Juste après la COP21, je me suis rendue compte à quel point les gouvernements étaient poings et mains liés face aux problèmes climatiques et d’environnement. L’accord certes, fixe des objectifs ambitieux mais tout reste à faire et les délais de réaction sont très longs. Selon moi, une montagne avait accouché d’une souris. Face aux enjeux qu’impliquent les vrais changements, difficile de défaire le système économique, social, culturel et politique tel qu’il est aujourd’hui. L’inertie est telle que cela en devient décourageant, pourtant ils ont les moyens de faire évoluer rapidement la situation mais peu de pouvoir paradoxalement.
Et puis j’ai vu Demain, le film. Une bouffée d’oxygène, une énergie et un optimisme communicatifs, on en sort ragaillardis, pleins d’espoirs et d’envies de créer, d’agir, de dupliquer les nombreux exemples à la fois concrets et convaincants exposés et expliqués pendant le film.
Mais par quoi et comment commencer ?
A quel niveau de conscience et d’action sommes-nous, au moment où je t’écris ces lignes ?
Tu fais peut-être déjà partie des 10% de Français qui mangent quotidiennement bio, de ceux qui court-circuitent les multinationales, visent le zéro déchet en déclamant tel un mantra « réduire, réutiliser, recycler, réparer » espérant qu’un jour on pourra retraiter 85% des déchets au lieu des seulement 20% aujourd’hui. Tu as peut-être déjà changé de banque ou de fournisseur d’énergie pour un jour faire basculer les 75% de notre consommation énergétique, qui dépend encore du nucléaire, vers du durable et du soutenable. Tu es peut-être devenu vegan parce que tu ne supportes plus l’élevage intensif, la maltraitance et l’abatage de 40 millions de bestiaux par an rien qu’en France.
Il est possible que tu fasses partie de la famille des croyants non pratiquants, qui prennent de plus en plus conscience que le monde ne peut continuer ainsi. Comment espérer modifier le sort de la planète et des humains tout en continuant à produire et consommer de la même manière ?
Autre éventualité, tu es simplement sceptique. Tu penses qu’une réelle transformation relève d’une douce utopie initiée par un mouvement de « bobo écologistes ». Une bande de « riches » qui se donnent au pire bonne conscience, au mieux un sens à leur vie que tu aimes railler. Je t’ai déjà rencontré dans les dîners en ville, tu as souvent beaucoup d’objections et d’arguments. D’abord tu me dis que mes petites actions ne sont rien face à l’immensité du problème. Puis tu me rétorques que de toute façon avec la bio on ne pourra jamais nourrir la terre entière, et la riposte que je préfère entre toutes, celle qui selon toi, si on généralise la bio, qu’on supprime les multinationales et le low-cost, les plus pauvres et les familles nombreuses ne pourraient plus subvenir à leurs besoins.
« Il ne faut pas attendre d’être parfait pour commencer quelque chose de bien » L’Abbé Pierre
Si cela peut te rassurer, il y a 10 ans j’en étais à ces mêmes convictions, idées reçues et faux arguments. Je découvrais doucement la bio, mais je n’étais pas très attirée par les boutiques spécialisées, que je trouvais tristes, mal achalandées, vétustes pour ne pas dire vieillottes, et trop cher… quoi ? Payer 30% de plus pour un légume qui ne ressemble à rien !
Il y a 10 ans, dans ma volonté de faire mieux, je n’avais pas débusqué le green-washing et je me mélangeais un peu les pinceaux. J’étais au balbutiement de la cosmétique naturelle et je devais décrypter toutes les étiquettes tellement les marques surfaient (et surfent toujours) sur l’ambiguïté du discours et le manque de connaissance du consommateur.
Il y a 10 ans, je rêvais déjà d’une maison passive, que je n’ai toujours pas d’ailleurs, et à côté de ça j’achetais mes vêtements auprès de marques multinationales, trop contente d’acquérir un dressing à moindre frais.
Non, on ne devient pas écolo engagé du jour au lendemain. J’ai fait de gros progrès depuis et je suis à même de mettre en corrélation mes actes et leurs conséquences tout en étant encore largement perfectible ; j’ai tellement encore à apprendre, je veux aller chaque année un peu plus loin en me fixant de nouveaux défis. J’aime l’idée d’ancrer doucement de nouvelles habitudes jusqu’à ce que cela devienne une seconde nature, jusqu’au jour où j’oublie presque comment je fonctionnais avant.
Je ne te cache pas qu’il y a des matins où je me réveille avec un sentiment d’impuissance, d’inutilité et il me faut beaucoup d’efforts pour me persuader de continuer dans mes choix. …et comme dit la chanson, je veux être utile à vivre et à protéger.
"Ne doutez jamais qu’un petit groupe d’individus conscients et engagés puisse changer le monde. C’est même de cette façon que cela s’est toujours produit." Margaret Mead
Oui notre façon de vivre et de consommer est responsable de la dégradation du climat, de l’épuisement des ressources mondiales dont nous consommons 80% alors que nous représentons que 20% de la planète. Nous participons au malheur de ces détenus politiques dans les 1000 camps de travail en Chine qui fabriquent la plupart de nos biens de consommation bon marché. Nous acceptons que des ouvrières bengalies assemblent nos vêtements plus de 12 heures par jour dans des conditions innommables et pour un salaire de misère. Et nous soutenons l’esclavage des enfants exploités dans les mines de cobalt à chaque fois qu’on achète un smartphone. Tout est lié, jusqu’aux conflits dans le monde. Comment pouvons-nous nier le lien de cause à effet ? Si nous ne répondons pas aux besoins fondamentaux de chacun sur cette Terre, tout en creusant encore et encore l’écart entre riches et pauvres, il ne faut pas s’étonner de l’exacerbation des tensions sociales, économiques et politiques. On va droit vers l’ultra violence des guerres civiles, des conflits et des manifestations.
Nous pouvons agir sur le climat, par la décroissance de nos besoins. Comme le souligne Pierre Rabhi, une croissance infinie, fondement de notre économie comme solution à tous nos problèmes, dans un contexte fini – la Terre étant limitée en surface et en ressources - est une aberration humaine.
L’équation est simple : consommer moins = utiliser moins de ressources, acheminer moins de denrées, stocker moins de déchets = moins de CO2, moins de méthane, moins de pollution des océans, des rivières et des sols … quand on sait qu’un 1/3 de ce qui est produit est jeté, on peut facilement imaginer les répercussions sur la planète. Rien qu’en France on produit 360 kg de déchets/an/habitant.
Si tu es pour un changement, il faut être prêt à changer !
Si tu es sceptique, j’aimerais te convaincre. Si tu es paumé sur le chemin du changement, j’aimerais te donner quelques pistes et t’éviter des écueils. Et si tu es déjà un pro, alors on échangera sur le sujet pour mieux l’approfondir et le maîtriser.
Il y a à boire et à manger dans ces discours et justifications, comme il y a des nuances dans mes réponses. Le problème est que la vision est souvent partielle et partiale et que l’on ne compare pas les bonnes données entre elles. La question est globale, les réponses locales et réciproquement. Je pourrais rentrer dans les détails au fur et à mesure des sujets traités. Le souci avec les chiffres et les statistiques, c’est qu’ils virtualisent et déshumanisent la réalité alors que j’aimerais au contraire contextualiser à chaque chronique, rendre concrètes l’approche et les conséquences de nos actes.
Alors prêt pour My Change 21 ? Si tu veux suivre mes aventures écolo-urbaines, je te donne rendez-vous le mois prochain pour parler de ton assiette… Comme le dit si bien un proverbe arabe, « Quand l’estomac est plein, la tête peut chanter ».
Sonia Bellouti est l'auteur du livre Les tétons flingueurs, paru aux éditions Kawa.