais sur les
taux d’émission bêta et gamma des dépôts collectés sur des filtres à air. Ils ne permettent d’apprécier ni les risques d’inhalation de radionucléides, ni l’intensité des dépôts au sol. L’évolution dans le temps de ces paramètres montre en revanche une augmentation qui est, selon toutes probabilités, liée au passage de masses d’air contaminé, vu sa cohérence avec les dates qui figurent sur les modélisations de trajectoires.

Les estimations publiées par l'IRSN

L’IRSN a annoncé qu’en France, l’activité de l’air en césium 137 serait de l’ordre de 1 mBq/m3. Pour quantifier les rejets, l’IRSN indique qu’il « n’a pas de données de mesure directe sur la composition et l’ampleur des rejets radioactifs, mais dispose d’informations techniques sur les installations accidentées. », précisant : « l’interprétation de ces informations a permis à l’IRSN d’élaborer des scénarios probables de dégradation des 3 réacteurs depuis le 12 mars, en s’assurant de leur cohérence avec les mesures de débit de dose obtenues sur le site. L’IRSN a également retenu l’hypothèse que ces rejets se poursuivent jusqu’au 20 mars. ». A noter que le dossier scientifique associé n’a pas été publié.

A partir des rejets estimés par l’IRSN, Météo France a simulé la dispersion des rejets radioactifs à très grande distance, projetée jusqu’au 26 mars (à voir ici). Selon cette simulation, le panache radioactif devrait atteindre la France à partir du 23 ou du 24 mars. L’IRSN précise que « Les concentrations attendues à terme, d’après cette modélisation, pourraient être de l’ordre de 0,001 Bq/m3 en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer de l’hémisphère nord. Comme attendu, l’hémisphère sud n’est pas significativement affecté par cette dispersion à grande échelle. »

Estimation préliminaire des niveaux de risque par la CRIIRAD

Sur la base des éléments qu'elle a pu collecter, la CRIIRAD considère que :

  • le risque d’irradiation par les masses d’air contaminé sera négligeable (les personnes qui disposent d’un radiamètre ne devraient pas mesurer d’augmentation du bruit de fond ambiant mais nous invitons les personnes qui sont équipées à le vérifier : une mesure vaut mieux qu’une prévision) ;
  • le risque associé à l’inhalation des aérosols et halogènes radioactifs présents dans l’air devrait être très faible (voir note). Les calculs de dose précisés ci-dessous indiquent que la mise en oeuvre de contremesures, notamment la prise de comprimés d’iode stable3, n’est pas justifiée. Nous avons essayé d’estimer les niveaux de dose résultant de l’inhalation des radionucléides dont la présence est documentée : césium 137, césium 134, iode 131, iode 132, iode 133 et tellure 132. Le premier calcul a été conduit pour une activité de 1 mBq/m3 pour le césium 137 (estimation donnée par l’IRSN) et de 125 mBq/m3 pour l’iode 131 (sur la base du rapport isotopique mesuré par TEPCO devant la centrale de Fukushima Daiichi le 19 mars 2011 à 12h - heure locale). Le calcul a été effectué en supposant que les panaches radioactifs restent présents sur la France pendant 1 semaine et sans que leur activité diminue. Conclusion : une personne (adulte ou enfant) qui respirerait l’air contaminé 7 jours durant, recevrait une dose de rayonnement inférieure à 1 μSv, soit un niveau de dose négligeable ; En prenant une marge de sécurité par rapport à l’évaluation de l’IRSN (soit 10 mBq/m3 en césium 137 au lieu de 1 mBq/m3), les doses s’élèvent à 2 μSv pour l’adulte et à 8 μSv pour l’enfant.
  • le risque d’irradiation des personnes par les produits radioactifs déposés sur les sols sera négligeable, n’induisant aucune augmentation mesurable du bruit de fond ambiant (là encore ceci pourra être facilement vérifié par des mesures radiamétriques) ;
  • le risque lié à l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés par les retombées radioactives devrait rester limité. Le laboratoire de la CRIIRAD évaluera le plus rapidement possible les quantités de radioactivité déposées au sol (dépôts sec et dépôts liés aux précipitations) afin de vérifier les ordres de grandeurs attendus dans les aliments et de donner, si nécessaire, des conseils adaptés.

En conclusion, le passage des masses d’air contaminé sur la France ne doit pas générer trop d’inquiétude. Cependant, compte tenu du manque crucial de données, la CRIIRAD est contrainte de laisser certaines affirmations au conditionnel. Ceci devrait pouvoir être corrigé très rapidement.
Son laboratoire a procédé, dès aujourd’hui, sur plusieurs de ses balises à des prélèvements de filtres à poussières et de filtres à charbon actif afin de vérifier que l’air que l’air que nous respirons n’est pas encore contaminé.
Les premiers résultats, qui concernent la balise implantée à Romans-sur-Isère, dans la Drôme, confirment l’absence de contamination mesurable dans l’air jusqu’à la date du prélèvement, le lundi 22 mars 2011 à 10 heures : pas de césium 137 dans le filtre aérosols, ni d’iode 131 dans la cartouche à charbon actif.
Ces contrôles seront intensifiés dans les jours à venir de façon à confirmer aussi rapidement que possible (et le cas échéant à corriger) les informations rassurantes données ci-dessus.
Si les conditions météorologiques le permettent, seront également effectuées des analyses d’eau de pluie qui renseigneront sur l’ordre de grandeur des dépôts au sol. Dans tous les cas, il sera procédé à des mesures des dépôts secs afin de vérifier le niveau de risque pour la chaîne alimentaire. Rappelons que la contamination des aliments type lait, fromage, viande ne s’effectue qu’avec un certain délai : la CRIIRAD disposera d’ici là de données chiffrées et tous les résultats seront rendus publics.

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Pour aller plus loin :

La Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) est une association française agréée. Elle conduit des études et des analyses dans le domaine de la radioactivité. Elle a été créée en mai 1986 par Michèle Rivasi à la suite de l'accident de Tchernobyl. C'est la seule organisation de ce type en France.

Source : Wikipédia

Site officiel de la CRIIRAD

CRIIRAD

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