Rencontre avec Albane Liger-Belair, co-fondatrice de la marque Al-Bara, qui commercialise en France des authentiques savons d'Alep, encore fabriqués dans la ville syrienne et dans les alentours, grâce au travail de maîtres savonniers qui maintiennent vivante la tradition malgré la guerre.
Qu’appelle-t-on le savon d’Alep ?
Le savon d’Alep est un savon ancestral originaire de la ville d’Alep, fabriqué à partir d’huile d’olive et d’huile de baies de laurier. Il se présente sous la forme d’un pain cubique de 200g sur lequel est poinçonné le nom du fabricant et la qualité du savon.
Fabriqué traditionnellement à partir d’huile d’olive de deuxième pression, d’huile de baies de laurier, d’eau et de soude végétale, il est entièrement naturel, ne contient aucun produit de synthèse, aucun solvant, colorant ou dérivé de graisse animale. Le savon d'Alep est dit « surgras » car il lui est ajouté en fin de saponification de l'huile de baie de laurier, dont la concentration varie pour des utilisations diverses. Il existe différentes teneurs en huiles de laurier, qui varient entre 5% et 35%.
Copyright photo : Al Bara
Quel est son intérêt pour la peau ?
Le savon d’Alep est un produit totalement naturel et sans additifs chimiques, mondialement reconnu pour ses qualités adoucissantes et hydratantes. Il s’utilise pour le corps et le visage qu’il purifie et éclaircit. Il est particulièrement recommandé pour les peaux sèches et sensibles grâce à ses vertus nourrissantes et apaisantes.
Naturellement parfumé, il est hydratant grâce aux propriétés nourrissantes de l'huile d'olive vierge, doux grâce aux vertus apaisantes de l'huile de laurier. Très pur et sans aucun conservateur, il est 100% naturel et biodégradable. Il est fabriqué de façon totalement artisanale selon un savoir faire ancestral de cuisson des huiles qui permet de conserver toutes leurs vertus pour la peau. Plus un savon d’Alep à une forte teneur en huile de laurier, meilleur il est pour la peau. Ainsi, les savons 35% laurier sont les plus réputés.
Comment reconnait-on un vrai savon d’Alep ?
Aujourd’hui malheureusement de nombreuses contrefaçons existent sur le marché car le label Savon d’Alep n’existe pas encore. Un vrai savon d’Alep se reconnait à sa couleur brune et dorée, et à son cœur qui a une belle couleur verte liée à sa teneur en laurier. Côté parfum il a une douce odeur d’huiles d’olive et de laurier. Contrairement aux autres savons, un savon d’Alep flotte à la surface de l’eau. Il est nécessaire de bien vérifier sa composition, la liste des ingrédients du vrai savon d’Alep est très courte : huile d’olive, huile de laurier, soude et eau. Enfin, l’huile de baies de laurier étant précieuse et chère, le prix du savon est également un bon indicateur de sa qualité.
Copyright photo : Al Bara
Racontez-nous comment vous avez découvert le savon d’Alep ?
Je connaissais le savon d’Alep de réputation depuis longtemps, mais je l’ai vraiment découvert en rencontrant celle qui est devenue ma grande amie : Zeina. Cette Syrienne d’Alep, dont le grand père était maitre savonnier, est arrivée en France il y a cinq ans à cause de la guerre, et elle m’a fait découvrir et aimer les nombreux bienfaits de ce savon ainsi que son histoire.
Qu’est-ce qui vous a passionnée dans l’histoire de ce mythique savon ? Et d’ailleurs, pourquoi est-il mythique ?
Elaboré dans la ville d’Alep depuis 3500 ans ce savon est mythique car il est considéré comme le plus vieux savon du monde. C’est d’ailleurs l’ancêtre du savon de Marseille. Il a su à travers les siècles garder ses nombreuses vertus grâce à une transmission de savoir faire qui se fait de génération en génération. Il est toujours fabriqué de manière artisanale. Avec la guerre, ce savoir faire est devenu à risque car 70% des savonneries ont été détruites, et nous avons eu envie avec Zeina de contribuer à le perpétuer en le distribuant en France, d’où notre baseline « perpétuer l’excellence orientale ».
Que signifie Al Bara, le nom de votre marque ?
Al Bara est le nom d’une des villes antiques dites « mortes » de Syrie, d’où sont originaires les fameux savons. Nous avons créé Al Bara il y a maintenant quatre ans, et notre premier container est arrivé au printemps 2015.
Copyright photo : Al Bara
Vous proposez toute une gamme de produits autour du thème du spa et du bien-être oriental. Quel secret de beauté oriental avez-vous découvert depuis que vous vous êtes plongée dans l’aventure d’Al Bara ?
J’ai notamment découvert les bienfaits du savon d’Alep pour se démaquiller. Je me lave le visage tous les soirs avec le 35% Laurier, et c’est un vrai plaisir naturel, ma peau est douce et fraîche, et je trouve ça bien plus agréable qu’un démaquillant. Certes, il faut faire attention à ne pas s’en mettre dans les yeux ! J’utilise aussi le savon 35% Laurier pour la douche de ma fille de 8 ans qui avait des problèmes d’eczéma et depuis que je fais ça elle n’a plus eu une seule rougeur.
Malgré la guerre, Al Bara travaille avec des artisans syriens d’Alep et sa région. Comment vivent les artisans syriens partenaires en ces temps de guerre (aussi bien à titre personnel –comment sont-ils touchés par le conflit, qu’est-ce qui les motivent à continuer à travailler le savon – que logistique – comment se fournissent-ils en matières premières, avez-vous un cahier des charges bio, etc) ?
Notre objectif justement était aussi d’aider ces artisans syriens à continuer à travailler dans leur pays malgré la guerre. Nous travaillons en direct avec des petits producteurs de savons, auxquels nous avons accès grâce à la famille de Zeina qui est restée sur place. Ces petits producteurs trouvent les huiles dans la région d’Alep moins touchée par la guerre.
De plus, nous avons un petit atelier dans les faubourgs d’Alep qui impriment les étiquettes, fait le packaging, prépare et emballe les savons. Beaucoup des familles avec lesquelles nous travaillons ont été touchées de près par la guerre, et ont perdu des proches et leurs maisons. Bien que nos produits soient garantis 100% naturels, il est actuellement impossible de faire certifier bio des savons dans un pays en guerre.
La tradition du savon d’Alep parvient-elle à se maintenir dans la région d’Alep malgré le conflit ?
Oui et c’est une vraie petite pépite dans ce contexte de guerre épouvantable. Même si 70% de la production a été détruite , 30% fonctionne encore. Les artisans savonniers sont particulièrement courageux et ont une volonté tenace de reconstruire. Certains ont d’ailleurs déjà commencé. L’avantage d’une savonnerie artisanale c’est que le matériel nécessaire est assez basique : un grand chaudron en cuivre, des tours de séchage, etc. Il faut compter 18 mois pour qu’une savonnerie qui se reconstruit fonctionne à nouveau, car les savons ont besoin de 9 mois de séchage avant d’être commercialisés.
A lire sur FemininBio:
Recette DIY de crème d'Alep
Quels savons bio choisir ?
Pour en savoir plus et découvrir la marque : al-bara.com