Retrouvez Armelle Six du 18 au 22 août en Ardèche à l’occasion du 2ème Festival de Danse du Mouvement de la Vie. Un évenement dont FemininBio est partenaire.
FemininBio : En 2001, votre vie bascule suite au décès de votre fils. Qu’est ce qui s’est passé en vous à ce moment là ?
Armelle Six : J’ai vécu un bouleversement incroyable. Une perte d’identité, de tous mes repères. Le temps s’est arrêté pour moi. Je suis sortie de cet hôpital, je ne savais plus qui j’étais. Je m’étais définie par mon rôle de mère, et je n’en étais plus une. D’un coup, tout le futur que j’avais imaginé s’est effondré, et ma vie avec. L’intensité de la souffrance était telle que tout ce qui existait était ce qui était là, ce qui se passait. Je n’arrivais plus à penser plus loin. Cet effondrement énorme me forçait à vivre un moment après l’autre.
Dans les mois qui ont suivi, j’ai commencé à vivre de grands moments de silence et d’émerveillement aussi. Je me sentais touchée, remplie par un rien. Je pouvais rester accrochée à une goutte d’eau sur un arbre pendant un long moment. Je voyais le merveilleux dans les choses les plus simples du quotidien. Ma perception n’était plus la même.
Dans quel sens votre vie s’est alors trouvée transformée ?
Dans les deux mois qui ont suivi, ma petite voix intérieure s’est faite de plus en plus forte. Elle me disait que cette vie-là n’était pas la mienne et qu’il y avait autre chose pour moi. A l’époque je n’avais aucune idée de ce que ça voulait dire ! Je n’étais plus mère, plus adolescente, et je ne savais pas ce que voulait dire “être une femme”. Quel était le sens de la vie alors ? Il devait forcément y avoir plus que : naître - aller à l’école - trouver un job - se marier - faire un enfant - mourir.
J’ai donc suivi ma petite voix, et j’ai complètement changé de vie. Et au fur et à mesure des années, je suis partie à la recherche des réponses. Je ne me suis pas dit “je me mets en quête”. J’ai continué le cours de ma vie mais tout avait changé. J’élargissais peu à peu ma zone de confort, expérimentant des choses inédites comme quitter mon job, ma ville natale, faire de la radio malgré ma timidité, voyager seule, en sac à dos…
Diriez-vous que vous vous êtes rencontrée à ce moment là ?
Intérieurement je changeais énormément, émerveillée par des choses simples. J’avais 23 ans quand mon fils est mort. J’étais très jeune, et je me sentais vraiment en décalage avec le reste du monde. Ma douleur était intérieure, et personne ne savait. Il m’était difficile de parler de mon histoire. Cela effrayait souvent les autres et les mettait mal à l’aise. En même temps, je me suis aussi sentie très soutenue par mes amis proches.
J’avais une urgence de vivre. La vie était devenue si précieuse, il me fallait la croquer à pleines dents. J’étais alors dans une telle ouverture que tout était nouveau tout le temps. Je faisais de nouvelles rencontres, j’ouvrais tous mes univers, et je vivais la vie que je ne m’étais pas autorisée à vivre avant la mort de mon fils. Je voyais l’ouverture, la liberté, l’absence de peur.
Que vous enseigne votre petite voix intérieure ?
Quand j’écoute cette voix, je me sens complètement alignée à moi de tout mon être, droite dans mes chaussures. Et je suis convaincue que nous avons tous besoin de pouvoir discerner la voix de notre être pour changer le monde aujourd’hui et oser être nous. La qualité de notre rapport à nous-même, à l’autre, à la Terre s’en trouve transformé. La voix de l’être inclut, donne des solutions, dans la conscience de notre interconnexion avec tout, nous révèle que nos décisions ont un impact sur le reste du monde. Elle rassemble. La voix de la peur exclut, crée des conflits, de la séparation, du manque. Elle isole.
Qu'est ce que l'éveil pour vous ?
Si je devais mettre une définition sur l’éveil, ce serait une reconnaissance de ce qui est de plus pur, de plus vrai en nous, cet endroit intouché par nos expériences de vie, l’unité de tout être. C’est une ouverture à une nouvelle perspective sur la vie.
Est-on obligé de souffrir pour y parvenir ?
La souffrance vient nous bousculer très fort, ce qui engendre souvent la perte de repère et le bousculement de nos schémas habituels. Ce sont des conditions favorables. C’est cela que j’ai vécu. Mais je ne pense pas que cela soit une condition nécessaire. Aujourd’hui je vis comme tout le monde des moments difficiles mais ma perception a complètement changé et quoique je vive j’ai toujours de l’espace pour le vivre.
Avez-vous atteint ce “bonheur” que tout le monde cherche ?
Tout dépend de ce qu’on entend par bonheur… Il y a en tout cas en moi un endroit où quoi qu’il se passe, ce n’est plus un problème et un profond contentement d’être tout simplement. Mais ce qui m’est le plus précieux aujourd’hui, c’est la relation. C’est cette envie de prendre soin, de moi, de l’autre, de la planète, d’objets, de TOUT, car tout est interconnecté donc tout fait partie de nous.
Pourquoi le silence et le fait de “couper son flot de pensées” nous fait-il peur ?
Lorsqu’on se retrouve face au vide, on n’a plus d’identité. Pour notre mental, c’est terrifiant de “ne plus savoir”, comme une impression de ne plus exister. Pour l’égo, c’est une petite mort. Et comme on croit qu’une personne - avec une consistance physique - existe à l’intérieur de nous, dans les expériences de grand vide et de grand silence, tout cela disparaît. C’est cela qui peut créer une peur immense. Et je pense encore plus si nous avons une expérience de vie traumatique, car elle rend l’identification à cette personne encore plus dense. De mon expérience, il est important de prendre soin de nos blessures psychologiques. L’éveil ne veut pas dire que toute notre souffrance va partir. Ce qui n’a pas été rencontrée auparavant revient. Beaucoup de gens se cachent dans l’espace intouché dont j’ai parlé. C’est tout d’abord une expérience sincère, puis ça peut devenir une nouvelle identification pour ne plus sentir la souffrance. Il peut alors y avoir un déni et ne plus être en contact avec la vie. J’ai vécu cela pendant un temps, mais je ne m’y suis pas accrochée car la souffrance m’a ramenée. J’ai senti des grandes ouvertures de conscience, de coeur, un grand silence, puis au travers de la danse que j’ai créée (DMLV*), je me suis sentie rappelée dans le corps. Et de là, des expérience d’abus que j’ai vécu petite fille dont je n’avais plus conscience m’ont ramenées dans le corps pour une intégration encore plus profonde.
Qu’est ce qui fait que l’on est en quête perpétuelle ? En attente ? Comment cesser ces mouvements inutiles ?
C’est là parce qu’on n’est pas conscient de notre vraie nature, de ce silence en nous, en toutes choses, de ce qui est plus grand que nous et nous englobe. On vit alors d’une perspective de manque, de séparation et on cherche à tout prix à combler ce manque, à retrouver notre complétude. L’unité est notre vraie nature. Nous en avons la mémoire, et cherchons de toutes les façons à retrouver notre réalité. Quelqu’un qui travaille ou qui boit plus que de raison cherche aussi à combler ce manque. Et ce que c’est, c’est le manque de soi.
Quand on se rencontre, une nouvelle perspective de tout s’ouvre. Et un autre mouvement se met en place. Plus nous sommes dans l’écoute profonde, plus nous vivons dans le flot de la vie, plus nous sommes connectés à cela, à nous, à tout. Et lorsque nous pouvons mettre le mental au service de l’être, il s’apaise.
Ses livres :
Les enfants d’aujourd’hui font les parents de demain
Le bonheur quoiqu’il arrive, propos fulgurants d’Armelle Six par Robert Eymeri
Son site :
Rencontre en présence