Le déclencheur a été ma famille. D'un côté je prônais "changer de vie, aller vers plus d'équilibre", de l'autre mes enfants se plaignaient de ne pas passer assez de temps avec moi. J'étais dans un état d'excitation et de fatigue tel que cela créait de la tension et de l'énervement chez eux, et que l'ambiance à la maison se trouvait être le contraire de ce à quoi nous aspirions.
Philosophiquement, je militais pour "prendre du temps pour soi, avec mes enfants, être très présent, prendre le temps de les comprendre et de leur faire passer des messages...", alors que j'étais dans une telle suractivité que je n'avais jamais le temps de faire ça. J'ai réalisé que je marchais vraiment sur la tête, que j'étais à côté de mes pompes.
Le corps a craqué
Puis le physique a fini par lâcher. Le burn-out, c'est plein de symptômes qui démarrent avant de "craquer". Cela a commencé par des palpitations, des vertiges, une fatigue intense, des angoisses, le sentiment que je n'arriverais jamais au bout de ce que j'avais à faire et le cerveau qui commence à "pédaler".
J'avais déjà vécu cela de façon moins forte parce que c'est mon tempérament, mais l'accumulation de fatigue, de projets à gérer, des années à travailler énormément, a fait que je suis arrivé à un point de rupture. Un week-end, j'ai complètement craqué, pleuré en continu. Il m'était impossible de travailler, rien que l'idée me provoquait une angoisse insurmontable. Mon cerveau ne fonctionnait plus.
Du jour au lendemain, j'ai tout arrêté. Ce qui est drôle, c'est que l'on pense parfois être absolument indispensable et on se rend compte que ce n'est pas du tout vrai. Tout a continué à très bien tourner sans moi et j'ai été ravi de le constater. Les équipes ont toutes été géniales. Ils étaient contents de me voir revenir, mais le monde ne s'est vraiment pas arrêté de tourner.
Cette pause a duré deux mois et demi. Elle m'a permis de comprendre que je pouvais changer de fonctionnement au quotidien et que l'idée de "devoir être là tout le temps" n'existe pas. Et puis j'ai recommencé une thérapie qui a duré 8 mois. Le but était de comprendre pourquoi j'en étais arrivé là et ce que j'avais besoin de mettre en place dans ma vie pour arriver à une forme d'équilibre.
Une pause qui m'a enrichi
Ce fut très riche à deux niveaux : j'ai pu approfondir le fait que mon besoin de suractivité permanente était dû à mon histoire personnelle. J'essayais de réparer quelque chose à l'extérieur par l'activisme sans fin, alors que j'avais besoin de réparer moi-même cette fêlure liée à l'enfance.
D'autre part, je me suis aperçu d'une énorme frustration créative, puisque je me suis toujours senti artiste et c'est dans cette voie que j'avais démarré ma carrière. Je compensais donc cette frustration en créant des projets à la pelle.
Cette thérapie m'a donc permis de comprendre que j'avais besoin de me recentrer sur des activités qui m'amenaient à plus de profondeur.
C'est comme lorsqu'on fait quelque chose en 5 minutes, au bon moment de disponibilité, alors qu'il aurait pu prendre 2 heures à un autre moment. Quand je travaille, si je suis à un endroit de moi-même qui ressemble à ça, je suis capable de faire des choses qui ont beaucoup plus d'impact et en même temps de travailler beaucoup plus vite. Et c'est ça, la magie de la création !
Je suis arrivé à un moment de ma vie où j'ai besoin de relier l'engagement dans la société et le travail artistique et de création. C'est ça qui m'équilibre au quotidien.
Pour me recentrer, j'ai quitté la direction de Colibris en restant cependant porte-parole. J'ai concentré mon action sur la réalisation d'un film avec Mélanie Laurent ("Demain"), beaucoup plus d'écriture (j'ai un recueil de poèmes qui va paraître en mars 2014), et le magazine Kaizen.
Je tâche d'être plus présent chez moi, et je passe beaucoup plus de temps avec mes enfants en allant les chercher, en décorant la maison avec eux... Pour autant, j'ai encore du travail à faire sur moi-même !
> Le site officiel de Mélanie Laurent, réalisatrice du film "Demain" avec Cyril Dion
> Retrouvez cette interview et une expérience de lecture optimisée avec le magazine FemininBio de janvier 2014 sur iPad.