Dans cet endroit reclus, où il faut être "acceptée" par le gynécologue septuagénaire tant les demandes semblent nombreuses, les futures mères viennent chercher une forme d’harmonie intérieure, avant le grand chambardement que représente une naissance. On pourrait croire à une nouvelle lubie de riche, loin de là. Ces femmes sont toutes différentes, et touchantes chacune à leur façon. Elles arrivent avec leur histoire, leurs doutes, leur souffrance parfois. Comme celle de cette jeune femme quittée par son conjoint au début de sa grossesse, ou encore celle à qui on prédisait un accouchement difficile, voire une mort in-utéro.
La méthode transmise par le vieux médecin est simple : faites de l'exercice, des flexions en permanence. Ne cessez pas de bouger, car c’est l’inactivité qui engendre les complications. Et les pensionnaires de s’exécuter, le long des murs les bras tendus, par séries de 50, soit près de 300 par jour, "mais je me sens en pleine forme" confie l’une d’elles en souriant. A l’extérieur, on coupe des troncs d’arbres à la hache, en pliant bien les jambes jusqu’en bas, même si "c’est pour bientôt", avoue une autre sans cesser le geste.
Tadashi Yoshimura fait figure de vieux sage autour du mouvement incessant des ventres ronds, et se qualifie volontiers "d’égocentrique et foutraque". Il parle peu, mais juste. Et son air détaché révèle peu à peu sa maitrise parfaite d’un métier qu’il exerce depuis des décennies. Sa pratique naturelle ne prône pas un retour en arrière et utilise tout ce qui est nécessaire dans la médecine moderne : suivi des patientes, examens réguliers, échographie de pointe. Car si le praticien a appris à accepter l’idée de la mort, les progrès de la science sont tels que celle-ci n’est désormais plus envisageable au moment de donner la vie.
La caméra en 16 mm de Naomi Kawase suit son regard de réalisatrice et nous offre des images qui semblent savamment non travaillées, des plans fixes de nature, des séquences au plus intime de ces existences qui se livrent sans fard ni retenue. Et sans le voir venir, on laisse échapper une larme, un sourire, et l’on finit par ressentir à l’unisson le bonheur intense du moment tant attendu de l’arrivée de l’enfant, au rythme régulier de la respiration de sa maman.
Le titre Genpin dérive des mots du philosophe chinois Lao-Tseu : l’esprit de la vallée ne meurt jamais. On appelle Genpin la femme mystérieuse. L’esprit de la vallée prend sa source dans une large rivière qui donne naissance à la vie. Comme l’esprit de la vallée, les femmes sont la source qui donne naissance à toute vie.
Ni utopique, ni donneur de leçons, Genpin touche par sa simplicité et sa justesse et dessine un portrait en creux de la société japonaise actuelle.
Genpin, sortie en France le 7 novembre 2012. Japon 2010, par Naomi Kawase - Baba Yaga Films.