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L'idéal du progrès inexorable vers l’abondance et le bien-être de la société de consommation s’est retourné contre elle-même : les matières premières ne sont pas disponibles en quantité infinie et les pollutions générées par nos modes de production et de consommation ont des répercussions importantes sur notre environnement et notre santé.
En matière d'industrie textile, reconnue pour être très polluante et gourmande en matières premières, si l’Union européenne interdit l’usage de substances particulièrement toxiques, cette interdiction n’est pas en vigueur dans le reste du monde. Toutefois, depuis plusieurs années Greenpeace dénonce ces pratiques et sensibilise les consommateurs.
La mode polluante est-elle une fatalité ?
La prise de conscience des citoyens grandissant, on voit émerger dans les discours et stratégies des marques la nécessité d’agir en polluant et en consommant moins tout en recyclant plus.
C’est une première étape indispensable, mais ne faut-il pas aller au-delà et réinventer d’autres formes de production et de consommation dont la finalité ne serait pas d’être moins polluantes, mais d’être bonnes pour la santé et l’environnement, donc d’avoir un impact positif ?
La voie du cradle-to-cradle
Dans les années 1990, le chimiste allemand Mickael Braungart et l’architecte William McDonough se rencontrent et créent le cradle-to-cradle (C2C, en français, "du berceau au berceau"), qui est à la fois une philosophie et une méthodologie pour concevoir des produits différemment et éliminer la notion de déchet.
Le C2C s’inspire du fonctionnement de la nature où les déchets et les poubelles n’existent pas. En fin de vie, tout retourne à la nature, tout est utile. L’énergie utilisée est renouvelable, comme celle du soleil, et la diversité est la norme.
Concrètement, ça donne quoi ?
S’engager dans une démarche d’économie circulaire à impact positif pour la conception d’un vêtement va consister à sélectionner des composants non toxiques, à choisir des fournisseurs qui respectent les droits humains et la santé des salariés, à favoriser l’utilisation d’énergies renouvelables et à faire en sorte que l'eau qui ressort d'une usine soit de meilleure qualité que quand elle y est entrée.
Pour créer des "boucles positives" il s’agit également de prévoir la prochaine vie du vêtement en organisant sa récupération, son recyclage voire son compostage ou sa transformation. Un collant peut ainsi être transformé pour recréer des collants ou contribuer à la fabrication de moquettes.
On peut également envisager le prolongement de la durée de vie du vêtement en prévoyant un système de location ou de partage. Enfin, bien sûr, le marketing peut permettre de consommer différemment, comme le démontre Patagonia, qui propose la réparation des vêtements.
Quelles sont les marques engagées ?
Dès 2013 Puma était l’une des premières à s’engager. Elle a aujourd’hui plusieurs produits dans son programme Bring Me Back : des sneakers lifestyle, des tee-shirts biodégradables, uneveste et un sac à dos recyclables.
Pour boucler la boucle, Puma propose à ses clients de lui ramener les produits après usage afin de pouvoir les recycler et en créer de nouveaux.
C&A, premier consommateur de coton bio dans le monde, a travaillé plusieurs mois sur des produits non toxiques et entièrement recyclables, voire compostables, selon le principe C2C. Un premier tee-shirt est sorti en 2017, à un prix inférieur à 10 €.
En 2018, la marque poursuit l’aventure en renouvelant cette gamme.
Wolford, quant à elle, a créé de la lingerie fine biodégradable et non toxique.
Pour accélérer l’évolution de l’industrie textile, des marques, des designers et des fabricants, notamment de fibres et de teintures, ont décidé de se regrouper autour du mouvement FashionPositive.
Dans les autres secteurs
Outre le secteur de la mode, d'autres marques portent l’ambition d’avoir un impact positif, mais le chemin du C2C est parfois long car exigeant(2). Les marques qui s’engagent le font produit par produit. Toutes ces actions peuvent sembler être des gouttes d’eau, mais les pionniers qui s’engagent assument leurs responsabilités et sont en train de lancer la tendance de l’avenir.
Et au niveau individuel ?
Chacun à son niveau peut jouer un rôle dans le C2C. En tant que consommateurs, on peut bien sûr privilégier les produits bio et ceux labellisés C2C, pour "faire partie de la solution" et œuvrer à changer le monde !
(1) Cradle to Cradle, créer et recycler à l'infini, Michael Braungart et WilliamMcDonough, éditions Alternatives.
(2) Une conférence à destination des entreprises aura lieu en septembre 2018 ; plus d'infos contact@c2ccommunity.org