Jean-Marie Deshoux fait partie de ces hommes habités et animés par une belle cause. Il sait transmettre sa passion avec conviction.
Racontez-nous votre parcours
J’ai suivi un cursus de géographie tropicale à l’institut de la Sorbonne dans les années 90. Mon terrain d’étude portait sur les contreforts de l’Himalaya au Népal. Je m’interrogeais déjà sur la déforestation et l’accompagnement des populations locales grâce à l’arbre, dans des questions liées aux ressources énergétiques. Mon envie première était celle de l'aide au développement, je voulais aller dans des endroits éloignés à la découverte de choses rares que l’on ne pouvait connaître que si on s’y rendait. Je me suis donc rendu au Népal pour soutenir un projet associatif.
Très vite, je me suis aperçu que j’avais plus à apprendre de ces populations et que je ne pouvais pas leur apporter plus. Au bout de 5 ans, je suis rentré en France pour devenir ingénieur territorial pour une collectivité française où j’étais en charge des questions d’environnement.
Puis, Tristan Lecomte, fondateur d’Alter Eco et ami d’enfance, et moi, nous sommes retrouvés avec l’envie de créer un mécanisme économique qui réponde à des problématiques Nord-Sud. Je voulais démontrer que l’économie verte est viable et satisfait des acteurs très variés (entreprises, petits producteurs…). Pur Projet est ainsi né fin 2008.
Vous avez co-fondé Pur Projet, d’où vous vient cet engagement profond pour la planète et les Hommes ?
J’ai toujours eu envie de connaître et de rencontrer le monde. Cette passion ne s’arrêtera jamais. J’ai essayé de satisfaire cette passion tout en étant utile et au plus près des territoires et des gens qui les peuplent. Il faut essayer de répondre à ce que l’on a en soit. Je préfère voir plutôt qu’avoir.
Tristan Lecomte, Carole Piette… Pur Projet semble être une "histoire de famille". Est-ce l’impulsion du groupe qui vous a donné l’envie de vous lancer dans ce projet ?
Bien sur, on se lance dans l’inconnu avec des gens avec qui on est lié amicalement et avec qui on partage des valeurs, une éthique très forte. Le sujet est passionnant et correspond à notre attente. C’est la formule idéale pour s’engager.
Quels sont les engagements de Pur Projet ?
Démontrer que la régénération des écosystèmes est créatrice de valeur. Son intention n’est pas de réparer ou de pointer du doigt ceux qui font mal, mais au contraire d’accompagner ceux qui ont pris conscience qu’ils dépendaient de l’écosystème. Nous ne sommes pas dans une action correctrice mais dans une action créatrice. Nous prouvons aux entreprises, aux agriculteurs, qu’il y a un intérêt économique et des bénéfices partagés à se lancer dans ces "Purs Projets". Les petits producteurs avec qui ils travaillent augmenteront leur rendement, pourront continuer de vivre là où ils vivent et bénéficieront d’une rente à court, moyen et long terme. On s’empare de sujets qui souvent étaient ceux des instances publics ou des ONG pour montrer que l’écosystème rend des services qui sont peu ou pas encore monétarisés.
si nous mettions un prix sur les services rendus par la nature, il s’agirait de montants phénoménaux.
Qu’est-ce que l’agroforesterie et quels sont ses avantages ?
L’agroforesterie est l’un de ses trésors que nous avons redécouvert aux contacts des populations du Sud. Ces familles travaillent souvent avec 1, 2 ou 3 hectares, des petites parcelles qui doivent servir à se nourrir et à générer des rentes. Leur logique est simplement de vivre en associant plusieurs cultures sur une même parcelle. Elles cultivent du manioc, des fruitiers pour se nourrir mais aussi du bois pour construire leurs maisons. Ils ont cette sagesse, cette science et cette connaissance de la forêt et de l’agriculture qui consiste à associer et intensifier écologiquement des plantes.
L’agroforesterie est donc l’introduction d’arbres à l’intérieur même des portions agricoles de cultures annuelles. Aux latitudes tropicales, on introduit des bois précieux avec du cacao, du café par exemple pour qu’ils se rendent des services complémentaires l’un à l’autre. Aux latitudes tempérées, on introduit d'autres types d'arbres ainsi que du blé, de la vigne, des pommes de terre…
Cette action permet de générer des revenus supplémentaires, d'augmenter les rendements économiques et de protéger l’environnement, l’eau, le sol. Dans 40 ans, on aura donc un trésor entre les mains. Le bois sera collecté pour être vendu. C’est un matériau de plus en plus prisé pour la construction. La nature nous l’offre à l’inverse des hydrocarbures, du métal qui sont des ressources épuisées et très coûteuses. On peut faire pousser du bois partout.
Vous lancez un projet pilote dans les Vosges, pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous avions déjà travaillé avec Vittel pour planter plus d’un million d’arbres en Amazonie. Nous avons alors réfléchi à une manière d’agir sur le territoire dont nous dépendons. Actuellement, nous accompagnons l’entreprise Vittel sur un projet de biomimétisme de la nature. Nous nous trouvons sur un bassin versant de 100 km2 sur lequel toutes les eaux se retrouvent sous des nappes souterraines. Certaines sont d'ailleurs embouteillées dans l’usine de Vittel.
Il y a 20 ans, Nestlé Waters a créé Agrivair. Ils travaillent avec les agriculteurs pour les accompagner dans des pratiques toujours plus écologiques, soucieuses de l’environnement et pour limiter toutes sources de pollution qui pourraient affecter les nappes d’eaux souterraines. L’activité économique de l’eau de Vittel génère 1000 emplois.
Actuellement, nous menons deux expériences d’agroforesteries. L’une sur une parcelle de 25 hectares où nous avons planté plusieurs lignes d’arbres : des bois précieux, de l’érable, du merisiers, du noyer. Entre ces arbres, nous avons planté du taillis, des arbres qu’on va couper régulièrement tous les 3 ans. Cette coupe produira des petits fragments de bois qui vont être réintroduits dans le sol pour activer la vie biologique du sol (champignons, parasites…). Ils serviront à augmenter le taux de matière organique et apporter de la vie. Et quand le sol est vivant, il se défend mieux, il est plus nourricier pour la culture. Ainsi, l’agriculteur a des terres de plus en plus autonomes, circulaires, écologiques.
Il ne s’agit en aucun cas d’un retour en arrière. Nous n’empêchons pas le travail mécanisé des agriculteurs. Nous prenons en considération le passage du tracteur. Nous travaillons même avec des agriculteurs qui pratiquent la culture intensive. Nous pouvons associer science et nature. La nature est une alliée !
Citez-nous des marques qui travaillent avec vous dans le cadre de Pur Projet.
Je peux vous citer Nestlé, Ben & Jerry’s, Chanel, Hugo Boss, Clarens, Melvita, Accord Hôtel, Nature & Découvertes, Société Générale, Pepsi Co, Vinci, GDF Suez.
Qu’est-ce que l’insetting ?
L’offsetting est la consommation carbone des entreprises. Quand elles ont réduit au maximum leur consommation de gaz à effet de serre, les entreprises décident de compenser leur émission en achetant des crédits carbones pour investir dans des projets lié à la forêt, à l’énergie, aux transports doux. Les entreprises compensent donc leurs émissions ailleurs dans le monde.
Mais finalement, ne serait-il pas mieux de travailler dans sa propre filière ? L’insetting permet d’agir en interne. On encourage des pratiques sociales vertueuses au sein même de l’entreprise. Quand on génère des revenus grâce à la nature, pourquoi ne pas réinvestir dans la nature ? Il s’agit du capitalisme conscient.
>> Découvrez les 5 conseils de Jean-Marie Deshoux pour protéger la planète.
Comment peut-on soutenir Pur Projet ?
Le site internet permet de financer des arbres et préserver des hectares de forêts en Amazonie. Il faut en parler dans son entreprise et autour de soi, et expliquer pourquoi le projet est utile.
Envie de soutenir Pur Projet ? Retrouvez toutes les informations sur le site de Pur Projet et sur le page Facebook de Pur Projet.
Crédit photo : Zeppelin / L'Agence Nouvelle Culture