Cet article a été publié dans le magazine #28 avril-mai 2020
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Face à une situation douloureuse, si l’accompagnement à la comprendre, l’intégrer et faire le deuil de ce qui a été perdu n’a pas été bien fait, la ou les personnes concernées seront sidérées, au sens propre du terme. C’est-à-dire que le choc de la situation les stupéfie, les pétrifie, les fige, même l’espace d’un court instant. Leur lumière intérieure, leur joie de vivre, leur puissance restent alors scotchées en cet instant sans jamais réussir à reprendre le cours de la vie. Dans certaines cultures, on parle de « perte d’âme ».
Ainsi, de traumatisme en traumatisme, le corps familial et ses composants se trouvent privés de leur essence et de leur vitalité. Nous nous morcelons au fil des générations, semant à tout-va notre énergie de vie et la réalité semble s’assombrir progressivement.
De la considération à la transmission
Lorsqu’une personne transmet la vie, elle ne peut donner plus que ce qu’elle porte en elle. Le nourrisson puis le bambin jusqu’à 18 à 24 mois va dupliquer les structures psychiques, intérieures, inconscientes, des proches qui l’entourent et prennent soin de lui. Une sorte de télépathie si vous préférez. Et voilà que, par exemple, si maman a été violée et que papa porte en lui l’homosexualité refoulée de son propre père, que si l’oncle est un musicien contrarié et que la grand-mère maternelle dirige tout à la baguette et décide de tout pour tout le monde, tout ce bazar va s’inscrire comme un code mémoriel et épigénétique portant l’injonction suivante : « C’est donc ainsi qu’il est bon que tu sois au monde ».
Nous pouvons considérer que se plier à cette injonction sourde est une stratégie d’adaptation à la vie pour ainsi être au monde, faire partie du clan et de la tribu familiale. Les difficultés commencent lorsque l’enfant, l’ado puis l’adulte en devenir, ne cesse de répéter des situations incompréhensibles d’auto-sabotage limitantes et frustrantes, comme autant d’entraves à son évolution. Par exemple, nous pourrions citer les échecs à répétition, l’absence de joie et d’épanouissement dans la sexualité d'un couple ou encore l’effondrement psychique à la suite du décès d’un proche. Cet individu ne comprend pas ce qui lui arrive, il souffre et peut finir par demander à être accompagné dans un travail d’analyse transgénérationnelle.
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Le non-jugement
Dans la pratique qui est la mienne, il ne s’agira pas, pour aborder la libération de la mémoire des lignées, de juger ce qui a été transmis. Tout ce qui est bancal a sa raison d’être dans cet équilibre qu’est le tout. Mais là où le chamanisme et l’intégration d’actes symboliques de réparation trouvent toute leur efficacité, c’est que ces approches vont permettre au consultant de mettre de la conscience sur cette scène traumatique vécue par un ancien en apportant les éléments de guérison qui auraient dû être appliqués à l’époque.
Imaginons par exemple que, maman, ayant été violée, a nourri de la honte, un profond sentiment d’humiliation et de culpabilité. Cet arrêt sur image qu’aura été le choc du vécu de cette expérience aura dépossédé cette femme d’une partie de sa Lumière. C’est ce à quoi les tribus primitives faisaient attention et ce qu’elles veillaient à restaurer par le biais des sages, des guérisseurs, des chamans et des marabouts. On parlait par exemple de « recouvrement d’âme », l’équilibre rompu se devant d’être retrouvé. En revisitant la scène douloureuse, le consultant bénéficie d’une restauration de la charge émotionnelle qui s’est trouvée figée dans le temps, à la manière d’une réhydratation de l’estime et de l’amour de soi.
"Empuissancement" des descendants, le jardinage des âmes
Récupérer sa Lumière, sa puissance, revient à rejoindre le grand courant d’énergie vitale qui s’écoule normalement de génération en génération, sans perdre la considération du moment présent. La pose d’actes symboliques permet de récupérer la puissance laissée en jachère depuis le traumatisme et de récupérer son pouvoir personnel, celui qui permet de mener sa vie comme on l’entend. C’est le réveil, l'épanouissement et le renforcement du potentiel d'une personne ou d'un groupe familial et, par là, de son pouvoir d'agir.
"Tout ce que nous peinons à accepter hante les générations successives"
Cette récupération d’énergie vitale doublée de la considération forte et sincère pour ce qui a été vécu par son ancêtre mènera l’analysant vers la reconquête de son histoire personnelle. Un autre avantage touchera les générations suivantes. En effet, parcourir les douleurs de vie connues par nos lignées successives permet de prendre conscience de « ce qu’il ne faut pas faire » ou de « ce qu’il serait bon de ne plus faire ». Je parle ici du fait de garder secret des situations "honteuses" et "inavouables", encore appelées "tabous", de libérer la parole sur la sexualité et la mort, et de restaurer le droit à être dans sa singularité.
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Pour en finir avec les non-dits
Vous qui lisez ces lignes, sachez que 4 millions d’enfants vivent ou ont vécu l’inceste dans leur famille en France. Il s’agit de relations sexuelles, consenties ou non, avec pénétration ou non, au sein d’une même famille, entre des parents proches ou éloignés et des mineurs de ce groupe familial. Je compte ici également les parents de familles recomposées. Ceci n’est qu’un exemple.
D’autres tabous seront en lien avec le vol, la négligence, la maladie mentale, le crime et l’emprisonnement, la toxicomanie et les addictions, et la liste peut s’allonger encore. Tout ce que nous peinons à accepter, tout ce qui nous fait honte et dont il nous est difficile de parler, de témoigner ou d’avouer hante les générations successives et siphonnent l’énergie vitale de l’arbre familial.
C’est dans l’Amour et la considération pour ceux qui nous ont précédés et ceux qui nous succéderons qu’il nous faut planter les graines saines des relations humaines en restaurant le droit à être dans sa singularité, pour chaque membre de la famille. Offrons-nous sécurité, respect, tolérance et bienveillance comme un terreau fertile où plonger les racines de nos arbres. Et que la parole soit libérée !
Notre experte
Céline Tadiotto a fondé la Lecture du Corps®. Elle est thérapeute en transgénéalogie et auteure de J’arrête de subir mon passé, paru aux éditions Eyrolles. Son site art-et-energie-de-vie.fr