Il fallait bien sûr un endroit hygge pour rencontrer Malene Rydahl, la plus francophile des Danoises. C’est donc bien installées dans les canapés du café d’un petit hôtel parisien que nous commençons une conversation à bâtons rompus. En cet automne bien froid, Malene Rydahl publie aux éditions Flammarion un livre résolument positif, Le bonheur sans illusion.
Cet essai, qui mêle analyse de recherches en psychologie et réflexion personnelle, décortique les cinq piliers du bonheur, tels qu’imaginés dans notre société : la beauté, l’argent, le pouvoir, la célébrité et le sexe. Dans quelle mesure les posséder ou en faire preuve n’est-il qu’une illusion du bonheur ? Et si ce n’est pas le bonheur, alors où le trouve-t-on ? Véritable bouffée d’air frais, ce livre décomplexant apporte soulagement et sérénité à celui qui le lit.
A voir
Malène Rydahl est invitée sur la scène du Parlement du Féminin, le 18 décembre à l'Opéra Comique.
Un événement organisé avec le soutien de Generali, Engie, Kering, Opéra Comique, Sodexo, TF1 Initiatives, Weleda.
Quel était votre objectif en écrivant ce livre ?
Exactement ce que vous venez de décrire ! D’ailleurs, cela me fait vraiment plaisir de savoir que ce message en particulier est passé car cela me tient très à cœur. Je voulais, à mon niveau, essayer de soulager les gens face à toutes les injonctions que l’on reçoit autour de l’argent, de la beauté, de la célébrité, de la performance sexuelle, du pouvoir. J’ai été un peu protégée, car le modèle danois est moins axé sur ces pseudo-indicateurs de réussite, mais j’ai quand même été influencée par la culture américaine, notamment à travers les séries télés, qui est totalement basée là-dessus.
Le bonheur sans illusion n’est cependant pas une charge contre les beaux, les riches et les puissants…
A travers ce livre, je veux ouvrir la réflexion et mettre en lumière les facettes souvent moins connues de ce qui peut sembler comme des ingrédients du bonheur de première vue. J’avais envie de soulager les gens et les inviter à ne plus se comparer à la vie parfaite des autres mais à vivre la leur. Aujourd’hui, si je feuillette Gala chez le dentiste, ça ne me fait pas rêver. Au contraire, souvent, je ressens une certaine compassion.
Vous avez donc essayé de mettre les cinq piliers (la beauté, l’argent, le pouvoir, la célébrité et le sexe) au cœur de votre vie ?
J’ai toujours été guidé par mes rêves. Grâce à mon éducation danoise, je ne les ai jamais poursuivi comme des buts en soi. Elle m’a néanmoins procuré une certaine curiosité pour aller voir la réalité de cette vie « rêvée » que l’on nous vend depuis notre enfance, à commencer car les belles princesses de Disney qui épousent de beaux princes, riches et puissants.
Vous abordez le sujet de façon personnelle, en n’hésitant pas à parler à la première personne et en relatant des scènes qui vous sont arrivées. Pourquoi avoir choisi cet angle d’écriture ?
J’étais entraînée par une quête de vérité. Avant de me consacrer à l’écriture, j’ai baigné dans l’univers du luxe grâce à mon poste de responsable de la communication d’un grand groupe hôtelier. Mais je ne me suis jamais sentie comme faisant partie de cet univers. J’ai réussi à garder intacts ma curiosité et mon esprit d’observateur extérieur, je voulais savoir quelle est la vérité de la situation, au-delà des illusions dont on est tous victimes.
Bien sûr, j’ai profité des avantages de ce milieu, j’ai notamment été invitée dans des endroits magnifiques. Cependant, en gardant un œil attentif et bienveillant, j’ai vu ce qu’il se passait de l’autre côté du miroir. Il y a véritablement, même dans les plus hautes sphères, une croyance collective qu’il existe un idéal de bonheur. Mais entre l’image sur papier glacé et la réalité, il y a un profond décalage.
Vous consacrez la première partie du livre au sujet de la beauté. Il faut dire que cela vous tient à cœur…
Lors que lancement de mon premier livre, Heureux comme un Danois, j’ai parlé pendant une heure avec un journaliste du modèle danois, de l’égalité homme-femme, de l’absence de compétition, etc. Et puis, au moment de se quitter, il me dit « C’est facile pour vous, Danois, vous êtes tous beaux ! ». C’était très étonnant, et surtout, je n’ai pas compris pourquoi il m’a dit ça. J’ai commencé à réfléchir sur l’injustice de cette idée que le simple fait d’être beau devrait être une source de bonheur.
Mes recherches sur la chirurgie esthétique montre à quel point la quête d’un idéal de beauté apporte du malheur parce qu’elle nous éloigne de nous-mêmes. La chirurgie esthétique, mûrement réfléchie, peut enlever un complexe, mais elle ne rend pas heureux. Je pense que le fait de se sentir jolie et bien avec soi-même n’est pas lié à des critères objectifs et extérieurs. C’est fondamentalement lié au fait d’accepter qui je suis, avec le temps qui passe et les marques de la vie. La chirurgie esthétique, c’est le dénigrement d’un héritage. Personnellement, j’ai longtemps été complexée par mes jambes, jusqu’au jour où j’ai réalisé que j’avais les mêmes que mon père. Ça m’a permis de me réconcilier avec cette partie de mon corps.
Qu’opposeriez-vous aux 5 piliers d’illusion du bonheur ?
La quête de sens, le projet commun. Dès lors qu’il n’y a pas de sens autre que l’obtention de cet élément, ça devient dangereux pour la personne et pour les autres. A l’inverse, si le pouvoir est mis au service d’un projet commun plus grand que la personne, cela peut être très positif. De même si la célébrité d’une personne lui permet d’agir en faveur des autres, comme Emma Watson, Léonardo di Caprio ou Angelina Jolie, c’est plutôt positif.
Vous n’êtes donc pas contre l’ambition personnelle…
Au contraire, tout projet ambitieux qui a du sens, c’est formidable ! On n’aurait pas fait avancer le monde sans Mandela, Gandhi ou Simone Veil... Ce qui me parait pervers par contre, c’est l’ambition pour l’ambition. Quand j’entends dire qu’il faut avoir lancé sa start-up avant 25 ans, c’est comme dire qu’il faut avoir une Rolex à 50 ans : ça met une grosse pression, et ça n’a pas de sens. C’est un discours basé uniquement sur l’argent.
Faudrait-il plus de bienveillance dans notre société ?
Pour moi, sans aucun doute, la bienveillance est l’une des plus grandes qualités humaines. Aujourd’hui, le mot est presque galvaudé. Mais faire attention à l’autre, l’accompagner, ne pas le juger, prendre le temps de comprendre qui il est, c’est indispensable pour naviguer dans la vie. Si l’on pouvait cultiver à son échelle et à l’échelle nationale les valeurs de bienveillance et d’empathie, ce serait fantastique. Nous avons besoin d’exemples inspirant qui fassent contrepoids aux modèles agressifsqui nous tirent vers le bas.
Vous avez déjà cité quelques noms de femmes. Y en a-t-il d’autres qui vous inspirent ?
J’apprécie le message très positif que transmet Oprah Winfrey, je pense que ça a beaucoup de valeur pour contrebalancer certains discours de haine ou de compétition aux Etats-Unis. Michèle Obama est aussi très engagée et mène des actions intéressantes. Je suis une grande fan de son mari, pour moi, ils représentent un couple modèle et inspirant : ils sont puissants et honnêtes, et s’investissent dans des causes importantes. Enfin, je citerais Angela Merkel, qui a du pouvoir et qui l’exprime intelligemment. Dans la même veine, il y a aussi Christine Lagarde.
Noël approche. Comment le vivre sereinement ?
Ce peut être une période très hygge, où l’on passe du temps avec ceux qu’on aime. Dans sa version positive, Noël est rempli de moments simples, où l’on se retrouve et où l’on prend le temps d’apprécier le fait d’être là, ensemble, connectés. La qualité de nos relations est essentielle à notre bien-être, et c’est là-dessus que j’aime fonder Noël.
Si on ne fait pas attention, le risque peut être de vivre Noël comme une période d’illusion du bonheur, où l’on se sent obligé de passer un bon moment. D’une part, il y a l’aspect consumériste qui, personnellement, me stresse : c’est une surabondance de matérialisme et une boulimie de plaisir, on n’a pas le temps de profiter d’un cadeau qu’il faut déjà ouvrir le suivant ! D’autre part, se retrouver peut être une source de stress : pendant l’année, on n’a pas forcément eu le temps de rester ensemble, il peut y avoir des tensions et des non-dits qui ressurgissent. Il faut aussi faire attention quand on se retrouve en famille à ne pas baser toutes les conversations sur les indices extérieurs de réussite. Cela peut faire mal à certains, la fin de l’année est une période de bilan pour tout le monde.
A voir
Malène Rydahl est invitée sur la scène du Parlement du Féminin, le 18 décembre à l'Opéra Comique.
Un événement organisé avec le soutien de Generali, Engie, Kering, Opéra Comique, Sodexo, TF1 Initiatives, Weleda.
Pour aller plus loin :
Le Bonheur sans illusions
Malene Rydahl
Editions Flammarion
19 €