Cet article a été publié dans le magazine #37 novembre-décembre 2021
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Rencontrer quelqu’un, c’est se donner la possibilité de découvrir un autre espace que le sien, un autre territoire. Dans toute rencontre, il y a nécessité d’un " aller vers ", d’un désir qui s’incarne. Ce qui est magique, c’est que quelles que soient les attentes, il existe constamment une part d’inconnu qui se révèle et une part de mystère qui demeure.
L’ouverture au lien
Indéniablement, quelque chose en soi se modifie. C’est un bouleversement, une invitation à l’exploration et à la curiosité. Pour comprendre cette magie de la rencontre, il n’est pas nécessaire de la rechercher, ni d’avoir un mode d’emploi infaillible. Il suffit juste de se préparer, d’être dans l’ouverture de la possibilité du lien. C’est cela qui est bouleversant : s’apercevoir que la magie de la rencontre est constante et que notre ouverture au monde peut suffire à déguster cette grâce, ces instants de pure modification de soi.
L’art de la rencontre
Nous pouvons rencontrer une autre personne, un paysage, un animal, une œuvre d’art. Ce qui fait rencontre, c’est l’inverse du croisement, de la fugacité. C’est le face-à-face entre soi et ce qui est autre.
Nous avons des antennes sensibles qui ont besoin d’être entraînées à percevoir autrement que ce que le quotidien nous réclame. Ces antennes sont des capteurs d’autres, elles émettent des signaux qui nous font saisir combien nous pouvons être en résonance et en accord avec ce qui nous entoure au moment même où nous le vivons.
Un regard neuf sur l’autre
Se donner la possibilité de vivre la magie de la rencontre, c’est aussi changer son regard sur le monde. Ce n’est plus regarder pour comprendre mais contempler pour participer et ressentir. La différence est de taille !
Bien sûr, là où cette magie opère et désarçonne avec délice, c’est lors d’une rencontre amoureuse. Mais peut-être est-il bon de s’apercevoir que la rencontre avec une orchidée ou un tableau de Zao Wou-Ki peut aussi s’avérer être de l’ordre du rendez-vous magique.
L’alchimie sexuelle
Qu’est ce qui crée la magie ? C’est quand l’âme agit. Et c’est également lorsque l’alchimie opère, c’est-à-dire quand le quotidien, le connu et l’habituel sont transcendés par une connexion avec l’indicible et le non nommable. Cette magie si singulière se fait aussi dans la sexualité. Il s’agit là encore d’une rencontre, mais sa spécificité est qu’elle se situe sur le territoire du partage intime, du dévoilement et de la vulnérabilité.
On peut concevoir une sexualité qui ne serait là que pour aider à faire tomber les tensions, à créer de l’agréabilité, à rester en bonne santé. Ce n’est là qu’une des fonctions de la sexualité. Cette fonction est la plus connue, la plus accessible, la plus simple et elle cherche à reproduire ce que nous connaissons déjà car nous en avons expérimenté les bienfaits. Hélas, ici, peu de surprise et peu de magie.
La découverte sensorielle
Si l’on veut visiter d’autres espaces du sensible sexuel, il est nécessaire de quitter les chemins déjà fréquentés pour se lancer dans une aventure sensorielle et profonde dont la teneur se découvre à chaque dévoilement, chaque caresse, chaque souffle.
La magie de la sexualité s’expérimente d’abord par l’apprentissage du ralentissement. Ralentir, c’est suspendre le temps, le laisser flotter au-dessus de soi comme un nuage. C’est dans le ralentissement qu’est la magie de la sexualité car dès que l’on ralentit, on met de la conscience dans le ressenti, le prendre et le donner. On met de l’âme.
J’ai parlé de la surprise de la rencontre. Elle est présente dans la sexualité, bien entendu, et elle s’accompagne d’une prise de conscience sensorielle de l’espace qui sépare les corps. C’est dans cet espace que le ralentissement joue son rôle. Il permet d’apprécier le doux chemin à faire pour recevoir l’autre en son cœur, son sexe et son âme. Le lien qui nous relie à l’autre est fait de la jubilation à se mouvoir vers l’autre tandis qu’il se meut (et s’émeut) à venir vers nous.
La sexualité au-delà du connu
Ce qui se découvre, ce n’est pas une jouissance qui, petit à petit, va vers son acmé. C’est un désir qui nous étreint par vagues successives et nous emmène sur des océans inconnus. Ces océans sont faits de l’étoffe même du lien qui unit celles et ceux qui découvrent cette magie de la sexualité et s’y adonnent avec délice.
Il y a tant d’expressions pour parler d’un acte sexuel ! Faire l’amour, le coït, la copulation… Ce qu’apporte ce brin de magie dans la sexualité, c’est l’absence de mots pour décrire ce qui s’y passe. En réalité, nous sommes faits par l’amour dans ces instants-là. Nous sommes dans un lâcher-prise où les corps finalement savent ce qu’ils ont à faire ! Ici, pas de recette, de schéma préétabli. C’est l’intelligence relationnelle des cœurs qui parlent avec évidence.
La magie de la sexualité est une poésie de la rencontre sensuelle. Un poème s’écrit à chaque baiser. La peau aime recevoir cette lenteur qui joue avec le temps et les sensations.
L’étreinte dansante
J’ai nommé le ralentissement. Il serait bon également de nommer la danse. Il n’y a pas de magie sexuelle sans une danse consciente des énergies qui se mélangent et se transforment. Les corps sont inscrits dans cette danse énergétique de manière naturelle. Les vibrations, les tremblements joyeux des âmes, les courbes des gestuelles, les humidités qui se mélangent. Tout cela participe à une chorégraphie improvisée qui donne à la relation sa direction et sa pertinence. Sa puissance.
Rencontrer l’autre ainsi est un étonnement et une joie perpétuels. C’est faire l’humour ensemble, tant il y a une juste jubilation à prendre son temps et à laisser agir la magie de ces instants suspendus tout en étant fragiles et forts à la fois.
Un chemin vers soi-même
En fait, il faudrait parler de magies, au pluriel. Car chaque magie en appelle une autre, ainsi à l’infini… Et ce que ces magies offrent, c’est de se découvrir soi-même au travers de la rencontre sensuelle et sexuelle avec une ou un autre que soi-même. Ce que l’on apprend nous aide à mieux vivre, à mieux ressentir ce qui bruisse en nous. C’est une initiation et c’est aussi le pas posé sur le chemin d’une spiritualité incarnée et joyeusement humaine.
C’est la Vie ainsi qui fait magie. Et celle-ci trouve ses axes majeurs dans la rencontre et la sexualité. Dans le lien. Nous sommes des êtres qui avons besoin d’être en lien, d’être en connivence et en partage. Et nous avons la possibilité magique de le vivre dans nos espaces de fragilité les plus profonds et les plus beaux. Ne passons pas à côté de cette chance magnifique !
Notre auteur
Alain Héril est psychanalyste, sexothérapeute, formateur et auteur. Son dernier ouvrage On ne fait pas l’amour, c’est l’amour qui nous fait est paru aux éditions Le Courrier du Livre.