Les amis, la routine des cours, les profs, l’emploi du temps à respecter, les semaines minutées constituaient en 2019 mon quotidien. Depuis 2020, tout s’est arrêté. Pourquoi ? La Covid 19 est venu contrarier mon rythme. J’ai dû m’adapter, trouver de nouveaux moyens de gérer mes amitiés, mes relations familiales et ma vie au lycée.
Au menu : liberté et confusion
Début du premier confinement, les repères s’effacent, il faut retrouver une routine et l’inquiétude ambiante familiale n’arrange pas les choses. Issue de parents divorcés, je navigue entre deux foyers totalement opposés. Puis petit à petit, un retour à soi s’opère. Le calme s’installe, le temps ralentit, me laissant du temps pour lire, regarder des films, devenir créative, écrire, dessiner et cette routine devient presque lassante, j’ai hâte de retrouver un retour à la «normale».
Pour le lycée, c’est la même chose. Les consignes au départ ne sont pas claires, les cours confus, beaucoup de travail un jour, puis le lendemain rien, le néant. Je m’adapte et je m’amuse avec ce nouveau moyen d’éducation. C’est une période de liberté où il est aisé d’écouter de la musique pendant les cours, faire davantage de pause, échanger des commentaires pendant que les profs parlent, en toute discrétion, ou aller chercher des informations complémentaires sur le net, et cette liberté est très agréable. Les amitiés comme les compétences se renforcent.
Les amitiés se révèlent
Sur ce point, nous sommes tous unanimes, « J’ai pu voir qui étaient vraiment mes amis » (G, 15ans). Tout naturellement, la fréquence de mes appels et de mes échanges via les réseaux sociaux ont augmenté en fonction de mes affinités. « J’avais plus envie de communiquer avec Estelle car je me sentais proche d’elle. Avec Emma, que je pensais être mon amie, j’avais moins de choses à lui raconter ». (R, 15 ans)
Le confinement donne l’occasion à des retrouvailles virtuelles, renouer avec des personnes perdues de vue. « J’ai été en contact avec plus de personne depuis mars je pense. Instagram, Snapchat, Teams ont facilité les contacts qui ont augmenté ». (W, 16ans), ce qui peut apporter beaucoup de joie, puisque l’on se sent moins seul chez soi.
Nous avions tous très envie de se retrouver mais plutôt dans un autre contexte que celui du confinement, et par conséquent, de braver certains interdits. « Au lieu de se balader en ville, faire les magasins ou aller dans des centres de jeux, on est plutôt allé au contact de la nature. » (A, 15 ans) Je suis donc revenu à des activités authentiques et les restrictions sont vite oubliées. Non sans certains accords : «Si on se fait contrôler par la police, on dit que l’on est sœurs», avions-nous convenu avec une amie. Des retrouvailles heureuses, car le contact humain prévaut sur les échanges derrière un écran. Mais se voir est plus difficile pour les relations amoureuses.
Les amourettes éclatent, les amours se renforcent
Je pense que deux catégories de couples se sont dessinées durant le confinement : la première est celle d’un couple aimant qui n’hésite pas à s’appeler régulièrement entre eux car ils s’aiment profondément. La distance n’a pas de prise sur eux.
Le deuxième cas, c'est quand le couple ne s’aime plus et «qu’ils en ont marre» (S,16 ans) d’être ensemble, de devoir s’attendre chaque jour pour pouvoir espérer se revoir à la fin du confinement. « Je trouve que les relations amoureuses au temps Covid c’est trop répétitif. Si tu dois parler à ton copain/copine tous les jours, tu vas lui envoyer des trucs comme : Bonjour chérie. Et tous les soirs : Bonne nuit chérie. Ça n’a pas le même goût que si tu parlais vraiment à quelqu’un.» (G, 15 ans).
Certains d’entre nous bravent même l’interdit et usent de créativité pour se retrouver loin des masques, des gestes barrière et de la vigilance parentale.
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Avec les parents, ça passe ou ça casse
Le confinement était une période où l’on ne pouvait pas s’échapper de chez soi, ce qui a eu de lourdes conséquences, surtout pour les familles où règnent le désaccord. Certaines relations entre les jeunes et leur parents se sont détériorées, ce qui laisse place à de la souffrance et une grande tristesse.
Parfois des cas très particuliers comme le mien se dessinent car mes parents sont séparés. Ils sont le jour et la nuit, le Ying et le yang, totalement opposés, dans leurs idées, leurs façons de vivre, leur façon d’être. L’un dans la spiritualité, l’autre dans le traditionalisme. Je le vivais assez bien au début, heureuse de vivre le confinement comme des vacances. Mais j’avais tort, car je me sens tiraillée dans mes pensées et pas assez imposante, intelligente et mûre pour pouvoir affirmer mes vraies valeurs. Comme si quelqu’un me prenait par le bras et m'emmenait vers un chemin qui ne me correspond pas, et que je souhaite emprunter l'autre chemin.
Aujourd’hui nous sommes libérés d’un lourd fardeau. Même si nous n’avons pas encore retrouvé notre "liberté d’avant", nous sommes sur le bon chemin. Les sourires réapparaissent petit à petit sur les visages et nous revenons à l’école. Les conflits s’apaisent, les amitiés se reconstruisent, les amours se renforcent, et le retour en cours s’opère dans une nouvelle organisation. Espérons que dure ce semblant de liberté.
L'auteure :
Carmen Revenga Cerro est une lycéenne de 15 ans, passionnée par la lecture et l'écriture depuis son plus jeune âge.