Vous êtes passée de l’immobilier au développement durable, qu'est-ce qui vous a poussé à vous reconvertir ?
J’ai eu une prise de conscience progressive qui remonte à l’enfance. J’ai toujours été attirée par le vivant, plantes, fruits, animaux et j’ai d’abord tenu une position de « défenseuse » des causes mais sans être « actrice » au final. J’étais celle qui signe les pétitions, qui clique, qui relaye mais en spectatrice. Au bout d’un moment j’ai cherché plus de cohérence dans ma vie quotidienne, et je n’avais plus envie de « servir » un patron, un job qui ne faisait pas avancer le monde dans la bonne direction.
Est-ce qu'une formation est indispensable pour créer sa micro-ferme ?
Indispensable non, j’en suis l’exemple. Mais nous recommandons fortement d’en suivre une car qui peut le plus peut le mieux, et le métier est très complexe, alors une bonne formation type BPREA n’est pas de trop. De plus, elle se fait en un an et permet de faire des stages dans des fermes qui peuvent rendre compte ainsi d’une réalité du quotidien et inspirer sur son projet.
Vous avez suivi personnellement une formation à la ferme du Bec Hellouin, pionnière de la permaculture en France. Comment s'est-elle déroulée ? Qu'est-ce qui vous a marqué ? A qui recommanderiez-vous cette formation ?
C’était la 1ère édition et je n’ai pas pu la suivre jusqu’au bout. Il m’est difficile d’émettre un avis, c’était il y a 7 ans. Ce que je peux dire c’est que ma rencontre avec cette ferme m’a ouvert des portes, humaines et psychologiques. J’y ai rencontré Édouard avec qui nous avons créé notre ferme. C’était la 1ère fois que j’entendais parler de permaculture. Aujourd’hui cette inspiration transpire dans notre projet, mais nous parlons également d’agroécologie pour nous définir.
Cela fait maintenant 6 ans que la Ferme des Rufaux existe. Celle-ci livre des familles par le biais des AMAP, des restaurants gastronomiques, boutiques à Paris etc. Une belle réussite, qui n'a pas forcément dû être simple, on l'imagine. Pouvez-vous raconter votre expérience avec ses hauts et ses bas ?
Nous insistons sur le fait que ce genre de projets à contre-courant n’est pas un long fleuve tranquille. Nous continuons à nous battre pour arriver au bout de nos projets, sensibiliser, développer, stabiliser. Nos fermes sont riches mais fragiles, dans un contexte en contradiction avec nos valeurs de sobriété, de reconnexion au vivant et aux saisons. Nos modèles sont viables économiquement et humainement mais il faut constamment être attentifs à l’excès de fatigue et à maintenir le cap économique. La paperasserie et les charges peuvent facilement nous assommer, et la météo nous réserve souvent des surprises. Avec les années, nous avons appris à mieux appréhender les difficultés.
Les hauts ce sont les enfants qui se régalent avec des sourires de nos produits, qu’on voit grandir, s’émerveiller en venant à la ferme, ce sont ces citoyens qui nous accompagnent depuis le début, ce sont ces merveilles du vivant, animaux, insectes et plantes qui s’épanouissent devant nos yeux et semblent nous remercier de prendre soin d’eux. C’est aussi de cuisiner ses propres produits et d’avoir cette fierté d’être paysan, le sentiment de retrouver de l’autonomie, de la cohérence, du sens et de goûter à une certaine liberté.
D’ailleurs vous pouvez nous soutenir et venir à notre rencontre via notre campagne de financement participatif.
Vous parlez de la permaculture comme « la solution à tous les maux de la société », qu'entendez-vous exactement par ce terme ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Je parle ici des piliers de notre société : environnement, économie et social. Je pense ne pas avoir besoin de réexpliquer ici l’intérêt des fermes bio agroécologiques pour l’environnement : non seulement nous préservons les écosystèmes et la ressource en eau mais nous recréons du sol, développons la biodiversité et conservons les variétés anciennes.
Pour l’économique, nous démontrons chaque jour que malgré un contexte morose, nos fermes se développent, pas à pas. Notre modèle est viable, crée de l’emploi et favorise le développement local.
Pour l’humain, nous sommes heureux dans nos bottes de néo-paysans, recréons du lien par le circuit-court, de la vie dans nos villages, de la pédagogie, nous sommes au coeur de communautés sensibles à nos valeurs. Par l’accueil de stagiaires à la ferme, nous transmettons nos connaissances, et changeons le monde à chaque tablée. On retrouve une certaine « vie paysanne » riche en culture, en poésie et en philosophie en confrontant nos idées et vibrations avec les visiteurs de notre quotidien.
Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire votre livre guide-témoignage « Permaculture & agroécologie, créer sa micro ferme » ?
L’idée était d’accompagner au mieux, de transmettre notre expérience et réflexions pour aider ceux qui nous suivrons, et nous savons qu’ils sont nombreux à vibrer pour un retour à la terre. J’avais le sentiment que notre expérience pouvait faire écho. Que notre profil pouvait ressembler à une majorité de porteurs de projet en micro-ferme : anciennement citadin, pas de racines agricoles directes, souvent d’études supérieures intellectuelles et non manuels avec une expérience pro antérieure, des gens déçus de leur job et qui n’ont pas forcément beaucoup de moyens. Afin de montrer que « oui, c’est possible » et d’illustrer comment on avait fait. Pour leur faire gagner du temps également, car quand on débarque dans ce milieu, beaucoup de termes vous sont inconnus, la carte des acteurs se mélange, on ne comprend pas toujours dans quel sens prendre les choses, comment démarrer. A travers cet ouvrage j’espère contribuer à faciliter les décisions, à réconforter et à répondre aux diverses interrogations qu’on peut avoir quand on démarre.
Vous avez de belles personnalités qui préfacent votre livre, Pierre Rabhi, Nicolas Hulot, Maxime de Rostolan et Claire Véret. Était-ce important pour vous d'avoir leur soutien ? D'une manière générale, la permaculture a-t-elle besoin de porte-paroles aussi connus du grand public ?
J’ai eu beaucoup de chance d’être soutenue par mes premiers inspirateurs, guides (Nicolas Hulot et Pierre Rabhi), et d’avoir comme collaborateurs et soutiens sur ce livre Maxime de Rostolan et Claire Véret. La permaculture et l’agroécologie, ainsi que les micro-fermes ont un boulevard devant elles et doivent gagner du terrain dans l’esprit des citoyens mais surtout des élus et autres décideurs afin de faciliter toujours plus leur développement. Nos parrains et marraines qui ont réalisé de si belles choses durant toutes ces années afin de permettre notre meilleure compréhension du monde et qui ont tant développé nos sensibilités, nous sont très importants. Heureusement qu’ils sont là, et j’ai ressenti un bel encouragement, une satisfaction de leur part, de voir des jeunes prendre en quelque sorte le relais, sur les thèmes qu’ils portent depuis si longtemps. De voir que nous les incarnons, les faisons avancer au quotidien pour l’avenir de tous.
Votre livre est très pédagogique et peut se révéler un excellent compagnon pour une personne qui souhaite démarrer son projet de micro-ferme. Quel est le meilleur conseil que vous puissiez donner à quelqu'un qui se lance ?
Il n’y en aurait pas qu’un, et j’ai essayé d’en donner un maximum dans le livre. Mais je souhaite ré-insister sur l’importance d’enraciner ses rêves. C'est-à-dire qu’il faut une part de rêverie dans nos projets, de l’utopisme, un brin de folie, mais derrière se garantir le maximum de flèches à son arc : se former, économiser, bien réfléchir son projet, ne pas se précipiter et être bien entouré. Car il y aura des journées fabuleuses, qui nous portent, où l’on pense que rien n’est impossible et également des journées noires. Dans ces moments là, les amis, la famille, la communauté que nos projets développent seront importants. N’oubliez pas, l'essentiel c’est vous ! Prenez du plaisir à entreprendre, à voir votre oasis vivre, les oiseaux chanter et écoutez-vous.
Infos pratiques :
Créer sa micro-ferme : permaculture et agroécologie, Linda BEDOUET, éditions Rustica, 29,95 €.