Qu'allons-nous retenir de cette année 2020 particulièrement forte en énergies ? Afin d'aborder 2021 dans les meilleures dispositions, nous avons proposé à nos figures d'inspiration de partager avec nous tout le positif qu'elles retiendront de cette période chamboulée.
Selima Renlik est chercheuse en sciences sociales, cofondatrice de la Sororité et Think & Do Tank Wild Wise Witches. Elle est aussi rédactrice en chef de la newsletter Kosmosis - une réflexion périodique qui invite à rêver, penser et incarner un nouvel ordre du monde économique au service de la société et de la nature.
Quel est ton bilan positif de 2020 ?
Le bilan de cette année a été très positif ! Il y a presque 10 ans, j'ai fait le choix de m'installer à la campagne et cette période de crise m'a encore une fois montré combien vivre dans la nature offrait de résilience physique et matérielle d’abord, psychique et sociale ensuite. Le relatif isolement géographique permet d'être à l'aise avec soi-même tout en créant des liens de solidarité et d'entraide forts avec sa communauté locale. Même si cette année a été déroutante émotionnellement, elle est pleine de lumière pour moi.
C'est l’année de création de notre sororité et Think & Do Tank Wild Wise Witches. Nacira [l'autre fondatrice] et moi sommes des amies de très longue date, et faisons partie d'un groupe de méditation. Il rassemble de vieilles amies, toutes dans leur quarantaine, cadres, actives et mères de famille, et surtout toutes en recherche de sens. Après la phase de sidération, nous avons ressenti le besoin de partager nos vécus de ce huis-clos, de nos choix de vie, comprendre l’origine de cette quête de sens et l’assouvir.
Au sein des Wild Wise Witches, nous avons engagé une réflexion autour de sujets sociétaux tels que la place des femmes et des hommes, les féminismes, notre rôle social et environnemental, le changement des mentalités et une société plus inclusive, respectueuse du vivant. Cette réflexion, nous l'avons partagée à travers notre blog, nous avons également énormément échangé avec les membres de la sororité via nos cercles de parole en ligne, nous avons appris et grandi. Nous avons écouté la voix du cœur et eu un seul parti pris “rêver le monde”. Avoir le courage de s’écouter c’est se libérer des injonctions, trouver du sens dans ce que l’on fait et s’aligner avec soi même.
Si tu avais une baguette magique et que tu pouvais l’utiliser dès aujourd’hui, que ferais-tu ?
Ce qui nous a frappées, c'est la solitude dans laquelle les personnes peuvent se trouver, solitude qui a été précipitée, révélée ou accentuée depuis le début de la crise. Nous avons donc voulu partager une invitation à l’action concrète avec tou.te.s celles et ceux que nous avons rencontré.e.s, ou qui nous suivent, nous lisent ou nous écoutent. Cette invitation à l’action, c’est imaginer de nouveaux modes d’organisation pour re-créer du lien et de nouvelles formes de communauté. En ce sens, nous sommes restées fidèles à notre vision de départ qui nous engage à rêver le monde.
Rêver le monde, c’est puiser dans sa puissance créatrice intérieure et imaginer des possibles. Par un mécanisme d’osmose entre rêves et conscience éveillée, impulser une organisation du monde - le cosmos, à partir de l'intérieur plutôt qu'imposer un ordre d'en haut. C'est le phénomène que nous avons décidé de nommer kosmosis, qui est également devenu le titre de la newsletter que nous venons de lancer, et qui sera cette année sur le thème télétravail, nature et société. C’est ça, notre baguette magique !
Si tu devais retirer une clé de compréhension majeure qui s’est révélée à toi cette année, ce serait quoi ?
Je connaissais Cynthia Fleury pour ses travaux sur l'imagination qui m'ont vraiment aidée à comprendre beaucoup de choses au sujet de l’encastrement du rêve et du réel, présent ou en devenir. Cela m’a donné de nouvelles clés pour débloquer un nouveau potentiel créatif. J'ai découvert aussi cette année ses écrits sur le ressentiment “cette amertume qui peut avoir notre peau alors même que nous pourrions découvrir son goût subtil et libérateur.” Ces idées résonnent très fort en cette période. Cela m'a confortée dans l'idée que pour guérir, les individus comme les sociétés devraient éviter les postures victimaires systématiques, et être plutôt dans la construction et la reconstruction positive, agir de manière non-violente.
Les corps comme les esprits, les sociétés et les structures ne se transforment pas de manière pérenne et positive par la force. On peut déconstruire ce dont on ne veut plus, pierre par pierre, doucement, et reconstruire au fur et à mesure quelque chose de plus doux. On peut aussi, tel le roseau, plier et ne pas céder. On peut renverser les situations en les appréhendant sous un autre regard, en utilisant de nouvelles grilles d’analyse, en utilisant notre imagination justement.
Si l'on suit son cœur, ses désirs, ses besoins profonds, alors tout se met en place autour de soi. Je crois beaucoup à ce que l'on appelle la sérendipité. On ne cherche que ce que l’on connait, on ne trouve que ce que l’on s’attend à voir, on se ferme souvent ainsi à la vraie découverte. Si l'on veut entrevoir de nouveaux horizons il faut s'ouvrir au monde, aux autres et à soi-même et laisser plutôt les choses venir à soi. Pour cela il faut pouvoir apprivoiser ses peurs.
Une astuce pour ne pas céder à la peur / le stress ambiant ?
Pourquoi repousser la peur ? C’est une émotion puissante qu’il faut accueillir, sans se laisser envahir. La peur peut nous apprendre beaucoup sur nous-mêmes, sur ce dont nous avons besoin. On peut accueillir la peur, s'en rapprocher, pour l’interroger. On peut le faire par la méditation, par la tenue d’un journal intime, ou bien tout simplement en discutant de nos peurs avec nos proches.
Une fois que l’on a pris note de ce dont on avait peur, on peut alors définir ce dont on a besoin, et travailler à la satisfaction de ces besoins. Pendant cette période on craint la maladie, la mort, la perte de son emploi ou de son entreprise, on redoute les grands changements. Nous avons tou.te.s besoin de visibilité et de prédictibilité, pourtant nous vivons une période de très grande incertitude. Alors apprivoisons chacune de nos peurs, une par une, et essayons au quotidien de satisfaire aux besoins qui peuvent être satisfaits ici et maintenant. Si ce n’est pas possible, embrassons le chaos et ouvrons nous à la sérendipité!
As-tu envie de partager une phrase, un mantra, un rituel, une pratique ou autre pour bien finir l’année ?
Les rituels sont essentiels, ils créent un ancrage tellement nécessaire en cette période de forte houle !
Quelle que soit la saison et la météo, je marche tous les matins pendant au moins une heure dans la nature. Les jours sont très courts en hiver, et j’ai besoin d’emmagasiner de la lumière. Cela me permet aussi de rester connectée ici et maintenant : la boue qui colle aux bottes, les paysages qui sont là, à la fois permanents dans les grandes lignes et changeant avec les saisons, la sensation de froid sur le visage, tout ça contribue à éclaircir mon esprit et me mettre de bonne humeur ! Ma botte secrète pour cette motivation quotidienne ? Ma chienne, qui m’attend devant la porte, pas de négociation possible !
Wild Wise Witches est une Sororité et Think & Do Tank, à l’initiative notamment de la newsletter Kosmosis - une réflexion périodique qui invite à rêver, penser et incarner un nouvel ordre du monde économique au service de la société et de la nature.