Pour enrayer l'épidémie de Covid-19, nous sommes, comme de nombreux pays dans le monde en ce moment, obligées d'adopter un mode de vie très sédentaire. Et si l'équilibre de chaque famille d'aliments est important à connaître, savoir succomber à la tentation et lâcher prise peut aussi l'être pour votre moral. Suivez les conseils du nutritionniste Charles Brumauld.
FemininBio : Quelle alimentation devons-nous privilégier lors d'un confinement et donc d'un mode de vie plus sédentaire ?
Charles Brumauld : La même, ou presque ! C’est-à-dire une alimentation équilibrée, qui convient à nos préférences et à nos sensibilités. Le bon équilibre, c’est le vôtre, pas celui du voisin ! On pense variété en piochant dans toutes les familles d’aliments (eau, fruits et légumes, féculents, viandes, poissons, œufs, matières grasses, produits sucrés…) et diversité, en piochant à l’intérieur de chaque famille pour éviter de s’ennuyer et surtout, varier les sources de plaisir et les bénéfices nutritionnels. Par exemple, osez d’autres céréales que le blé : le riz (semi-complet ou complet), le quinoa, le sarrasin…
En situation de crise, est-ce qu’il y a des aliments plus importants que d’autres ?
Tous sont importants. Tous concourent à combler des besoins différents, nutritionnels et/ou de réconfort. Par exemple, nous avons vu les rayons de pâtes et de sucre vides dans les supermarchés. Cela peut se comprendre car ce sont des aliments qui contiennent peu d’eau et donc, se conservent bien. Néanmoins, les fruits et légumes frais, plus riches en eau (et qui servent aussi, à nous hydrater !) sont délaissés. C’est dommage car ils contiennent des vitamines, des minéraux, des fibres (régulatrices du transit) et des antioxydants, des substances protectrices de nos cellules. On peut donc en garder une partie en « frais » (pommes ou poires à croquer, carottes ou betteraves à râper…) et en faire des poêlées de légumes à congeler.
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Comment ne pas avoir de craquages et garder la ligne ?
Et si on faisait un pas de côté, par rapport aux craquages ? Quand on pense à « garder la ligne » ou « ne pas grossir », on retrouve un principe bien connu, celui du régime. Alors, il ne s’agit plus du régime drastique et ultra-restrictif, mais le principe est le même : on contrôle mentalement son alimentation dans le but de maigrir ou de ne pas grossir. On résiste. Parfois, on supprime de nos placards des aliments « interdits » (chocolat, biscuits, fromage…) ou « à limiter ». Résultat : on se dit que ce n’est pas une bonne idée de manger du chocolat. On le fait quand même. Et on s’en veut. On opte même pour des stratégies alternatives comme consommer des amandes, ou une pomme, ou un yaourt. Parce que ça « cale » et que c’est « healthy ». Et surtout, après, on mange quand même ce kinder ! Et donc, on se remet en mode « contrôle ». On peut aussi envisager autre chose : vous avez envie de sucré, vous mangez cet aliment sucré, avec délectation, vous vous sentez mieux.
Donc, pour éviter la prise de poids, il suffit de « succomber à la tentation » ?
Presque. Mais pas loin ! Je m’explique : en confinement (mais pas que !) on peut traverser des moments d’ennui ou de tristesse. A part les câlins, l’alimentation est ce qu’il y a de plus accessible. Si on n’écoute pas cette envie, on peut se contrôler, un temps. On mange des aliments qui ne nous procurent pas de réconfort. Et donc, au repas suivant, rien n’indique que notre état sera plus apaisé pour choisir des portions adaptées à notre niveau de faim. Là, il peut y avoir une incidence sur le poids.
Dans l’autre modèle, si une émotion ou une pensée inconfortable surgit et qu’elle persiste, je vous propose autre chose, dans de bonnes conditions : d’abord de choisir l’aliment précis qui vous donnerait du réconfort. Il est propre à chacun, mais en général, il est gras, salé et/ou sucré. Et si c’est un chocolat au lait avec des noisettes, ce n’est pas du chocolat noir 90% ! Ensuite, se poser vraiment, sans distraction (écrans, podcasts, boulot…) et le déguster à pleines papilles, avec un brin de curiosité afin de profiter du réconfort qu’il vous procure. Enfin, se sentir « en sécurité ». C’est-à-dire d’éprouver de la sérénité avant, pendant et après la consommation de cet aliment. L’humeur se stabilise et vous vaquez à vos occupations. Au repas suivant, plus apaisé(e), vous mangerez peut-être un peu moins. Et donc, peu d’incidence sur le poids, au final !
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Avez-vous des astuces pour limiter le gaspillage et optimiser ses plats afin de ne pas être en manque de courses trop vite ?
D’abord, lorsqu’on fait ses courses, se poser la question des promotions et des réels besoins, même si la loi les encadre un peu mieux depuis l’année dernière. Ensuite, bien ranger son frigo avec la technique « premier rentré, premier sorti ». Donc, placer les denrées les plus périssables de façon la plus accessible. Sinon, quelques astuces : des épinards un peu « fatigués », peuvent être mixés avec de l’ail, du parmesan et de l’huile d’olive (ou de noisette) pour faire un risotto au pesto vert. Avec le reste de pesto, on peut s’en servir pour parfumer des toasts allant au four. Si le riz cuit, sèche trop vite, on peut en faire des boulettes ou un gratin avec du fromage fondu. Emiettez votre pain sec et mélangez-le aux épices de votre choix pour twister pimper votre chapelure. Enfin, servez-vous des vieux fruits pour faire de la compote ou les introduire dans un cake à la banane ou dans un porridge au petit déjeuner. Sinon, avant que le beurre ne s’abime, faites-en du ghee (du beurre clarifié), qui pourra se conserver 3 semaines à température ambiante.
Faudra t-il adopter un nouveau régime alimentaire à la sortie de ce confinement (pour reprendre l'énergie nécessaire à la socialisation) ?
Je ne pense pas. Jusqu’à présent, il est toujours possible de sortir pour les courses de nécessité, donc les courses alimentaires, en respectant bien sûr les distances de sécurité et les autres gestes barrières. L’idée, pendant ce confinement, pour celles et ceux qui le souhaitent et qui le peuvent, c’est de pouvoir ralentir un peu, de prendre plus de temps pour mastiquer ses aliments et de porter davantage son attention sur ses sensations alimentaires (la faim qui gargouille ou le rassasiement, qui nous dit « je n’ai plus trop envie de manger, là »). Enfin, plus on se met des règles qui nous éloignent de nos préférences habituelles, plus la « sortie » (du confinement et des règles) peut être vécue comme une décompensation démesurée (un « lâchage », si vous préférez).
Charles Brumauld est nutritionniste et journaliste. Il anime régulièrement son blog, charlesbrumauld.com, son compte Instagram où de nombreux conseils pratiques sont postés, notamment sur le Coronavirus.